Prologue

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Une respiration, un acte indispensable jusqu'au moment où il devient une nécessité et que l'on prend conscience de son importance

Emy

Cette douleur ne me quittera pas. Pourquoi c'est toujours à moi qu'il arrive ce genre de chose ? Sérieusement, se faire une entorse quelques jours avant l'une des compétitions les plus importantes de la saison ! Je n'ai pas prévenu Ethan, mon entraîneur, de ma blessure, sinon je sais qu'il m'aurait mis sur la touche et ça, c'est inenvisageable. Il y aura des recruteurs de haute renommée dans les gradins. Je me retrouve donc à prendre des antidouleurs dans mon vestiaire de la piscine avant de retrouver Ethan au bord du bassin. Je sais que ce n'est pas correct de faire ça, mais je ne peux pas faire autrement, tout le monde aura les yeux sur moi. On me qualifie de jeune prodige, je cite « le dauphin d'eau douce » comme un journaliste m'avait nommé dans un article. On ne peut pas dire que je n'ai pas la pression de ce côté-là. Avant de sortir de ma cabine, je m'assure d'avoir une bonne apparence. Il ne faut pas que ce stress qui me ronge déteigne sur mon attitude physique. J'essaye de faire quelques pas sur place et de garder un visage stoïque face à la douleur qui fuse dans ma cheville. Je regarde si mon maillot de bain est bien mis et sors ensuite de mon vestiaire.

En sortant, je me dirige vers le casier qui m'a été attribué et récupère mon sac à l'intérieur, sans oublier mon bonnet de bain, mon pince-nez et mes lunettes. Heureusement que mon passage n'est pas prévu dans l'immédiat, ça laissera le temps à l'antidouleur d'agir. Je me rends compte qu'au plus je m'approche vers les bassins, au plus l'ambiance de la compétition me submerge. Je perçois le bruit que font les spectateurs qui doivent être en train de s'installer.

L'odeur du chlore envahit mes narines, cette odeur qui m'est devenue si familière qu'à chaque fois que je la sens, je repense à la première fois où j'ai assisté à une compétition à l'âge de sept ans. Je passe sous la douche pour apaiser les battements de mon cœur et afin de me mouiller un peu aussi. Je traverse le pédiluve pour rejoindre le bassin où se déroulent les épreuves. J'aperçois Ethan de loin, se trouvant dans un coin de la piscine. Il est visible aux yeux de tous avec son t-shirt rouge spécial compétition. Il le met depuis que je l'ai confondu avec une autre personne lors d'une énième compétition.

J'avance jusqu'à lui, longeant le bord du bassin en prenant le temps d'observer l'endroit d'une façon précise, ce n'est pas la première fois que je viens ici mais j'ai toujours l'impression de redécouvrir les lieux. J'observe l'eau du bassin délimitée par les lignes d'eau, elle paraît si paisible quand il n'y a personne dedans. La piscine est entourée de larges baies vitrées qui révèlent un chemin entouré de palmiers mais elles laissent surtout le soleil envahir les lieux.

Quand j'arrive au niveau d'Ethan, il me demande si je vais bien, il sait que je peux angoisser facilement, c'est d'ailleurs le cas aujourd'hui, mais je ne lui en dis rien et lui réponds que ça va. À ce moment-là, une voix retentit dans les haut-parleurs : elle prie les premiers participants de se mettre en place. La compétition va commencer.

Je m'assois sur le banc à côté d'Ethan et nous regardons les premiers participants commencer la première épreuve, un 100 mètres en crawl. Au fur et à mesure que les nageurs défilent, un mal de tête me prend et je commence à avoir les oreilles qui sifflent. Cela ne dure que quelques secondes mais j'ai l'impression que ça s'éternise pendant des heures. Je sens une main sur mon épaule qui me ramène à la réalité, c'est Ethan qui me dit que ça va bientôt être mon tour et qu'il faut que je me prépare. J'enfile alors mon bonnet de bain, mets mes lunettes sur ma tête et garde mon pince-nez en main. En me relevant, je ne ressens pas de douleur au niveau de ma cheville. Ça me rassure sauf qu'à ce moment-là, un étourdissement me prend.

— Tu es sûre que tu vas bien ? Je te trouve un peu pâle d'un coup, me demande Ethan en m'aidant à me stabiliser.
— Oui oui, ça va. Je n'ai pas beaucoup mangé ce matin, ça doit être à cause de ça.
— Emy, sérieusement ? Tu dois être rigoureuse, tu ne peux pas sauter de repas sinon tu ne tiendras pas la compet', tu le sais !
— Oui, je suis désolée, bon, il faut que j'aille me mettre en place.

Arrivée au niveau des plongeoirs, la chambre d'appel me donne mon papier de candidat et je me dirige ensuite vers la chaise installée derrière mon plongeoir. Une course a lieu juste avant mon tour. Je regarde avec anxiété les nageurs en pleine course, mon regard se perdant dans l'eau du bassin. Les applaudissements des spectateurs à la fin de la course me tirent brutalement de ma transe, si bien que j'en sursaute, manquant de tomber de ma chaise. Après leur session, je me place derrière le plot en me mordant les lèvres et donne mon papier à l'officiel. Mon stress fait son retour à ce moment-là. J'hyperventile. Trois coups de sifflets indiquent que nous pouvons nous placer à côté des plongeoirs. Je m'avance en tremblant et me mets à côté du mien tout en positionnant mes lunettes devant mes yeux ainsi que mon pince-nez. Un coup de sifflet continu retentit, c'est le signal de monter sur notre plot. Je n'entends plus les encouragements du public, je ne perçois plus que les battements effrénés de mon cœur. Quand la voix crie "À vos marques !", je me positionne, prête à plonger. À cet instant, je m'efforce de contrôler ma respiration, en inspirant et expirant de grandes bouffées d'air. Quand le dernier coup de sifflet continu résonne, tout le monde plonge.

Le changement de température me percute, cela me fait comme un choc thermique, l'eau est gelée. Cette sensation est toujours présente au début mais aujourd'hui, c'est comme si j'étouffais. Ma cage thoracique est oppressée. J'essaye de faire abstraction de ce ressenti et de me calmer. Je me concentre alors sur la poussée d'adrénaline qui me parcourt, contrôle ma respiration et ne pense qu'à mon 100 mètres papillon. Tout se passe bien quand soudainement, alors que je suis en tête de la course, je sens que quelque chose cloche. Ma cheville ne me fait pas mal, au contraire d'une migraine qui me prend par surprise. D'un coup, je ne contrôle plus ma respiration. C'est à ce moment-là que je sens mes poumons se remplir d'eau. Elle afflue dans ma gorge, je n'arrive plus à retrouver mon souffle et à rester à la surface. Je suffoque, je vais me noyer. Je panique de plus en plus, je me sens partir, me déconnecter de mon corps. J'essaie de faire des gestes qui montrent ma détresse mais c'est peine perdue. Je me recroqueville sur moi-même. La dernière chose que je perçois, c'est la voix d'Ethan qui crie mon nom. Après ça, je perds connaissance.

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