C'était une belle soirée.
Mon esprit ne se détache pas de cette pensée pendant que je me prépare pour aller au lit.
De cette pensée, et d'elle. Car son image me hante. Ses longs cheveux roux lisses. Son sourire, l'étincelle dorée dans ses yeux, la moindre de ses moues. Le son de son rire aussi, et celui de sa voix. Et son odeur. Elle était un peu masquée par celle du feu, mais toujours présente. Une odeur... sucrée. Il n'y a pas d'autres mots pour la décrire. Aussi douce que comme j'imagine son contact.Merde, arrête de penser à elle et va te coucher, tu bosses demain aussi mon garçon !
Je me réveille le lendemain avec le lever du jour, et décide de me lever. Je sais que je ne me rendormirais pas si j'essayais.
J'aurais apprécié de dormir quelques heures de plus...
Je me prépare pendant que j'entends le bruit à l'extérieur croître.
Tout le monde arrive au camping, et je sais que ça ne sera jamais aussi calme qu'hier soir, sous les étoiles.Je vois une altercation au loin et je soupire. Qu'est-ce qu'il se passe encore ?
Quand je m'approche, je reconnais Alice, ma co-star. Bon sang, elle ne peut pas rester calme au moins une journée ? En plus je suis fatigué, clairement pas d'humeur à me prendre la tête...
Une petite voix me susurre que c'est ma faute, mais je lui réponds plus ou moins calmement que je le sais et qu'elle ferait mieux de la fermer, et m'avance vers l'épicentre du conflit.— Hey, qu'est-ce qu'il se passe ici ?
Je souris quand je reconnais la personne à qui Alice s'en prend cette fois-ci. La même qui hante mes pensées depuis hier.
— Salut Alya, comment tu vas ?
— Sup-
— Je lui ai demandé d'amener mes valises à mon camping-car, et elle n'a pas voulu, même si c'est son travail !
— Je n'ai jamais dit ça, je vous ai juste demandé où c'était...A l'entendre se faire couper, et se défendre d'une voix si faible, je me tends. Ça devient impossible de la supporter cette fille, elle est tellement énervante ! Je me demande même comment Alya ne s'énerve pas. Elle a l'air tellement maîtresse d'elle-même — ou timide, au choix.
— Calme-toi Alice, elle ne peut pas connaître le moindre endroit ici !
— Donc tu la défends maintenant ?
— Parlons de ça plus tard, veux-tu ? Pour l'instant Alya, je vais te montrer où c'est, soupiré-je en prenant une valise de ses mains.
—Merci, me sourit-elle.
Nous marchons, et après avoir hésité — je le sais car je l'ai attentivement observée — elle prend la parole :
— Elle est toujours comme ça ?
— Non, d'habitude elle est pire. Mais elle est assez convaincante dans ses rôles, et elle est riche. Le casting était à elle...
— Tu n'as pas précisé qu'elle a certainement une bonne image devant les caméras.
— Oui... Mais seulement sur les caméras. Tu sais pourquoi elle ne donne jamais d'interview ? Parce qu'elle sait qu'elle foutrait tout en l'air. C'est pourquoi on ne voit que son agent à la télé.Elle hésite encore, puis se lance :
— Vous... vous avez l'air de bien vous connaître, comment ça se fait, si tu la détestes à ce point ?
— De trop nombreux tournages avec elle. Elle est insupportable avec tout le monde, même les réalisateurs.
— Oh... Ok. Et tu ne peux pas refuser de tourner avec elle ?
— Je pourrais, mais j'ai trop d'ego pour lui céder les devants de la scène, surtout au vu de son comportement, ris-je.— En tout cas, merci de m'avoir aidée, souffle-t-elle doucement, comme pour ne pas briser la magie de ces simples mots.
Je souris sans répondre, puis nous nous arrêtons devant un camping-car immense.— C'est ici ? Ça ressemble plus à une maison qu'autre chose...
— C'est la seule façon pour elle de camper.J'étouffe un rire en me rappelant de sa façon de camper à elle, dont elle m'avait parlé l'autre soir : seule, avec un couteau et ses vêtements. Un peu plus... rustique.
Nous posons les valises puis elle interrompt mes souvenirs de la soirée de la veille en me lançant :
— Je dois aller sur le plateau pour aider tout le monde.
— Toujours le syndrome du sauveur ? On peut y aller ensemble, c'est sur mon chemin de toute façon.Des mèches rousses échappées de sa queue de cheval volent devant son visage alors qu'elle acquiesce avec un grand sourire.
Après l'avoir déposée, je continue mon chemin vers mon bungalow. Il est bien plus petit que le camping-car d'Alice, mais c'est plus confortable pour moi, et largement suffisant pour les deux mois de tournage qui nous attendent. Il y a juste le nécessaire : un lit, une douche et un lavabo, avec dans un coin une table pliable rangée avec des chaises, que je sors quand je veux m'installer dehors.
Pendant que je me douche rapidement, je repense aux dernières minutes. Je vais devoir parler avec Alice... Le temps va être à l'orage aujourd'hui, avec beaucoup de vent. C'était les prévisions météos mentales de Logan Adams.
Une fois arrivé sur le plateau, je fais un signe à la réalisatrice. Elle est assez stricte, mais je connais Ivy aussi, celle avec qui j'ai déjà discuté philosophie dans un restaurant à deux heures du matin, et pas que madame Wright, celle qui donne les ordres.
Elle me fait signe en retour discrètement, puis remet son masque de sévérité.— On commence ?
— Si notre amie commune était ici, bien entendu, me répond-elle ironiquement.Elle connaît Alice comme moi (et comme d'ailleurs tous les producteurs qui l'ont un jour embauchée), et sait qu'elle n'est pas facile à vivre.
— Est-ce que quelqu'un peut aller dire à mademoiselle Haynes que nous allons commencer le tournage ?
Une voix claire s'élève dans un coin et lui répond. Quand je me tourne, je ne suis même pas surpris de reconnaître Alya. Elle n'est pas aussi souriante que d'habitude, certainement à l'idée de revoir l'actrice. Je la remercie, elle me sourit en retour, et part en petites foulées.
Lorsqu'elle revient, moins de cinq minutes plus tard, sans ma co-star, je l'interroge.
— Alors ?
— Je pense que je l'ai énervée...Je me retiens de rire pendant qu'elle essaie de prendre un air désolé, sans grand succès.
— Qu'est-ce que tu lui as dit ?
— Quelque chose comme quoi c'était l'heure pour elle de se réveiller, et elle m'a dit qu'elle n'avait pas d'ordres à recevoir d'une assistante. Je lui ai donc répondu que ce n'était pas un ordre mais un conseil, et que si elle n'était pas si... bête... elle le suivrait... avant de se faire virer...Je ris sans me retenir tandis qu'elle rougit de sa répartie, se demandant certainement si elle n'a pas dépassé les bornes.
— Je dois dire que tu es la première à ne pas faire de ronds de jambe devant elle !
Ivy nous coupe dans nos éclats de rires :
— Au travail les jeunes, la personne que nous attendions tant arrive.
Impossible de ne pas entendre l'ironie suintante dans sa voix.
Je propose rapidement à Alya de nous retrouver le soir même, à 19h30, au même endroit que la veille. Elle acquiesce et retourne travailler, le sourire aux lèvres. Je le sais car je l'ai longtemps regardée, même si j'aurais dû me concentrer sur mon travail.
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RomanceAlya est une étudiante française aux USA, qui a trouvé un job d'été en tant qu'assistante (un mot fourre-tout pour parler des petites mains que les réalisateurs adorent faire suer) sur le tournage d'un film non loin de Los Angeles. Elle y rencontre...