19 septembre - 21h37

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L'avantage d'avoir des frères -qui plus est, des jumeaux, c'est que, tôt ou tard, ils finissent à l'hôpital. Que ce soit pour un bras cassé ou une rupture du tibias, ils trouvent toujours le moyen de se faire poser un plâtre. Les frères d'Adèle s'étaient cassés la jambe deux fois en moins d'un an, la même. Elle avait donc déjà eu un avant-goût des salles d'attente lugubres des hôpitaux. 

Seulement cette fois-ci, elle n'attendait pas la sentence de ses frères avec sa grand-mère et ses parents. Non, elle attendait la sienne en compagnie d'un parfait inconnu. 

L'incident s'était produit il y a presque une heure et ils attendaient depuis presque quarante minutes. Adèle ne savait rien de son bourreau, pas même son prénom. 

En sortant du métro, ils avaient dû marcher pour reprendre la ligne 5. Ce qui n'aurait dû prendre que huit minutes en avait pris le double, au grand désarroi d'Adèle qui détestait être le boulet de service. Son accompagnateur n'avait pas bronché et tant mieux, après tout c'était de sa faute. Au contraire, il avait offert son épaule à Adèle, en guise de béquille. Elle avait refusé puis s'était fait une raison : elle ne pouvait pas poser le pied sans grimacer. Alors elle avait profité de sa hauteur et de la carrure non négligeable de ses épaules pour avancer comme elle pouvait. 

Voilà comment ils s'étaient retrouvés assis sur ces chaises grises métalliques totalement inconfortables.  Le garçon était avachi à côté d'Adèle, les yeux rivés vers le bas sur son téléphone, à défiler entre les stories festives de ses amis. Elle avait voulu ressentir une once de peine pour lui, mais elle n'y était pas parvenue. 

Adèle pensait à ce qu'elle pourrait bien se mettre sous la dent. Ses brochettes hebdomadaires s'éloignaient de plus en plus loin d'elle dans son esprit et malheureusement, elle allait devoir jeter son dévolu sur le pauvre distributeur au fond de la pièce. 

« Tu as faim ? lui a-t-elle demandé soudainement.

Il leva les yeux de son écran et haussa les épaules. Elle avait demandé pour être polie mais espérait de tout cœur qu'il n'ait pas faim. 

- Qu'est-ce que tu as à me proposer ? 

Adèle resta silencieuse et orienta lentement son regard vers le distributeur à moitié vide. Le garçon pouffa en rangeant son téléphone dans la poche arrière de son jean. 

- Je vois, je vois. »

D'une impulsion, il se leva en frappant ses genoux. Ironiquement, l'énergie qu'il dégageait contrastait avec l'ambiance morose du lieu. Il avança vers le distributeur et pendant un court instant, Adèle n'avait vue que sur son dos. 

Puis il se tourna vers elle. 

« Du coup, tu veux bouffer quoi ? s'écria-t-il en ignorant le reste des patients. 

Adèle sentit ses joues virer au rouge. Elle détestait les gens qui parlaient un peu trop fort et qui attiraient l'attention. Elle avait gagné le gros lot ce soir, entre sa crise dans le métro et ce mec qui hurlait dans un hôpital. 

- Juste un paquet de chips, s'il-te-plaît, avait-elle tenté de prononcer à un niveau sonore convenable. 

- Hein ? 

Elle croyait rêver. Ce mec allait la faire hurler.

- Des chips ! »

Les quelques patients -principalement des personnes âgées, se tournèrent vers elle, la fusillant du regard pour avoir brisé le silence de mort qui régnait dans la salle. Mauvais jeu de mots, pensa-t-elle. 

Le garçon lui offrit un pouce en l'air avant de dévaliser la machine. Il revint cinq minutes après, les bras chargés de boissons gazeuses, de sucreries et d'un paquet de chips qu'il tendit à Adèle.

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⏰ Dernière mise à jour : May 11 ⏰

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