Le monde avait changé.
L'Ancien ordre avait fait place au Nouveau.
Que s'était-il passé au juste ?
Je n'en ai malheureusement pas la moindre idée mais plusieurs rumeurs circulaient à ce sujet lorsque j'étais encore enfant.
Certains parlaient d'une punition divine qui avait emporté la moitié de l'humanité en quelques jours à peine, chose à laquelle j'eus toujours le plus grand mal à croire.
J'accordais cependant plus de crédit aux récits évoquant l'inconscience des hommes ayant usé d'armes si puissantes qu'elles finirent par presque les éradiquer.
D'autres faisaient état d'un manque de respect envers la nature et la planète tout entière, manque dont les conséquences se révélèrent, à terme, catastrophiques.
En tout cas, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, une grande partie de la race humaine fut balayée de la surface de la Terre avec presque toute la science qu'elle avait pourtant passé des siècles à développer. Cette même science qui avait finalement contribué à précipiter sa chute.
Loin de moi l'idée de paraître moralisatrice et de m'attarder davantage sur ce qui provoqua cette catastrophe car tel n'est pas l'objet de l'histoire que je vais vous conter.
Cette histoire est la mienne et je vais vous exposer tout ce qui contribua à façonner ma destinée, faite de grandes passions mais aussi de grands drames.
Je vins au monde quelque part durant le printemps 2069. Je n'ai cependant aucune certitude à ce sujet, car les pauvres gens qu'étaient mes parents ne se souciaient que fort peu de ce genre de détails.
Quant au nom exact du village où je vis le jour, il s'est désormais perdu dans les brumes du temps, mais je sais qu'il se situe au sud de ce pays qu'on appelait autrefois la Belgique, là où la Semois forme un méandre, dominée par les ruines imposantes d'un ancien château fort, perché sur son éperon rocheux.
Un endroit paisible au demeurant mais entouré d'inquiétantes légendes.
En effet, la disparition à peu près complète des humains et de leur envahissante civilisation avait permis aux populations de loups de croître de manière importante, si bien que la forêt était redevenue un lieu de craintes profondes. On ne s'y aventurait qu'avec la plus extrême prudence, sous peine d'être dévoré, voire pire, car les loups ne constituaient pas la seule menace guettant les trop téméraires.
Les brigands étaient également nombreux à rôder et à guetter le voyageur imprudent, prêts à le délester de tous ses biens puis à l'égorger sans autre forme de procès.
En outre, une fois la nuit tombée, on racontait que des esprits mauvais, n'appartenant pas au monde des mortels, hantaient les sous-bois, emportant leurs victimes au plus profond des Enfers jusqu'à la fin de l'éternité.
Ces craintes, fondées ou non, servaient efficacement d'épouvantails à agiter pour toutes les mères désireuses de faire avaler la soupe à leur marmaille récalcitrante.
La mienne ne faisait pas exception à la règle.
A ceci près que moi, même dans ma plus petite enfance, je ne mordis jamais à des hameçons si grossiers. J'étais ce qu'on appelle communément une tête brûlée, si bien qu' aucune parmi les différentes menaces proférées par ma mère ne produisit jamais le moindre effet, à son grand désespoir. Quand à mon père, il s'agissait d'un homme doux et lâche qui n'avait pas son mot à dire. De toute façon, il n'aurait jamais songé à lever la main sur moi pour quelque raison que ce soit.

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Macrâle: l'enfance d'une sorcière de Belgique
ParanormalMacrâle: mot issu du wallon liégeois, désignant familièrement une sorcière. Mais comment devient-on Morgane la Rouge, la plus redoutable d'entre elles? Ce nom murmuré avec crainte, ce conte terrifiant chuchoté aux enfants réticents à finir leur sou...