Chapitre 2

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Un, deux, trois... quatre ? Non, juste l'ombre du dernier rat. Il y a donc exactement trois rats qui sont passé dans ma cellule depuis que j'y suis. Est-ce un mécanisme révolutionnaire pour compter les heures ? Absolument pas. Mais je me fais horriblement chier. Du genre à en mourir. Et les vermines ont au moins le mérite d'animer aussi les prisons prestigieuses de la Haute-Ville. Je suis presque rassuré de les voir. Moi qui suis habitué aux cachots croupissant de l'Entre-Deux. Ici, les pierres des murs sont dépourvues de mousse. Ça sent la camomille et l'origan, des assainissant si je ne dis pas de bêtise, et pas la pisse et le vomie. Pas une seule goutte d'eau ne vient me taper sur le système. Signe que l'isolation est impeccable.

Mais les rats sont toujours là ! Il y en a même dans les plus beaux endroits de la ville. Enfin, si une prison peut être considéré comme un lieu idéal. Je doute que les habitants de la Haute-Ville considère leur prison comme un tel endroit. Même pour une de ce genre. D'un côté, je ne pense pas qu'ils soient habitués tout court à ce genre de lieu. Donc ils n'ont pas de voix au chapitre pour ce vote. D'empêche, quel dommage... car il a un prestige certain !

Comment je suis arrivé là ? C'est simple : On m'a arrêté. Quand on a remarqué les traces, cinq hommes se sont précipités vers moi. Histoire de me maintenir en place le temps de faire venir les autorités locales. Autant vous dire qu'avec Rowan, on les a vite dégagés. Tout ça en l'affaire de quelque seconde ! Une fois dans les rues, c'était une autre histoire. Les sifflements de la police ont résonné de toute part et les têtes curieuses aux fenêtres ont afflués. J'ai couru comme un forcené. Jusqu'à sentir mes muscles tressaillir et chauffer sous le coup de l'effort. Et, avant de rejoindre Rowan au détour d'une ruelle, une fichue paire de bolas est venu entraver mes chevilles. Je me suis donc étalé en beauté dans une marre de boue—du moins, j'espère que c'était ça­—qui était nauséabonde.

Où est Rowan ? Il ne s'est pas arrêté. Du coup, on ne l'a pas choppé. J'ignore si ça doit me titiller ou me réjouir. En même temps, je suis sûr qu'il aurait adoré les cellules. C'est certain qu'il aurait su les apprécier à leur juste valeur. Ou alors il ferait sa tête des mauvais jours sans me donner son avis. Possible aussi.

Me voilà donc à présent dans cette cellule de prison. Une cellule digne de figurer sur une liste du parfait taulard.

Un bruit fait résonner ma porte et la trappe s'ouvre. Sans un mot—frustrant, je sais—on me glisse un plateau où se trouve un morceau de pain rassit et un ragoût douteux. J'esquisse un sourire malgré moi. C'est comme retrouver un peu de mes Bas-Fonds natal. Pathétique ? C'est certain. Les salauds bien heureux qui finissent ici mange autant de merde que, nous, les culs terreux. Ça me réchauffe le cœur.

Du coup, vu que compter les rats ne marche pas, j'ignore depuis combien de temps je me trouve ici. Aucune fenêtre ne donne un accès sur le monde extérieur. Me prend-on pour un bandit notoire à qui il faut retirer tous les points pour se repérer ? J'aime bien cette idée, on la garde.

Une chose est en revanche sûr, je meurs de faim. Mon ventre danse la samba dans tous les sens au point de me faire mal. Je prends donc ce plat plus que douteux et... Oula, pas si vite. Bandit notoire ? Poison potentiel ! Il faut bien retenir cette phrase. Même si elle ne rime pas très bien. Je rompe mon pain et le trempe dans le ragoût pour en étaler sur ma peau. Un... deux... trois... aucune réaction. Pas de cloque ni de bouteau donc sans danger. Mon ventre gronde à nouveau et je le satisfais en prenant une grande lampé de mon repas. Pas très bon mais assez consistent. Je n'ai cependant pas envie de savoir d'où vient la viande et où finissent tous ces rats.

La porte bruisse à nouveau. Ce qui me fait relever la tête de mon diner gastronomique. J'ai la bouche pleine quand des yeux d'onyx me fixe, ces mêmes yeux qui étaient aussi amusés lors du bal. Rowan se tient là, bien droit et bien habillé—tout en noir pour changer—juste devant la porte grande ouverte de la cellule. Vas-y saisie ta chance et vas-t-en semble-t-elle dire. Sage parole mais assez crétine quand une armoire à glace ce trouve juste derrière mon acolyte. Ce dernier rebiffe d'ailleurs du nez. Je baisse donc les yeux pour me regarder brièvement. Ma robe verte est déchiquetée—je vais pleurer—et des tâches étranges la parsème. L'odeur n'est d'ailleurs pas plus fameuse. Je touche mes cheveux, au niveau du crâne, du bout des doigts et grimace. Poisseux à souhait mais ce qui me déchire le cœur... c'est que la parure n'est plus là. Ho... minute ! Mes doigts touchent une étoile. Il en reste au moins une. Mais quand même... si je retourne sur les lieux de la poursuite... je pourrais la retrouver ? J'aurais dû faire ce fichu portrait avant de partir en mission.

We were born to dieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant