Un autre chapitre triste que je conseille de lire en écoutant une playlist de piano. Cette nouvelle mentionne la perte d'un être cher et le suicide. Elle peut peut-être heurter la sensibilité de certaines personnes. Big cœur sur vous prenez soin de vous et passez une très belle journée.
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Bien que la chaleur de juillet était pesante, que la sueur s'amassait dans les cheveux jusqu'à les coller au crâne, que les respirations étaient haletantes et lourdes, la jeune fille, prostrée sur le carrelage tiède de sa salle de bains, tremblait de tous ses membres.
Son souffle erratique se répercutait contre l'air ambiant et étouffant. Ses genoux ramenés à sa poitrine, le dos courbé contre le lavabo et la baignoire, elle tenait à deux mains son téléphone portable qu'elle collait contre son oreille, de crainte peut-être qu'il ne glisse et s'écrase au sol. Désespérément, comme un funambule le faisait avec sa ligne de vie, elle se raccrochait à la voix qu'elle entendait à travers le combiné. Sa propre voix était éraillée, cassée d'avoir tant crié. Elle était éreintée, fatiguée physiquement par la chaleur et moralement par son appel. Mais elle ne raccrochait pas, comme si sa vie était en jeu, comme si son inattention pouvait provoquer une catastrophe, elle recherchait un espoir, souhaitant du plus profond de son cœur, de son âme, de son être, qu'un quelconque dieu lui vienne en aide. Mais elle était seule. Elle était toujours seule, et savait qu'à la fin de l'appel elle le serait d'autant plus. Alors elle restait. Elle restait et priait en espérant être entendue par quelqu'un. Elle n'était plus que supplication et sa voix n'était qu'un murmure implorant.
- Ne me laisse pas s'il te plaît, ne me laisse pas. Ne t'endors pas, j'ai besoin de toi. Reste, reste un peu avec moi s'il te plaît, reste encore un peu, un tout petit peu avec moi. Reste au téléphone, avec moi, s'il te plaît. Je t'en supplie, reste, reste éveillée, ne t'endors pas, je ne veux pas être seule, je ne veux pas être sans toi. Parle moi, parle moi encore de ce que tu veux faire après, parle moi s'il te plaît, ne me laisse pas.
Des larmes dévalaient ses joues, elles roulaient lentement et se perdaient dans les ailes de son nez, se nichaient dans les commissures de sa bouche, s'égaraient entre ses lèvres sèches et dévalaient le long de son menton pour venir s'écraser sur son pantalon. La tristesse et la douleur déformaient son visage, durcissaient ses traits, engloutissaient la joie qui autrefois régnait dans ses yeux.
- Je te promets que l'on ne parle pas du passé, je veux juste entendre le son de ta voix, je veux juste entendre de nouveau ton rire résonner, je veux pouvoir encore une fois écouter la joie dans tes mots, dans tes paroles. J'aimerais retrouver la chaleur de nos discussions, de ta bonne humeur qui vient démanteler ma déprime, de ta douceur qui caressait mon âme et soignait mes blessures. Je voudrais pouvoir écouter une fois de plus le timbre de ta voix, afin d'ancrer dans ma mémoire la façon particulière dont tu roulais les "r", l'impulsion que tu mettais dans les fins de tes phrases et qui les faisait partir dans les aigus, cet accent caractéristique dont l'on a jamais réussi à déterminer l'origine. Et encore une fois je nous ramène dans le passé, alors que la seule chose que je souhaite c'est de t'écouter. T'écouter parler sur n'importe quel sujet, car tu as ce don d'embellir n'importe quoi, même les choses les plus laides.
