La Dernière Étoile - Tome 3: Chevaliers de l'Apocalypse

7. Le creuset

Sanglée dans son uniforme noir de directrice, Nina Septime était exactement telle que je me la rappelais; des cheveux jais attachés en arrière, une posture rigide et surtout un regard qui semblait jauger en permanence. La revoir alors que je la savais morte me troublait bien plus que les précédents fantômes.

Un couloir interminable s'ouvrait derrière elle.

-Le creuset est par là, déclara-t-elle avec un geste du bras.

J'acquiesçais en silence, et me mis en marche à ses côtés.

De son vivant, Nina Septime avait été la directrice du redouté Bureau de la Sécurité Impériale, à la fois service de renseignement et police politique. Son unité s'était chargée des plus basses besognes de mon empire: assassinats, répression, infiltrations, complots... Un travail qu'elle avait effectué avec une impitoyable détermination, convaincue qu'il était nécessaire. Jusqu'à sa mort, elle avait été la femme la plus redoutée de l'Empire, et la plus efficace de mes subordonnés.

-Quand elle a tenté de régner seule après ma disparition, Nina aurait dû prévoir le soulèvement, déclarais-je. J'ai eu beau étudier les événements, je n'ai pas compris pourquoi elle... Pourquoi vous n'aviez pas anticipé. Votre mort aurait dû être évitée.

J'avais envie de prétendre qu'elle était plus qu'un programme informatique, juste pour un moment.

-Je ne peux qu'hasarder une hypothèse, répondit-elle. Mais ma mort a uni l'Empire et évité une guerre civile; mon instinct me dit que ce n'était pas un accident. Je crois que j'ai moi-même orchestré le soulèvement, ou au moins que je l'ai laissé se produire.

C'était logique. J''aurais dû arriver à la même conclusion... Nina vivait pour l'Empire, et elle en maîtrisait chaque rouage. Sa répression aveugle avait offert un ennemi commun aux cadres impériaux. Elle avait pris soin de les exécuter avec parcimonie, comme pour écarter ceux dont elle ne voulait pas et offrir le pouvoir aux autres.

-C'est ce que je pense également, admis-je. Elle croyait en l'Empire, plus encore que moi.

-Je croyais en votre vision, corrigea-t-elle.

Je secouais la tête. Un silence s'installa alors que nous continuions à avancer.

-Vous n'auriez pas dû vous sacrifier, lâchais-je finalement. Toutes les choses horribles que nous avons fait... Je les justifiais en disant qu'elles nous mèneraient à la victoire. À un avenir meilleur. Au lieu de ça...

L'Empire avait été vaincu. J'avais échoué. Tous les efforts, les sacrifices et les crimes que j'avais consenti avaient été vains.

-Nous avons échoué, déclara-t-elle comme pour compléter mes pensées. Mais ça ne veut pas dire qu'on eu tord d'essayer. Quant à mon sacrifice, il a sauvé beaucoup de vies. Quand tout s'effondre, c'est une certitude rassurante.

Elle se tourna vers moi, comme si elle voyait mon visage à travers mon casque opaque.