Lune De Sang

Chapitre III

Katia fut réveillée, le ventre serré et le front humide. Cela faisait une semaine qu'on lui avait annoncé une nouvelle vie. Chaque nuit, elle faisait un cauchemar où elle voyait les trois individus l'enlever et la séquestrer. Elle ne comprenait pas, cela l'angoissait.

Elle entendit des bruits dans le salon, elle descendit les escaliers et vit ses parents porter quelques cartons. Étonnée, elle leur demanda :

-Que faites-vous ?

-Nous prenons quelques affaires, mon ami m'a prévenu du déménagement, il m'a informé qu'il fallait ramener le minimum car ils ont déjà tout ce dont on a besoin, répondit son père avec un léger sourire.

-Il faut prendre le minimum ? Qu'allons-nous faire du reste et quand partirons-nous ? Vous ne me dites rien depuis 6 jours à ce propos.

-Ma chérie, nous partons dans l'après-midi. On m'a seulement prévenu ce matin. Il m'a dit de prendre uniquement des produits pour l'hygiène, donc pas de vêtements ni d'objets. Pour répondre à ta question sur ce que nous allons faire de nos objets et de la maison...nous allons les vendre. Nous aurons un peu d'argent pour rembourser la banque au moins.

Flora avait la tête baissée, le visage entre les mains. On voyait des larmes s'échapper et couler sur ses bras. Katia avait la nausée, son père était naïf, si rongé par la culpabilité qu'il ne voyait pas l'état de sa femme ni celui de ses filles. Lysana, elle, ne parlait plus depuis maintenant une semaine. L'annonce lui avait probablement fait un choc, elle qui était si sensible.

L'aînée remonta dans sa chambre, elle n'arrivait pas à réaliser qu'elle allait abandonner dans quelques heures la maison dans laquelle elle avait grandi avec sa sœur. Elle prit sa brosse à cheveux, offert par sa mère, son collier, fait par sa petite Lys ainsi que son beau bracelet argenté, par son père.

Les heures passèrent et l'orage frappa à la porte. Katia ouvrit lentement celle-ci, leva les yeux pour voir les individus. Elle tomba de peur en arrière quand elle vit les visages des personnes, elle était tétanisée face à elles. Comment ont-elles pu la retrouver ? Elle n'avait donné aucune information à son sujet. Pourquoi étaient-ils ici ? Elle leur avait pourtant bien refusé la proposition. Charles arriva rapidement vers eux et les salua un par un, ignorant sa fille sur le sol. Sa petite sœur releva l'aînée, lui prit la main, plus froide et humide qu'un glaçon.

-Bonjour, je suppose que vous devez être Dame Diana ? commença le père de Katia.

-Bonjour, en effet je suis bien dame Diana, je vous présente Frère Mallory ainsi que Frère Patamon. Vous êtes tous prêts ? Nous devons y aller dans moins de cinq minutes car nous avons bientôt notre prière.

-Nous pouvons partir oui, tout le monde est prêt, répondit Charles de la manière la plus spontanée possible, ne laissant personne donner son avis.

La famille monta dans le minibus « eau de vie » et fit le trajet avec ces trois inconnus. Katia ferma les yeux et écouta de la musique tout au long de la route, profondément anéantie par la réalité. Sa sœur lui pinça le bras pour la réveiller, le véhicule s'était arrêté devant un grand portail bleu. Ils étaient sur une route, en plein milieu d'une forêt, sans rien autour à part la verdure et le calme qui régnait.

Le conducteur, ou plus précisément frère Mallory, ouvrit la porte avec un badge blanc. La voiture repartit après quelques minutes pour enfin arriver à la « résidence de l'eau de vie ». La voiture s'arrêta devant un bâtiment ressemblant à une église. À la différence d'une église, la croix était bleu clair puis avec en dessous une petite vague bleue.

Le plus grand homme ouvrit la porte du minibus, attrapa fermement le bras de Katia pour la sortir. Elle n'apprécia pas le contact physique avec lui, alors elle haussa la voix pour lui ordonner de la lâcher immédiatement. Il ne l'écouta pas et la poussa brutalement vers la jeune femme qui elle, fronça énormément les sourcils en regardant le frère Patamon. Diana avait l'air protectrice et bienveillante.

Lysana quant à elle, prit la main de sa mère, elle tremblait. Charles, lui, souriait en regardant le bâtiment religieux, l'air admiratif.

Ils entrèrent dans la salle de prière et virent une vingtaine de personnes assises sur le sol, toutes habillées en haut bleu et pantalon blanc. Elles ne faisaient rien, comme si elles attendaient quelqu'un. Dame Diana ordonna à la famille de s'asseoir tout derrière sur des tapis.

Quelques minutes après, un homme plutôt âgé dans la quarantaine ouvrit une porte tout devant sur le côté. Habillé tout en blanc, il avait un collier bleu où se trouvait une vague. Ses cheveux étaient d'un blond très peu naturel. Il était plutôt de taille moyenne. Il commença à faire son long discours et tint dans la main un gros livre vert et bleu :

-Bonjour à vous mes fidèles frères et sœurs, aujourd'hui notre lune précieuse nous a entendus. Aujourd'hui, elle nous a livré grâce au chemin de l'eau, une famille qui est tombée entre les mains du diable. Aujourd'hui, la lune souhaite que nous aidions notre futur frère et nos futures sœurs. Aujourd'hui, ils seront enfin libérés de Satan et de ses démons. Mes chers frères et sœurs, veuillez accueillir nos nouveaux fidèles, et ce, en priant pour eux.

Pendant cinq minutes, le silence régna dans la salle, cet homme qui était sûrement le Père, avait constamment un sourire, son expression ne changeait jamais. Il se mit à fixer la jeune fille aux cheveux longs et noirs, alors que tout le monde priait. Katia, mal à l'aise, baissa la tête vers ses genoux et serra ses bras autour de sa poitrine.
Il sortit enfin de la salle de prière et tout le monde se leva. Dame Diana sourit et emmena la famille dans un autre bâtiment.

- Voici notre maison, vous pouvez tous avoir une chambre personnelle car dormir avec quelqu'un est un péché. Notre âme doit être pure, innocente et fidèle au Père divin. Ne l'oubliez jamais ! expliqua la jeune femme.

-Je ne veux pas laisser ma sœur toute seule dans un endroit qu'on ne connaît pas, je ne dormirai pas si elle n'est pas avec moi ! exprima Katia son mécontentement.

- Oh, mais ne t'inquiète pas pour elle, ce soir nous ferons l'exception pour vous rassurer. De plus, j'ai pu discuter avec tes parents et ils sont d'accord pour qu'elle suive l'éducation que nous donnons aux enfants de son âge, et ce à partir de demain, répondit-elle.

Suite à cette nouvelle, elle regarda ses parents avec plein d'incompréhension et de confusion. Comment et quand avaient-ils pu accepter ? Était-ce lorsqu'elle écoutait de la musique dans la voiture ?

-Nous sommes vos parents Katia, ce n'est pas à toi de décider et de dire ce que l'on doit faire, dit son père d'une voix grave.

- C'est de trop Charles, c'est de ta faute, moi je ne le voulais pas ! cria Flora d'une voix tremblante.

Diana interrompit le début d'une querelle et présenta les chambres une à une. Les chambres étaient similaires, elles avaient un lit, une commode, une chaise, un bureau et une petite fenêtre.
Katia s'installa sur son lit, soupira et regarda autour d'elle. Elle remarqua qu'elle n'avait pas de prise dans sa chambre, elle ne comprenait pas. Elle sortit de sa chambre et rencontra une jeune femme en uniforme bleu clair avec une petite étiquette où était écrit violette. Elle s'arrêta devant cette dame et lui demanda :

-Bonjour violette, je suppose que tu travailles ici ?

-Bonjour mademoiselle, effectivement oui je travaille ici volontairement, je suis une aide-soignante. En quoi puis-je vous aider ? questionna-t-elle.

-Eh bien, je viens de malheureusement arriver dans cet endroit étrange contre mon gré et j'aimerais savoir pourquoi dans cette horrible chambre il n'y a pas de prise électrique ? s'impatienta Katia.

-Je suis désolée pour vous mais je pense que ce n'est pas, normalement, mon rôle, d'informer. Mais si vous voulez vraiment savoir c'est parce que le téléphone est strictement interdit dans l'enceinte de la résidence.

Elle ne répondit rien, et repartit tout simplement dans sa chambre, surprise de ce qu'elle venait d'apprendre. Cela ne devrait pas être normal d'interdire à une personne d'utiliser son téléphone. De nos jours, le danger rôde partout et ce, même dans une résidence protégée.

Elle s'allongea à côté de sa sœur et eut du mal à s'endormir.