La Noyade

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(N.D.A : Je l'ai écrite en écoutant Dear Arkansas Daughter de Lady Lamb, pas vraiment pour les paroles mais plus pour l'ambiance et le rythme de la musique qui va bien je trouve avec l'état d'esprit d'Eva)

D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, Eva ne s'est jamais sentie à l'aise entourée. Elle avait l'impression que l'air se raréfiait autour d'elle, qu'elle se noyait, complètement submergée par le flot de personnes qui l'entraînait dans les profondeurs de son angoisse.

Et pourtant à ses côtés, se tenait en permanence la personne la plus extravertie et solaire qu'elle connaisse, Simon. Lui voyait la vie comme une grande aventure et savait naviguer sur les eaux qu'Eva considérait comme sombres et dangereuses. Il était son capitaine, ou sa bouée de secours, à l'approche d'une foule, elle s'accrochait toujours à un des pans de sa veste ou à son poignet pour ne pas se laisser emporter.

Il ne protestait jamais, il acceptait de la guider sans un mot, de la faire naviguer à ses côtés même si ça entravait son propre voyage. Un jour, à la sortie d'une de ces foules qu'elle craignait tant, il l'avait fait s'asseoir sur un muret et forcée à affronter son regard émeraude avant de lui demander :

« Combien de temps ça va durer ? »

Elle n'avait pas pu répondre. Et lui n'avait que soupiré.

Assise sur le sol de son appartement à réfléchir sur ses prochains projets, un fond musical comme accompagnement, ses yeux quittaient souvent l'écran de son ordinateur pour venir se poser sur les photos affichées sur ses murs blancs. Elle se sentait épiée par les yeux verts de Simon, en permanence posés sur elle, sur chacune des photos, et en fonction des journées, elle y trouvait soit du réconfort, soit du jugement.

« Combien de temps ça va durer ? »

Son esprit ne pouvait pas s'empêcher de répéter cette question en boucle. Une part d'elle lui donnait raison, il était temps qu'elle sorte de cette torpeur dès qu'elle était entourée, l'autre se rassurait en se disant qu'il n'y avait pas de mal à ne pas se sentir à l'aise avec les autres, et que tout le monde était différent. Mais ça n'empêchait pas le doute de revenir et de lui faire s'en vouloir d'être ainsi.

Elle avait tout essayé, les psychologues, psychiatres, psychothérapeutes, l'hypnose, les médicaments, la lithothérapie, les plantes, la méditation, le yoga... Rien n'arrivait à faire disparaître cette angoisse, elle était comme ancrée dans son âme, sans possibilité d'un jour s'en détacher, et ça la terrifiait. Elle se sentait piégée dans cette angoisse, et à force en avait presque trouver du réconfort, habituée à ses propres craintes, les oubliant presque, puisqu'elles étaient permanentes.

La sonnette retentit, la sortant de sa contemplation des photos sur le mur et la forçant à se lever pour voir qui était passé à l'improviste. Avant qu'elle n'ait atteint la porte, la sonnette retentit à nouveau et cette impatience lui suffit pour deviner qui avait décidé de venir s'imposer chez elle.

« Lisa... » soupira-t-elle en ouvrant la porte.

« Tu pourrais être plus enthousiaste quand ta sœur te rend visite.

-Tu me le dis à chaque fois que tu viens...

-Et à chaque fois tu manques d'enthousiasme. »

Lisa rentra rapidement, ses cheveux bruns fouettant le visage d'Eva au passage, posa ses affaires sur le canapé avant d'aller chercher de quoi grignoter dans la cuisine.

« Je t'en prie fait comme chez toi... » souffla Eva, déjà exaspérée par la venue de sa sœur.

Elle jeta un coup d'œil à ses affaires avec dégoût. Elles faisaient tache, éparpillées sur le canapé dans son appartement parfaitement rangé, au centimètre prêt.

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