Le filet

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Je regarde entre les mailles du filet passer le cortège des amoureux, moi je n'y ai pas droit, plusieurs raisons à cela.

Je ne suis pas de celles qui plaisent, on ne me regarde pas.

Je suis introvertie et, on me l'a dit, je suis effrayante.

Et je ne respire pas la joie de vivre.

Je semble instable, mon regard vide à l'opposé de mon sourire amusé.

Je le suis en réalité.

Car oui, je souris, à leurs idioties je ris, et même, je m'attendris.

Mais qu'on me parle, je bloque.

La panique m'étourdit et les mots s'enfuient.

Ma répartie est bien meilleure lorsque j'écris, mais de nos jours, presque personne ne lit.

Et je suis seule, moi l'enfant dans la nuit.

Derrière ma résistance et mon apparence, rien de plus qu'une petite fille perdue, qui a grandi trop brutalement, l'âme desséchée par trop de larmes.

Je suis le mal que j'ai subi, j'incarne les moqueries qui m'ont poursuivi.

Qui voudrait de cette enfant dans son armure bien trop grande ?

Le poids du métal l'accable, mais sans, ses forces l'abandonnent plus vite encore et ses jambes de tiennent pas.

J'ai aimé une fois, beaucoup, et pleuré longtemps, des perles salées revenant à son souvenir.

Mon ridicule corps mortel vidé d'émotions.

Lui ne m'aimait pas, et m'a pourtant poussé.

Il m'a forcé à avouer, m'a dit que lui aussi m'aimait, alors que je savais que c'était faux.

Menteur.

Tu m'as brisé mieux encore qu'eux ne l'avaient fait, pourquoi sinon, dans mes rêves viendrais tu me hanter ?

Dans un filet, mon cœur s'est recousu, même s'il saigne encore, et tente de cicatriser.

Si j'essaie d'avancer, c'est pour aller mieux, si j'écris, c'est pour me libérer du filet dans lequel je me suis enfermée.

Je suis bloquée derrière les mailles et je vois le cortège s'éloigner. Peut-être un jour, peut-être jamais...

Plus de larmes, me suis-je promis. Je suis de ceux restés sur le banc de la vie.

Encre PâleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant