18 septembre - 11h10

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Le lundi, Adèle n'avait que deux heures de cours, l'après-midi. Elle étudiait en troisième année de licence d'anglais à la Sorbonne et, comparée à Anna et Juliette, ses deux seules amies de fac, elle était celle qui vivait le plus près du campus.

De ce fait, ses vingt mètres carré avaient pris l'habitude d'être occupés plusieurs heures par semaine, avant les cours, au moment de longues pauses ou après les cours.

Ce lundi en témoignait ; pendant qu'Adèle était courbée sur son ordinateur, les yeux plissés, à l'affut de la moindre offre d'emploi, on n'apercevait que le bas du corps de Juliette, le buste penché au-dessus de la fenêtre qui donnait sur la rue, inhalant la fumée toxique de sa cigarette. Quant à Anna, elle était trop occupée à choper une crampe de l'index à force de défiler sur Tinder, son hobby favori depuis qu'elle avait rompu avec Léo, son ex de deux ans et demi.

« T'as quand même une sacrée chance de vivre dans un quartier aussi animé, lança Juliette en observant les passants.

Adèle ignora d'abord la remarque de la grande blonde, trop préoccupée par ses recherches. Puis, Anna verrouilla son téléphone pour se greffer aux côtés de Juliette. Là, Adèle leva les yeux.

- Si je trouve pas un job en vitesse, je risque de ne plus avoir cette chance-là, répondit-elle.

Juliette tira une dernière fois sur sa cigarette avant de l'écraser dans le cendrier posé dans le coin de la fenêtre et de se retourner vers la locataire des lieux. La blonde tournait le dos au soleil, lui donnant une allure d'ange, descendu tout droit du ciel. Une scène riche en ironie quand on connaissait Juliette.

- Eh mais, je ne vois pas pourquoi tu te prends autant la tête, Adèle.

Sa remarque était tellement absurde qu'elle fit Anna tourner la tête, de manière presque aussi confuse qu'Adèle.

- Je viens littéralement de te donner la raison de ma prise de tête : je suis à deux doigts de l'expulsion.

- Tu permets que je termine ma phrase, lui répondit Juliette avec désinvolture.

Du revers de la main, Adèle l'incita à poursuivre.

- Je ne sais pas si vous vous souvenez de ma cousine Béa.

Anna et Adèle se lancèrent un regard entendu. Elles n'avaient aucune idée de qui était Béa.

- Mais si, petite, carré blond bouclé, elle parle un peu comme ça, débita Juliette en prononçant la fin de sa phrase avec une voix fluette.

Voyant que ni sa description, ni son imitation quelque peu insultante n'aidaient ses amies, elle décida de passer outre.

- Bon, eh bien, elle s'est enfin décidée à faire son foutu road-trip en Amérique du Sud. Elle nous rabâche que c'est son rêve depuis au moins trois ans, je commençais à plus me l'entendre ce Machu Picchu.

En temps normal, Adèle se serait réjouie pour Béa. Mais primo, Adèle ne la connaissait pas, et deuxio, elle ne voyait pas bien le lien entre le Machu Picchu et sa menace d'expulsion imminente.

- Le rapport est appelé à la barre, je répète, le rapport est appelé à la barre, dit Anna en parodiant une juge dans sa cour d'assise.

- J'y viens ! Elle part pour au moins trois mois donc elle laisse tout ici. Cela inclue donc qu'elle laisse son job, finit Juliette en faisant danser ses sourcils.

Les yeux d'Adèle s'écarquillèrent presque instantanément. Elle ne savait pas encore le job que Béa laissait, mais elle était prête à tout accepter. Son appart était juste parfait, elle n'avait aucune envie de se retrouver dans un autre studio, ou pire, dans une coloc. L'enfer...

Double BOù les histoires vivent. Découvrez maintenant