Encore une soirée passée dans l'une des plus populaires bâtisses de l'île.
Jean-Paul m'a fortement étonné quand celui-ci m'a prévenu sur les changements de salle, jusqu'à ce que j'en sache la raison. L'établissement reçoit la Princesse de Monaco et donc, en résumé, tout employé qui prends plus de vingt secondes chronométré à trier les cartes pour mettre en jeu sur table un Black Jack est renvoyé aux salles où la Princesse ne se rendra pas. Déjà, rien que de savoir que celle-ci ne sait jouer qu'au Black Jack montre qu'elle ne me mérite pas comme croupier de table, alors, c'est ma veine.
On m'a administré le salon Rose. Il ne porte pas son nom car les murs sont recouverts de rose malgré ce que je pensais, tout petit, quand il avait encore sa fonction de restaurant. Il était seulement, dans les années 1990 il me semble, le salon de tous fumeurs ne pouvant se retenir d'ingurgiter leurs doses de nicotine journalière.
Quoi qu'il en soit, les tables de jeux y ont retrouvé leur place depuis 2006, et j'en suis bien heureux.
La Princesse restera dans la Galerie Empire et la salle Médecin. Ces espaces étaient à l'origine « privés », cela montre comme quoi, que le directeur aimerait remettre les premières règles au goût du jour. Selon ce que raconte Jean-Paul, pour nous mettre au jus - comme il adore dire - tout est organisé sans encombre pour qu'aucun d'entre nous, en soi une dizaine d'employés très mal vus par le grand patron, ne rencontrent - ni même croisent, la Princesse de Monaco. Il précise même que, je cite, « si vous rencontrez un de ses gardes, ce serait un miracle » tellement le lieu est spacieux et qu'elle ne se trouvera sûrement pas au salon voisin.
Je ne m'en plains pas : ce n'est pas le genre de personne que je côtoierais, même pour me faire bien voir et grimper les échelons du métier. C'est puéril et complètement pathétique d'user des gens à ses propres fins - même si le boulot de mon père ne se résume qu'à ça, jouant dans les affaires.
Ce n'est pas pour autant que je ne me débrouille pas dans le milieu : à seulement vingt-sept ans et seul en charge je gagne un peu plus que le SMIC sans compter les pourboires des plus généreux qui, entre nous, varient en fonction du taux d'alcool dans leurs sangs.
Quoi qu'il en soit numéro 2, ce soir je supervise les roulettes dans le salon Rose. Sachant que certaines salles seront réservées pour mademoiselle-je-me-prends-pour-la-reine-du-monde mon salon sera, je croise les doigts, complet.
C'est toujours avec un certains stresse que j'enfile mon habit de travail ; chemise blanche fermée jusqu'au col même si la salle atteint les 25° sous climatisation en période d'été, veston noir au revers argentés et pantalon de costume discount qui ne doit surtout pas être lavé à chaud au risque de se transformer en bermuda. Je dis ça, mais je suis le seul à avoir un pantalon de costume à 20.99 euros ayant réussi à brûler celui qu'on m'avait offert au début de ma carrière... Je ne préfère pas approfondir sur le sujet.
Et puis pour les chaussures... C'est à sa guise, tant que cela reste classe. Mike porte des Chelsea Boots, Morgane opte pour les escarpins brillants contrefaçon Louboutin pour plaire aux clients, et qui pour certains finirons leurs soirées jeux de cartes sous ses draps senteurs savon de Marseille. - Petite parenthèse, oui, j'ai déjà fini ma soirée dans son lit. C'est ça, d'accepter les verres de scotch des vieilles petites dames qui comblent l'absence de leur amant décédé dans des casinos de Luxe... Bref, tout cela pour dire que pour ma part, ce sont des bottines en cuir noir qui étaient en solde sur Zalando. Moitié prix, tout de même.
Dès les coups de vingt heures, la salle accueille quelques clients. J'attends sagement, les mains croisées dans mon dos, que ces trois hommes d'affaires prennent place à ma table si le cœur les en dit.
Bingo ! Opération d'ouverture mise en route : ils prennent place sur les tabourets surélevés et détaillent rapidement la roulette rouge et noire placée entre eux et moi avant de m'assigner un sourire du genre « on est prêt pour se ruiner à cause de vous. »
- Faites vos jeux, messieurs.
