Chapitre 2

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Les premiers rayons du soleil percent à travers les interstices des volets, éclairant la pièce d'une faible lueur. Mes paupières s'ouvrent lentement. Je réalise que je suis recroquevillée sur moi-même, mes genoux repliés contre ma poitrine. Une douleur martèle mon crâne, comme un écho lointain des évènements qui ont précédé mon évanouissement. La froideur du sol contre ma joue me rappelle que je suis dans un endroit inhospitalier.

Mes pensées, encore embrumées par le sommeil et la confusion, tentent de démêler les fils du cauchemar dans lequel je me suis retrouvée. Où suis-je, et surtout, où est Rosina ? Son absence amplifie mon sentiment d'angoisse, et je me sens seule et vulnérable dans cette obscurité étouffante.

Je scrute les ombres autour de moi, mais la noirceur de la pièce semble dévorer toute lumière. Seul un cafard rampant à mes pieds brise le silence, devenant mon unique compagnon de ce lieu maudit. 

Mes vêtements, tachés de sang, sont un rappel cruel de l'horreur qui s'est déroulé sous mes yeux, lorsque ma sœur a été enlevée. Les images de chaos et de désespoir se bousculent dans ma tête : le corps inerte de ma mère, le fracas des tirs, les visages impitoyables des soldats.

Un bruit lointain résonne soudainement. Des pas lourds et réguliers, écrasant les graviers, s'approchent lentement. Je me redresse avec effort, prête à affronter cette nouvelle menace, le cœur battant la chamade dans ma poitrine.

La porte s'ouvre, laissant filtrer un mince filet de lumière qui dissipe en partie l'obscurité. Une silhouette apparaît, vêtue de l'uniforme bleu de l'armée, et une voix féminine, douce et rassurante se fait entendre.

- Enfin réveillée. Je suis le capitaine Vira de l'armée royale. J'ai attendu ton réveil pendant plusieurs heures, déclare-t-elle. Sa voix empreinte d'une étrange sérénité qui contraste avec la tension qui m'habite.

La présence de cette femme, droite et confiance, semble remplir la pièce d'une aura de calme qui me fascine et m'intimide à la fois. Je me sens soudainement petite et insignifiante à côté d'elle, écrasée par mes propres tourments et incertitudes.

- Je suis là pour répondre à toutes tes questions, poursuit-elle, son regard perçant plongeant dans le mien avec une intensité troublante.

Ma gorge se serre d'angoisse alors que je balbutie ma première question :

- Ma famille ? demandé-je d'une voix tremblante, mes yeux cherchent désespérément une réponse dans les siens.

La capitaine Vira prend une pause avant de répondre, ses mots lourds de significations que je redoute d'entendre.

- Ta sœur a été placée dans un orphelinat et ton père est détenu dans un camp de travail pour expier ses crimes, déclare-t-elle avec une compassion feinte qui ne parvient pas à dissimuler la cruauté de ses paroles.

Mon cœur se serre douloureusement à l'évocation de leur sort, mais une lueur d'espoir brille encore.

- Et ma mère ? bafouillé-je, peinant à contenir mes émotions.

- Elle lutte pour sa vie, plongée dans un coma artificiel. Avec la technologie dont dispose l'armée, nous faisons tout notre possible pour la sauver, répond-t-elle d'un ton presque réconfortant, mais ses mots résonnent dans ma tête comme un avertissement sinistre.

Un sentiment de soulagement mêlé d'amertume me traverse alors que je réalise que ma mère est encore en vie, mais son sort est entre les mains de ceux qui ont causé notre malheur.

- Pourquoi je suis ici ?

- Nous avons découvert que tu es une Touvilate, plus précisément une empathe, grâce à des tests sanguins. Tes capacités psychiques sont rares et précieuses. Savoir apaiser les émotions des autres et les comprendre te sera utile, dit elle d'un ton résolu.

Mes yeux s'écarquillent, incapable de comprendre pleinement ce qu'elle vient de me révéler. Les Touvilates, c'est ainsi que l'on appelle ceux qui ont une mutation. Elle aurait sommeillé en moi pendant si longtemps ?

- Tu vas intégrer un programme secret avec d'autres criminels Touvilates. Nous sommes dans un camp militaire où nous allons pousser ta capacité dans ses retranchements, ajoute-t-elle d'une voix autoritaire qui ne laisse place à aucune contestation.

Une vague de colère monte en moi, une rage sourde contre l'injustice et la cruauté de ceux qui veulent me priver de ma liberté. 

- Plus jamais je ne me sentirais impuissante face à ces oppresseurs sans scrupules, murmurai-je, une détermination brillant dans mes yeux.

La femme me fixe un instant, puis reprend d'un ton assuré :

- Je sais ce que tu penses, je suis une télépathe. Tu nous détestes. Utilise ta haine pour te battre et surmonter les épreuves à venir.

Je réalise brusquement que cette femme avait l'avantage depuis le début. Cachée derrière sa façade bienveillante, elle sondait mon esprit et lisait dans mes pensées.

Elle se dirige vers moi et me saisit le bras, m'obligeant à la suivre. Nous quittons la pièce. La lumière du soleil m'éblouit. Je découvre alors une immense base militaire, avec plusieurs bâtiments métalliques. Nous marchons sur quelques mètres avant d'arriver dans ce qui semble être un dortoir. Deux hommes et deux femmes, chacun assis sur un lit, se tourne vers nous à notre entrée. Le capitaine Vira me fait signe de m'installer sur le dernier lit disponible.

- La fille d'un traitre, deux rebelles, un meurtrier, une voleuse. L'escouade 16 est au complet ! Se moque la capitaine Vira.

- Elle n'a pas sa place dans notre équipe, elle est faible, lance l'un des hommes aux cheveux noirs d'un ton cinglant. Sa remarque résonne dans la pièce, semant un doute dans mon esprit déjà tourmenté. Je sens le poids du regard de chacun peser sur moi, comme si ma présence les dérangeait. Je serre les poings, déterminée à prouver ma valeur, malgré les jugements hâtifs.

Ignorant la remarque désobligeante, je m'installe sur le lit désigné par le capitaine Vira. Malgré la tension palpable du dortoir, je m'efforce de garder la tête haute, refusant de me laisser intimider par des inconnus au passé trouble.

Le regard dur de la femme assise à côté de moi, me scrute avec méfiance, ses traits tirés témoignant d'une vie marquée par les épreuves.

La voix ferme du capitaine Vira retentit à nouveau :

- Bienvenu dans l'escouade 16. Ici, nous ne tolérerons aucune faiblesse. Vous êtes ici pour servir un dessein plus grand que vous-même, un objectif qui dépasse votre compréhension.

Alors que la tension dans le dortoir s'accentue, un grondement sourd résonne à travers la base militaire. Le bruit pressé de pas s'approchent. La porte s'ouvre violemment, révélant un homme imposant.

- Capitaine Vira, déclare t-il d'une voix grave, l'heure est venue de mettre vos recrues à l'épreuve. Préparez-les pour la première phase du programme dès demain matin.

Un frisson d'incompréhension parcourt l'assistance alors que la réalité de notre situation se fait plus réelle que jamais. Nous sommes désormais plongés dans un monde où notre survie dépendra de notre force, notre intelligence et de notre solidarité.

Le capitaine Vira acquiesce d'un ton solennel. Je sens une détermination naître en moi pour surmonter les obstacles et retrouver ce qui m'a été arraché. Avec une seule pensée en tête : ne jamais renoncer à ma quête de justice et de liberté.

Éternelle mutationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant