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Morrigan
La jeune femme ôta sa dague aussi vite qu'elle l'avait plantée. L'incision avait été rapide et précise, la lame avait atteint son but du premier coup.
Avec le temps, elle avait gagné en précision et se tachait de moins en moins. Le corps privé de vie devant elle s'effondra lourdement sur un bureau en bois lustré. Un dernier soupir s'échappa de la gorge de l'employé d'administration qui portait encore sa longue robe pourpre et sa broche de travail dorée représentant une main en train de gratter d'une plume une feuille de parchemin. Un peu de sang s'écoula de sa bouche entrouverte de stupeur. La tueuse replaça son arme dans le petit fourreau flanqué sur ses côtes et ferma les yeux de sa victime d'une main gantée. Un reste d'humanité dérisoire pour une autre vie de prise. Elle se refusa à y penser plus amplement.
Reportant son attention sur les centaines de dossiers classés dans toute la pièce, elle se mit à chercher des traces, peu importe lesquelles, des services qu'avait rendus l'homme – à présent mort – au Baron McGallar. Quelle idée, aussi. Si se frotter aux affaires du négociant le plus véreux de l'empire était déjà hautement risqué, alors il fallait être fou pour vouloir en plus en tirer quoi que ce soit. Et pourtant, ce simple bureaucrate avait tenté l'impossible, de ce qu'elle avait compris. Il devait à l'origine simplement traiter des papiers pour le baron, qui se faisait toujours discret dans ses magouilles, jusqu'à ce que l'employé comprenne à qui il avait affaire après avoir terminé sa tâche. Il avait menacé de dénoncer l'illégalité de la situation aux autorités si McGallar ne le dédommageait pas.
Vraiment, non mais quel idiot, songea la jeune femme tout en fouillant les divers placards et tiroirs autour d'elle. Leçon numéro un, ne jamais s'attaquer à plus fort que soi sans solution miracle. Surtout quand le plus fort en question a le soutien de l'Empereur et donc un laissez-passer des autorités. Ce pauvre M. Bendorf, la trentaine, une calvitie naissante et un charisme à peu près égal à celui d'une huître, n'avait aucune chance contre un monstre privilégié comme le baron.
Après les compartiments, elle tâta les murs, les étagères et le plancher d'une main experte dans l'espoir d'y trouver une planque secrète. Tous les hommes qui se croyaient riches ET malins en avaient une. Pas de chance, ils étaient nombreux à se nourrir d'illusions et recouraient souvent aux mêmes stratagèmes. Quand vint le tour du bureau, bingo, une petite trappe, taillée assez maladroitement d'ailleurs, s'ouvrit
dans un sifflement sous l'une des parois lorsqu'elle la toucha. En plein jour, elle l'aurait probablement remarquée plus tôt. Le cadavre à côté d'elle empestait un fort parfum à la lavande. Quelle horreur. Elle glissa sa main dans la petite cachette et récupéra ce qui s'y trouvait : un carnet en cuir brun relié par des rubans rouges et un pendentif en argent trop grossier pour être joli. Rapidement, elle étudia les deux objets pour en estimer la valeur : le carnet contenait effectivement des preuves
compromettantes contre le baron, des notes, des reproductions des papiers, bribes d'informations et autres dont le baron serait probablement bien content de se débarrasser. Même s'il ne risquait pas grand-chose...Dans ce monde de vices, il fallait apprendre très tôt à prendre toutes les précautions possibles pour survivre. Le pendentif, en revanche, recelait uniquement une illustration d'une jeune femme apprêtée de l'aristocratie, d'environ le même âge que sa victime, une espèce de portrait officiel. Rien de plus qu'un bibelot affectueux. Sans intérêt.Elle le prit quand même en se disant qu'il pourrait peut-être faire office de preuve qu'elle avait bien effectué le boulot, à défaut d'un doigt ou d'une oreille qui empesterait très prochainement la mort. Sans plus s'attarder, elle trempa le bijou rapidement dans la flaque de sang qui se formait sous la masse de feu M. Bendorf, et quitta la pièce de son crime. Elle redescendit le bâtiment par les escaliers de service du petit personnel, étroits et crasseux, avant de ressortir à l'air frais par une porte en bois.
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Kirhafaïr - L'Empire de Sang
Fantasy« Les Moires sont catégoriques : le monde est voué au chaos et à la désolation si l'ultime prophétie n'est pas respectée à la lettre. Pour ce faire, les dieux choisissent aux quatre coins du monde des messagers de l'espoir hauts en couleur qui devro...