𝗟𝗼𝘃𝗲 𝗹𝗲𝗮𝗱𝘀 𝘁𝗼 𝗱𝗲𝗮𝘁𝗵¹ ━ 𝗗𝗲𝘂𝗰𝗮𝗹𝗶𝗼𝗻

𝗖𝗵𝗮𝗽𝗶𝘁𝗿𝗲 𝟮

Lorsque la première classe fut enfin terminée, Jeanne ramassa ses affaires d'un geste mécanique et quitta la salle sans un mot. Les couloirs étaient déjà remplis d'élèves qui discutaient, riaient et se pressaient vers leurs prochaines classes ou vers leurs casiers. Elle, en revanche, se sentait étrangement seule au milieu de cette agitation. L'anonymat qui venait avec le fait d'être nouvelle lui pesait, bien qu'elle ait l'habitude de se débrouiller seule. Pourtant, cette solitude la piquait plus qu'elle ne l'aurait admis. Elle n'avait jamais vraiment été douée pour se faire des amis, et être considérée comme plus intelligente que la moyenne ne facilitait pas les choses.

C'était la raison pour laquelle elle était déjà dans des classes avec des élèves plus âgés qu'elle. À douze ans, elle avait intégré des cours de niveau supérieur, ce qui, si cela flattait son ego intellectuel, compliquait ses relations sociales. Les autres élèves la voyaient souvent comme distante ou inatteignable, une impression qu'elle ne cherchait même plus à corriger.

Elle arriva à son casier, le déverrouilla et y rangea ses affaires tout en gardant un œil sur les élèves qui passaient devant elle. Certains jetaient des coups d'œil curieux dans sa direction, mais elle les ignora, préférant rester concentrée sur l'organisation de ses livres. Alors qu'elle s'apprêtait à refermer la porte du casier, elle sentit une présence près d'elle. Le genre de sensation subtile qui vous alerte de la proximité d'une autre personne.

Elle referma lentement son casier avant de se tourner vers la source de cette sensation. Face à elle se tenait un garçon de son âge, tenant un ballon de basket sous un bras, avec un air détendu mais curieux. Il tendit la main vers elle, tenant ses clés qu'elle n'avait même pas réalisé avoir laissées tomber.

« Hmm, salut, tu as fait tomber ça, » dit-il avec un sourire, ses yeux brillants d'une lueur amicale.

Jeanne prit les clés avec un bref « merci », quelque peu décontenancée. Elle n'avait pas l'habitude qu'on vienne spontanément lui parler, encore moins avec autant de naturel.

« Tu es nouvelle, non ? » demanda-t-il en haussant légèrement les sourcils, comme s'il connaissait déjà la réponse. « Je suis Derek. »

Elle hocha la tête en réponse, essayant de cacher sa gêne. « Oui... Jeanne. Jeanne Argent. »

Derek acquiesça, son regard toujours aussi perçant, mais sans malice. « J'avais bien remarqué que je ne t'avais jamais vue ici avant. Tu viens d'où ? »

Jeanne hésita un instant, peu sûre de ce qu'elle devait ou voulait révéler. « On vient d'emménager en ville... il y a quelques jours. »

« Cool, » répondit-il simplement, comme si la réponse était tout à fait normale. « Si tu as besoin d'aide pour te repérer ou quoi, n'hésite pas. »

Elle esquissa un faible sourire, reconnaissante pour la gentillesse, mais ne sachant pas vraiment comment réagir. Derek lui paraissait différent des autres élèves qu'elle avait croisés jusque-là. Il dégageait une assurance tranquille, sans pour autant être arrogant. Quelque chose dans son regard lui semblait presque... familier, même si elle ne l'avait jamais vu avant.

« Merci, » dit-elle finalement, hésitant à prolonger la conversation ou à partir avant que l'échange ne devienne gênant.

Derek, semblant capter son hésitation, hocha simplement la tête avant de s'éloigner. « À plus tard, Jeanne. » Puis, d'un geste naturel, il fit rebondir son ballon de basket contre le sol et continua son chemin dans le couloir.

Jeanne le regarda s'éloigner, légèrement déconcertée par cette rencontre. Derek. Un garçon sympathique, plutôt beau, et sans doute populaire, vu son aisance. Elle ne savait pas vraiment quoi en penser, mais une chose était sûre : il avait été la première personne à lui parler avec autant de sincérité depuis son arrivée.