Gwenaël
Après l'épisode des paillettes hier soir, j'ai fait l'effort de manger une part du gâteau avant d'embarquer le reste des cadeaux encore emballés et de me réfugier dans ma chambre. Les triplés se sont excusés un million de fois mais je les ai à peine regardé, ils me connaissent depuis longtemps, ils savent parfaitement que je déteste les blagues à répétition, surtout devant tout le monde. De temps à autre, okay, je peux comprendre, mais tout le temps, ça passe moins, je ne supporte pas vraiment tout ce genre d'attention dirigée vers moi.
Mes parents n'ont pas tenté de me retenir, et je les en remercie pour ça. Anne a bien essayé de me faire changer d'avis, mais Vilem a su la calmer et j'ai pu m'enfuir lâchement. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé après ça, ma chambre est au troisième étage et j'avais verrouillé la porte. Malgré ma porte-fenêtre grande ouverte, je ne me souviens pas avoir entendu les Rosen partir.
Tant pis, j'aurai bien l'occasion de les revoir assez tôt. Pour le moment, je reprends mes esprits en sentant Lali - ma jument, gigoter sous mes caresses ; elle a envie de sortir, et je suis arrivé assez en retard pour notre balade matinale quotidienne, alors je me dépêche de me mettre en selle pour faire un petit tour avant de devoir m'occuper des autres - en prenant garde à rester aussi loin que possible d'Anne.
J'avoue que mes réactions peuvent parfois être exagérées, mais je n'y peux rien. Je ne réagis pas normalement à certaines choses comme tout le monde, c'est soit trop, soit rien du tout ; aucune réaction, et dans ces cas-là, j'ai peur de blesser la personne qui me parle parce que je ne sais pas comment réagir. Alors j'évite au maximum de me retrouver dans des situations... inattendues, on va dire.
Mais bien sûr, avec la chance que j'ai, je n'ai pu profiter de ma solitude et du calme environnant que pendant vingt minutes à peu près. Car j'entends les martèlements des sabots d'un autre cheval pas loin derrière moi et je n'arrive pas à deviner qui c'est. Après tout, ça peut être n'importe qui et j'espère de tout cœur que ce n'est pas ma sœur. Pitié, faites que ça ne soit pas elle.
- Gwenaël ! Ralentis !
Merci mon Dieu, ce n'est pas ma sœur.
Mais je ne sais pas si c'est mieux ou pire que ça soit quelqu'un d'autre ; la seule personne qui s'acharne à m'appeler "Gwenaël" quand tout le monde a opté pour "Gwen" depuis toujours.
Malgré moi, j'intime à Lali de ralentir un peu la cadence et j'avoue que ça me fait du bien d'avancer plus lentement pendant quelques instants. Jusqu'à ce que Vilem débarque à côté de moi et qu'il ralentisse à son tour pour rester à ma hauteur.
Je prends le temps de le regarder un peu plus longtemps que nécessaire avant de me détourner. Il a l'air franchement plus frais que moi, il a sûrement bien dormi et n'a pas dû tourner en rond parce que quelqu'un l'aurait mis de mauvaise humeur. Je réprime un grognement frustré de justesse.
- Hey ! Tu allais vachement vite ! T'as un truc à faire ?
- Non, j'me baladais juste, réponds-je platement sans le regarder. J'avais besoin de prendre l'air avant de faire quoi que ce soit d'autre.
- Je vois...
Non, tu vois rien du tout. Ai-je envie de dire, mais je ferme ma gueule et je me concentre plutôt sur Lali qui avance à présent à une allure moyenne. Vilem fait en sorte d'avancer au même rythme que moi et ça me fait chier autant que ça me fait plaisir, même si je ne comprends pas pourquoi je ressens cela.
Trop contradictoire. Encore et toujours.
- Je voulais m'excuser pour ce qu'ont fait les triplés.
- Ce n'est pas ta place de t'excuser, mais merci.
VOUS LISEZ
Rosadie
RomanceD'aussi loin que se souviennent les habitants de Sélestat, les Abadie et les Rosen ont toujours travaillé main dans la main. Si bien que l'on ne parle plus de l'une des familles sans évoquer l'autre ; c'est devenu naturel au fil du temps. Gwenaël as...