ᴛʜᴇ ʜɪᴅᴅᴇɴ sᴄᴀʀs

6 | ᴀ̀ ᴄᴏɴᴛʀᴇᴄɶᴜʀ

|sᴇʟᴇɴᴀ|

– Selena ? ¿Puedes venir dos minutos? (Selena, tu peux venir deux minutes ?)

La voix de ma mère venant de la cuisine me force à me lever du canapé qui m'est bien trop confortable. Cela doit faire presque une semaine que je ne me suis pas retrouvée seule avec ma mère, surtout qu'elle prend à chaque fois le poste de nuit.

Elle disparaît vers dix-huit heures, après avoir passé sa journée à dormir, enfin si elle arrive lorsqu'elle ne fait pas semblant de ne pas entendre mes cris en me faisant battre.

Ou alors elle préfère s'occuper l'esprit autrement que de résoudre un problème impossible. Je sais bien que ma mère aime encore mon père, surtout en vue des regards qu'elle lui donne lorsqu'il est enfin lui-même.

Comme si la violence et toute la colère qu'il a en lui n'étaient pas un problème majeur et une raison pour que l'amour s'évapore. Mais bon, je ne peux pas lui en vouloir, ce n'est pas comme si j'avais arrêté de chérir cette famille qui n'en est plus une depuis la première gifle que j'ai reçue.

Alors non, je ne suis pas vraiment la meilleure pour la juger d'aimer cet homme, même si j'aurais aimé le contraire.

– Oui, maman ?

En entrant dans la cuisine, je vis ma mère parfaitement habillée, comme si elle était déjà prête pour partir je ne sais où. Je lui lance un regard confus alors qu'elle récupère son sac de travail habituel.

Bien que d'habitude elle porte une blouse avant de quitter la maison, cette fois-ci elle porte simplement ses affaires du quotidien. Elle porte une robe à fleurs longue, avec un petit gilet beige en laine.

Elle est étrangement souriante, j'aurais dit heureuse, ce qui est rare de voir sur le visage de ma mère depuis plus d'un an.

– Tu hermano me invitó a Manchester por dos días, quería que pasáramos mi cumpleaños juntos. (Ton frère m'a invité à Manchester pour deux jours, il voulait que nous passions mon anniversaire ensemble.)

C'est vrai, l'anniversaire de ma mère est demain, et c'est demain que j'avais prévu de passer une journée ensemble. J'ai même pris congé et demandé à Katheline de me remplacer pour cette journée.
Je ne me serais pas attendue à la voir partir pour Manchester sur un coup de tête, car bien que ma mère soit occupée avec le travail, elle me prévient toujours lorsqu'elle sort, ou du moins elle me laisse un post-it.

Esteban lui a sûrement fait la surprise.
Je me dirige vers la fenêtre de la cuisine, à la recherche de la voiture de mon frère. Je le connais, jamais il ne laissera notre mère prendre le train ou le bus toute seule. Il doit forcément être là, tout près à attendre ma mère qui va le rejoindre d'ici quelques minutes.

– Et moi ? Vous allez vraiment me laisser toute seule avec papa ?

Son regard s'adoucit en prenant conscience de la situation, elle fait quelques pas vers moi et dépose sa main tendrement sur mon épaule.

Et malgré moi, je m'adoucis à mon tour à ce simple contact.

– Cariño, sabes que tengo muy pocas posibilidades de ver a tu hermano, mientras tú todavía tengas tiempo para tener citas antes de ir a la universidad. (Chérie, tu sais que j'ai très peu de chances de voir ton frère, alors que j'ai encore le temps de sortir avec toi avant que tu partes à l'université.)

Ses mains douces se posent à présent sur mes joues, me forçant à recroiser son regard qui me fait toujours oublier la douleur qu'elle me provoque. La tonalité de ses mots est bien trop douce pour que je puisse lui en vouloir, et puis elle n'a pas tort.