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De ce qu'il se passa ensuite, Dennis ne capta que des bribes. Les lumières bleues des gyrophares, les bras de sa mère autour de lui, les voix des agents de police interrogeant ses amis... Rien de tout cela ne réussit à le sortir de sa torpeur. Il se sentait vide, flottant dans un abîme sans fond, sans espoir de revenir à la surface. Quelle importance de toute façon ? Son monde n'avait aucun sens sans Jack.

Relevant brièvement la tête, il croisa le regard de sa mère. Elle ne le vit pas. Elle était vide, elle aussi. Ce n'est que quand un inspecteur leur dit de rentrer qu'Erin se leva, entraînant son fils avec elle. L'homme ajouta qu'il les tiendrait informés des résultats de l'enquête, et comme deux automates, Erin et Dennis quittèrent le parc, Miles et les jumelles sur leurs talons. La dernière image que Dennis emporta de cette soirée fût celle d'une policière glissant le canard doré dans une pochette transparente. Le sourire de ce démon de plastique gravé sur la rétine, le jeune homme grimpa dans la voiture de sa mère, et s'attacha dans un silence de mort.

Aucun son ne s'éleva dans l'habitacle lors du trajet retour. Erin déposa d'abord les jumelles, qui se fendirent d'un sourire contrit, puis Miles, qui les salua de la main, l'air complètement abattu. Enfin, sans prononcer le moindre mot, elle redémarra la voiture, et ramena son fils à la maison.

Lorsqu'Erin ouvrit la porte d'entrée, elle et Dennis marquèrent un temps d'arrêt. Aucun meuble n'avait bougé. Pas le moindre détail étrange, non. Juste une affligeante normalité. Pourtant, plus rien ne leur semblait familier. Pénétrant dans le salon dans un silence absolu, ils s'assirent sur le canapé, l'un à côté de l'autre, et attendirent sans bouger. Quoi ? Ils n'en avaient aucune idée. Que le téléphone sonne pour leur annoncer la fin de ce cauchemar, sans doute. Que Jack dégringole à nouveau les escaliers en glissant sur les fesses. Qu'il sorte de derrière le fauteuil en hurlant "BOUH!" pour leur faire peur. Tout plutôt que d'affronter la réalité.

- Maman... bredouilla finalement Dennis.

Erin tourna la tête vers lui et le jeune homme sentit de nouvelles larmes dévaler ses joues.

- Je suis désolé, dit-il d'une voix étranglée. Je devais le protéger et - son timbre se brisa et il éclata en sanglots - j'ai échoué! Tout est de ma faute! Je suis tellement désolé Maman, pardonne-moi...

Secoué de spasmes douloureux, l'adolescent pleurait à torrents, le visage rougi par la morve et le sel. Le cœur lourd, Erin le prit dans ses bras et le serra aussi fort qu'elle pu. Refoulant ses larmes, elle embrassa le crâne de son fils et caressa tendrement son dos.

- C'est pas ta faute chéri. Tu n'as rien à te faire pardonner.

- Si, gémit Dennis entre deux reniflements. Je... J'aurais pu le défendre. J'aurais pu...

- Non chéri, tu n'aurais rien pu faire. Je ne sais pas ce qui est arrivé... à ton frère, poursuivit Erin d'une voix peinée, mais si tu avais été avec lui à ce moment là, peut-être que... Erin déglutit, la douleur tordant ses tripes. Tu ne serais peut-être plus là non plus Dennis. J'aurais pu te perdre aussi, tu comprends ?

Les sanglots du jeune homme cessèrent à cette réalisation. Le visage défait, il essuya ses larmes et releva le nez vers sa mère. Un pauvre sourire aux lèvres, elle le regardait avec tristesse. Pas une once d'accusation ne brillait dans ses yeux humides.

Alors mollement, Dennis hocha la tête et se recala dans ses bras. Cinq minutes plus tard, ils dormaient tous les deux.

*

Le lendemain, le bruit de la sonnette retentit, réveillant en sursaut la mère et le fils. Vautrés dans le canapé, complètement échevelés, ils se redressèrent péniblement et s'étirèrent avant de se diriger vers la porte.

Et la lumière fûtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant