Main Event - Le réveil du Phénix

Tiana

Université de l'Alabama, TuscaloosaMai 2019

— Viens chez moi, ce soir.

L'invitation lancée par Seth est accompagnée d'une pluie de baisers que ses lèvres déversent le long de mon cou. Les yeux clos, j'inspire en savourant la sensation de son souffle contre ma peau, du frisson qui me parcourt l'échine à son contact.

— Dawson passe le week-end chez ses vieux. On aura l'appart rien que pour nous.

Il y a plus de six mois que j'ai rencontré Seth à la bibliothèque du campus quelques semaines après le début de notre première année universitaire.

Comme souvent à notre âge, tout a été très vite entre nous. Tout mis à part le sexe. Je n'ai jamais couché avec un garçon et Seth a su se montrer très patience à ce sujet. Mais depuis quelques jours, nos corps s'échauffent dès que nous nous touchons. Mon propre désir s'affole sous le poids de ses baisers de plus en plus langoureux. C'est pour cela que son invitation n'est pas totalement anodine. Bien sûr, si je lui indiquais que je ne veux pas franchir le pas, il me répondrait qu'on peut passer ces deux jours ensemble sans coucher. J'ai parfaitement confiance en lui. Mais si j'accepte maintenant de me rendre dans son appartement, c'est pour lui offrir ce qu'il attend si patiemment : ma virginité.

Assis dans l'immense pelouse qui borde l'unique bibliothèque de l'université, nous profitons de nos dernières minutes de liberté avant de retourner en cours. Ce midi, nous avons pris notre déjeuner dehors sous ce radieux soleil de mai. Une sorte de pique-nique au milieu des autres étudiants qui ont eu la même idée que nous. Dès qu'il fait beau, la pelouse est prise d'assaut.

Je presse mon dos contre le torse de Seth et, la tête tournée vers lui, je dépose un baiser sur la ligne de sa mâchoire.

— D'accord, dis-je le cœur battant à tout rompre.

Seth saisit mon menton et, comme s'il ne pouvait pas y croire, se met à inspecter mon regard noisette à la recherche, je suppose, du sérieux de ma réponse.

— Sûre ? me dit-il en passant son pouce sur mes lèvres, comme s'il n'arrivait pas à réaliser qu'elles puissent être siennes.

Sans me détourner de ses superbes yeux gris, j'opine doucement du bonnet.

— Je me sens prête à faire l'amour, Seth. Prête pour toi.

Son pouce cajole maintenant ma joue et ses yeux m'inondent de cette adoration sans borne et qui m'a fait éperdument tomber amoureuse de cet homme. Sentir son amour pour moi est la plus belle chose qui me soit jamais arrivé.

— Alors, c'est entendu. Mais n'oublie pas, même quand nous serons nus dans mon lit et que je serai sur le point d'entrer en toi, tu pourras me dire d'arrêter et je le ferai sans plus tarder.

— Tu n'as pas besoin de me le dire, je le sais.

Sa bouche fonce sur la mienne et, dans un souffle éperdu, il murmure un merci d'une tendresse qui me retourne l'estomac.

Je veux appartenir à cet homme pour toujours, pensé-je en glissant ma langue entre ses lèvres pour caresser la sienne.

Notre baiser s'enflamme et Seth m'allonge dans l'herbe sans jamais écarter sa bouche de la mienne. Il garde un bras sous ma tête et l'autre se pose délicatement sur mon ventre, son pouce caressant l'espace entre mes deux seins. Si nous n'étions pas en public, sa main serait déjà sous mon débardeur et je le laisserais faire avec un plaisir certain.

J'ai envie de lui demander de me conduire chez lui dès maintenant, de me faire l'amour sans plus attendre. Pourquoi nous retenir alors que cela promet d'être si incroyable ? Mes lèvres se détachent des siennes pour lui suggérer que nous séchions nos cours de l'après-midi. J'entrouvre la bouche pour murmurer son prénom quand une sonnerie de portable se met à sonner près de nous.

Je comprends rapidement qu'il s'agit de mon téléphone portable. Je l'inspecte. L'indicateur est celui de l'Alabama.

Sûrement ma banque pour me dire que je suis dans le rouge depuis trop longtemps...

— Ça ne doit pas être urgent, dis-je en le reposant. Je rappellerai plus tard.

Pour rien au monde, je ne voudrais que Seth sache que je n'ai plus d'argent. Il ne roule pas sur l'or lui non plus, mais il chercherait un moyen de me venir en aide à coup sûr, et ça, je m'y refuse.

— Embrasse-moi, l'encouragé-je en glissant mes doigts dans sa chevelure ébène.

— C'est peut-être import...

Je le fais taire en pressant mes lèvres sur les siennes. J'adore leur goût sucré. Leur chaleur. Seth s'abandonne et nous repartons dans un baiser qui n'a rien perdu de sa fougue malgré l'interruption.

Et cette foutue sonnerie se met à nouveau à brailler près de moi. Cette fois, je jure.

— Prends ce coup de fil, m'incite Seth en me tendant mon portable qu'il récupère sur mon sac.

Je l'accepte et décroche en regardant Seth s'asseoir, verrouillant ses bras autour de ses genoux.

— Oui, décroché-je un peu de mauvaise humeur.

— Tiana Sparks ? s'enquit une voix d'homme au téléphone.

Sa rudesse me laisse penser qu'elle est usée par le temps. Et sûrement par un grand nombre de cigarettes fumées.

— Oui, c'est moi.

— Sheriff Lewis. Je vous appelle depuis Montgomery.

Mon cœur s'emballe dans ma poitrine.

— Vous êtes la fille de Tamara Austin ?

— Oui, c'est ma mère, dis-je affolé ce qui reporte immédiatement l'attention de Seth sur moi.

— Mademoiselle, j'aurais besoin que vous veniez au plus vite.

— Mais pourquoi ? me récrié-je paniquée.

Seth pose ses mains sur mes bras tremblants.

— Je suis désolé de devoir vous annoncer une aussi pénible nouvelle, mais votre maman est morte, Tiana.

En une fraction de seconde ma vie se fige alors que le monde, lui, continue de tourner. Une étonnante pensée me traverse l'esprit quand un haut-le-cœur me soulève. Je sais maintenant pourquoi les gens peuvent vomir sous l'effet d'une nouvelle aussi désastreuse. Le monde tourne, tourne et tourne et me flanque le tournis.

Prise d'une nausée fulgurante, je relâche mon portable avant de me jeter sur mes genoux pour vomir le contenu de mon estomac sur la pelouse impeccable.

— Merde ! s'exclame Seth en se précipitant à mes côtés.

Il plaque une main dans mon dos alors que je rejette notre déjeuner hors de mon corps. Je l'entends vaguement formuler quelques mots sans savoir s'ils me sont destinés. Ma tête est prise dans un horrible tourbillon. Je sens la pression des bras de Seth autour de ma taille et puis plus rien. Après vient le trou noir.