Deux d'entre eux se regardent d'un air merveilleusement surprit comme-ci ils n'en revenaient pas de se retrouver là. Celui qui reste, lui, plisse légèrement le front en desserrant le nœud de sa cravate plus du genre « prêt à vous défoncer. »
Malgré son petit corps qui m'a l'air bien frêle dans ce costume mal coupé, l'expression de son visage montre que la soirée risque d'être excitante.
Tant mieux ! J'adore les bons joueurs. J'attache alors à mon visage l'air le plus placide qui m'est possible de faire et d'un coup de main, les jeux commencent.
Les budgets sont conséquents, à ma table. Il y a des jetons à n'en plus voir le visage des clients. Du moins, le visage de monsieur-je-me-prends-trop-au-sérieux qui garde sa concentration à rude épreuve, comme devrait être la mienne.
« Vous devez manipuler jetons, plaques, cartes ou dès avec une intense dextérité ainsi que posséder une force de concentration à toute épreuve. »
Oui, papa Jean-Paul. Qu'il m'agace, celui-là, à nous radoter la même phrase tous les soirs avant notre service comme-ci aucun de nous ne savait ce qu'était le métier de croupier. Nous ne sommes pas touristes, ce sont les clients, point. On a comprit.
- Rien ne va plus !
J'essaye de rythmer la partie de par quelques commentaires bateau. Les joueurs sont assez silencieux et concentrés sur leurs mises. Je suis sûr que le petit gros à la cravate rayé aux différents tons de bleu est novice. Le genre de novice qui joue pour la première fois, ce qui expliquerait son regard surprit sachant qu'entrer dans le casino de Monte-Carlo alors que nous n'avons jamais joué au Poker, baccara ou à la roulette... C'est comme avoir 8 ans et réussir à entrer dans une boite de strip-tease.
Dans tous les cas, malgré son air déterminé, le plus gringalet des trois perds rapidement sa montagne de jetons. Et plus les jetons, jaunes, bleus, oranges, s'en vont entre les bras de ses collègues, plus son visage se décompose. Eh bien... Qu'il est mauvais perdant. Ce sont les risques du jeu, il devrait le savoir.
Pourtant lorsqu'il se lève en renversant le tabouret, je comprends qu'il n'a pas DU TOUT anticipé le concept. Il joue, il perd, tant pis pour lui. Il y avait quoi ? Cinq jetons orange qui équivalent à environ 25 000 euros puis, une centaine de jetons bleus ainsi qu'une dizaine de jetons jaunes et quelques jetons rouges qui sont plus là pour la décoration vu leurs petites sommes. Donc en tout... Il a perdu 36 000 euros, dans les environs.
36 000 euros et un tabouret de retourné. Je ne le regarde non sans surprise, ce n'est pas le premier client qui crise car il a perdu sa mise. Souvent les gardes rappliquent aux premiers à-coups, cette fois ils sont surement trop préoccupés par la Princesse.
- Ce jeu est truqué ! Vous l'avez truqué, enfoiré ! Je demande à ce que l'on me rembourse !
Mon Dieu, sur quel spécimen suis-je tombé en ce soir d'avril ?
- Pour votre information, monsieur, notre établissement est très à cheval sur les règles et conditions de jeu. De plus vous êtes sur une plateforme de jeu de hasard.
- Hasard de mon cul... Murmure-t-il sans un soupçon de discrétion.
- Calme-toi, Louis... C'est qu'un jeu !
- Un jeu qui me fait perdre le prix de ma caisse, mais un jeu, ouais.
Il part sans attendre ses deux coéquipiers qui eux, ont le sourire jusqu'aux oreilles et les bras remplis de jetons de tout prix.
Louis... Monsieur Louis, profil du mauvais joueur grincheux aux airs de Joe des Daltons. Petit, et casse-pieds.
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Poker Face.
FanficHarry Styles, vingt-sept ans, croupier depuis deux ans au célèbre casino de Monte-Carlo, à Monaco. Louis Tomlinson, vingt-neuf ans, joueur compulsif depuis cinq ans refusant toute thérapie pour réduire s...