Des sanglots entrecoupaient son monologue, le rendant haché, presque inintelligible. Mais elle n'en avait cure, elle parlait encore et encore, souhaitant la ramener, ramener son amie, cette personne au bout du fil et dont les prises de paroles se faisaient de plus en plus rares. Elle voulait la retrouver, cette personne si chère à son cœur, celle qui la connaissait du bout des ongles jusqu'à la racine des cheveux et qui était au courant des moindres moments, des plus petits soupirs de sa vie banale et sans accroche. Mais elle, que savait elle de sa si précieuse amie, partie au bout du monde pour sa carrière, partie loin d'elle et de son train de vie morne et plat, pouvait elle désormais se targuer de la connaître, de connaître ses petites habitudes du quotidien dans un lieu aux antipodes de leur ville natale ? Elle avait ce désir égoïste de vouloir ramener son amie auprès d'elle, de vouloir prétendre faire de nouveau partie de sa vie. Et maintenant, elle était au téléphone avec une personne qu'elle ne connaissait plus réellement, dont les derniers mois de sa vie lui étaient inconnus. Elle souhaitait revenir en arrière, recommencer leur amitié pour l'empêcher de s'éloigner de nouveau, pour la garder à ses côtés. Elle maudissait son amie et sa manie de ne jamais se confier, de toujours emmagasiner et de ne jamais parler de son ressenti ou de ses émotions.
- Ne me laisse pas s'il te plaît. Ne m'abandonne pas, je t'en prie, je t'en conjure ! Pourquoi tu pars ?! Pourquoi tu pars sans moi ?! J'ai besoin de toi tu m'entends ! J'ai besoin de toi...
Elle s'était mise à crier, s'écorchant encore plus la voix, s'abîmant les cordes vocales. Elle était désespérée, ses yeux rougis par les pleurs ne cessaient de laisser passer les larmes.
- Vis s'il te plaît, vis encore un peu, vis pour moi si tu n'y arrives plus pour toi. Mais je t'en prie reste avec moi, je t'en supplie. Je veux prendre ta douleur, la faire mienne. Tu mérites de vivre. Je veux de nouveau te voir sourire à une de mes blagues foireuses, je veux t'entendre raconter des anecdotes sur tout et rien à la fois, je veux te voir heureuse...
Sa tête cognait contre le lavabo, sa vision était trouble, ses mains tremblaient autour du téléphone. Ses vêtements étaient trempés par ses larmes. Son monde s'écroulait, la seule personne qui l'aimait, qui la soutenait voulait s'en aller, une lame à la main et deux sillons rouges carmins en travers de ses poignets.
- Reste s'il te plaît, je vais changer, je vais devenir une bien meilleure amie. Dis moi ce que j'ai fait de mal et je vais le modifier, je vais changer. Ne m'abandonne pas s'il te plaît, j'ai besoin de toi, je vais faire des efforts tu verras tu seras fière de moi. Reste s'il te plaît, reste encore un peu...
Elle ne s'était pas aperçue que son amie ne répondait plus, qu'elle ne l'entendait plus respirer de cette respiration sifflante qui l'avait tant perturbée au début de l'appel. Elle ne s'était pas aperçue que son amie n'était plus.
- J'aimerais pouvoir encore une fois, une toute dernière fois t'enlacer, te tenir dans mes bras, j'aimerais que tu me rouspètes pour t'avoir serrer trop fort. Ne me laisse pas s'il te plaît, je t'en supplie reviens, ne me laisse pas, j'ai besoin de toi, ne me laisse pas. Je voudrais tant te retrouver, être avec toi, pouvoir te voir et te contempler. Je t'en prie, demeure un peu plus longtemps avec moi s'il te plaît, je voudrais te dire tant de choses encore, te conter tant d'histoires, te montrer tant de beaux paysages. Je voudrais me tenir une fois encore sur cette falaise à braver les vents avec toi, je voudrais encore pouvoir te chuchoter à l'oreille : je t'aime mon amie, mon étoile, je t'aime ma sœur...
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Le recueil de nouvelles réalistes
AcakCeci est un recueil de nouvelles réalistes comme l'indique le titre. Certaines, peut-être la moitié des nouvelles, traiteront de faits choquants et violents autant psychologiquement que physiquement, mais d'autres histoires seront plus légères et pl...