Chapitre II.

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ERIN



date : 30 mars

     Ça fait officiellement huit jours que je n'ai pas vu ma famille. Lorsque j'habitais avec mon père, je ne le voyais pas tant que ça puisque je passais mes soirées chez Mickey et qu'il n'était pas très souvent à la maison. Pendant deux ans, j'ai eu peu de contact avec Colin à cause de ce qu'il s'est passé lorsque j'étais en terminale et j'ai vu plusieurs fois ma mère. C'est bizarrement celle que j'ai le plus vu alors que je n'habitais pas avec elle. Lorsque je ne les voyais pas, ils ne me manquaient pas réellement, ou du moins je n'avais pas le temps de ressentir le manque, et je pouvais passer des semaines sans avoir envie d'en voir un. Aujourd'hui, ça fait une semaine que je n'ai plus aucun contact avec eux et je ne sais pas si c'est parce que je n'ai plus de drogue dans mon sang ou si c'est à cause du choc de mon overdose, mais j'aurais bien passé une ou deux heures avec eux, histoire de me changer un peu les idées et peut-être rattraper mes erreurs.





Si on avait été un an en arrière, j'aurais pris une ligne pour me changer les idées et ne pas ressentir le stress ou l'appréhension qui coulent dans mon corps. À cet instant, je m'imagine me l'enfiler, mais je ne le ferai pas. Je dois rester sobre et loin de tout ça pour Colin, et mes parents. Même s'ils n'étaient pas très présents – ou plutôt je les éloignait volontairement –  ces trois dernières années, ils n'ont pas raté les rendez-vous et appels auxquels j'ai eu le droit en cure de désintoxication. Je ne pensais pas qu'ils m'aient jugé, ou alors je ne l'ai pas ressenti, alors même si nos relations n'ont pas été toutes roses, je leur dois de me battre contre moi-même et garder le contrôle de ma vie.

—   Erin ?

Les yeux fixés sur la grande façade en pierre que je connais bien, je sors de mes pensées en entendant mon frère m'appeler. Déjà hors de la voiture, il a ma valise dans sa poignée alors que je suis toujours sur le siège passager. Il ouvre ma portière, un air inquiet sur son visage.

—   Ça va ? me demande-t-il en posant mon bagage sur le gravier.

Je détache ma ceinture en hochant la tête.

—   Oui, oui.

—   T'es sûre ?

—   Tu veux la vérité ?

—   Bien sûr.

J'ouvre la bouche, prête à lui ce qu'il refuse d'entendre, mais je me rétracte juste avant d'être trop honnête.

—   Je suis juste un peu stressée, c'est tout. Ça fait trois ans. C'est long.

Colin m'offre un sourire rassurant et m'indique de sortir de la voiture. Je le fais, referme la portière et directement après, il me prend dans ses bras. Je ne suis pas encore habituée à ce genre de marque d'affection de sa part, alors mon corps ne se détend pas complètement, mais je ne recule pas non plus. On a passé trois ans dans une espèce de guerre, probablement volontaire que d'un seul côté pendant trop longtemps. Je profite donc du moment avant que je ne refasse quelque chose pour tout gâcher.

—   Ça va bien se passer, t'inquiète pas.

Contre son épaule, j'hoche la tête avant de me reculer pour affronter ce que je redoute le plus en ce moment même : retourner dans mon premier passé. C'est en avançant vers la maison que je me rends compte que mon index gratte inconsciemment la peau autour de mon pouce. J'ai commencé à faire ça en cure, lorsque je devenais trop stressé par les séances de thérapie. Avant d'y entrer, je n'avais pas le temps de me faire mal au doigt, mon cerveau partait directement vers quelque chose d'encore plus destructeur pour mon corps tout entier.

The Last LineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant