Acte I - Scène 1

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« De la pénombre surgit le massacre »

Un épais brouillard rougeâtre s'était étendu sur la plaine boueuse jonchée de sang, d'armes fracassées et de guerriers tombés au combat. Le bruit du fer s'était étouffé avec la retraite précipitée des troupes ennemies pour laisser place au sifflement du vent entrecoupé de couinements d'agonie. La mort. La chair à vif, éclatée et brûlée par de vives explosions, piétinée par d'immondes reptiles de combat, imprégnait mes narines. Nos pertes avaient été nombreuses. Pas autant que les leurs. Des pertes tout de même. 

J'essuyai brièvement mon nez couvert de poussière et me délestai de mon armure fracturée qui tomba lourdement dans le bourbier. Un étrange sentiment m'étreint. Nous avions mobilisé une force de frappe largement supérieure à nos opposants, comme si les éclaireurs et avant-postes s'étaient montrés trop alarmistes. Nous avions privé Kashuri de ses plus puissants effectifs... pour si peu ? 

Je déambulais sur le cimetière noxien qu'était devenu ce plateau de pâtures, y cherchant des survivants miraculeux, quand l'un de nos soldats héla mon nom.

Il glissait plus qu'il ne courrait dans les flaques huileuses, esquivant débris et blessés abîmés par la bourrasque qui s'était déchaînée sur le champ de bataille. Je lâchai ma sinistre contemplation des dégâts pour observer l'arrivée en trombe de la jeune recrue à l'armure bien trop propre et intacte pour avoir pris part aux combats.

« Maître Zed ? haleta-t-il en s'arrêtant net devant moi. C'est pour vous... »

Il me tendit une enveloppe abîmée que je saisis aussitôt. Mon nom y était inscrit sur le recto, d'une plume fine et élégante que j'aurais juré ne jamais avoir lue un jour, ce qui attisa ma curiosité. Et mon appréhension. Je retournai l'enveloppe pour y découvrir un sceau ordinaire attestant que l'enveloppe n'avait pas été ouverte. Je le déchirai à la hâte pour en sortir un morceau de parchemin noirci de cette même délicate écriture :

Zed,

Maître Kusho, t'as trahi. Il m'a missionné pour libérer Jhin avec un groupe de quatre Yánléi. J'ai hésité avant de suivre ses ordres, mais j'avoue y avoir aussi trouvé mon intérêt.

Je sais que tu ne me pardonneras jamais cette trahison, à juste titre, rien ne peut l'excuser. C'est pourquoi je jugerais déplacé de tenter de me justifier. Je regrette sincèrement que tu n'aies pas cru en mes capacités, les choses auraient pu en être autrement. À l'heure où je t'écris ces lignes, je m'apprête à quitter le continent.

Je mesure l'ampleur de mes actes et je te demande pardon pour le tort qu'ils pourront te causer.

Méfie-toi de Maître Kusho, il semble s'être bien entouré et ses ambitions sont préoccupantes.

Que les esprits veillent sur toi, Zed.

Adieu.

Hirose


Mon souffle se coupa. Le sol oscilla sous mes pieds, m'y aspira tout entier. Quel con ! Quel espèce d'abruti ! De colère, mes doigts froissèrent le papier que je repliai dans un geste sec et approximatif avant de l'enfouir dans une poche. Le contenu de cette lettre m'avait explosé au visage et cisaillé les entrailles plus que la bataille que je venais de livrer. Mon cœur s'enserra. À vif. Je tentai d'intégrer les informations : la trahison d'Hirose, ses graves accusations envers Maître Kusho, l'évasion de Jhin et les meurtres qui s'en suivraient. Faute de les digérer, une violente nausée me traversa.

Le jeune soldat m'observait, l'air hébété, étonné de ma réaction. Je tentai de reprendre contenance. Surtout, ne pas sombrer. Et encore moins devant mes hommes.

La Symphonie des Âmes Errantes [ League of Legends fanfiction ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant