𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄.

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"Asheville pleurait pour moi, ses sanglots muets résonnaient dans le murmure du vent, dans le bruissement des branches nues."

𓁹

I miss my sandman — Emily Jeffri


12 décembre 1974

ASHEVILLE

Lyra

Dehors, la lune demeure haute dans le ciel, la pluie s'écrase contre les carreaux, propulsée par le vent froid. A l'intérieur, la chaleur du feu de cheminée se mêle à la lueur argentée de la lune, réchauffant doucement la salle à manger où bourdonnent des conversations animées.

Ma grand-mère Margaret, ses lèvres effleurant le verre de vin, me sonde du regard.

— Tout se passe bien au lycée ? me demande-t-elle.

— Bien, réponds-je, bien que le mensonge peine à franchir mes lèvres.

Dans les couloirs, leurs regards me terrifient et leurs messes basses me pétrifient, cette voix me murmure sans cesse la même chose.

Lyra, ils parlent de toi.

Les lumières de la salle à manger s'éteignent soudainement nous plongeant dans l'obscurité presque absolue. Les ombres des flammes de la cheminée se dessinent sur les murs, tandis que ma mère, tenant un gâteau, s'approche de mon père assis non loin.

Les invités entonnent à l'unisson la chanson Joyeux Anniversaire.

— Joyeux anniversaire, chante Cody, mon cousin blond assis à ma droite, joyeux anniversaire Drew.

Je mime un sourire hypocrite et fait bouger mes lèvres au rythme des paroles avant que des applaudissements ne closent le spectacle.

Mon cœur bat faux, mon esprit encore plus.

Je fais semblant, comme je sais si bien le faire. Je leur ai menti, je peux bien feindre encore une fois pour cette nuit. Dans l'obscurité de la pièce, mon regard croise celui du fils des invités aux yeux marron. Un frisson parcourt ma peau. Très vite, je lis leurs sous-entendus, leurs murmures.

Je sais.

Je sais tout, Lyra.

Ma tête se baisse automatiquement en direction de mes cuisses, fuyant ses dires silencieux.

Le regard a quelque chose de traite.

Ma mère, les cheveux roux attachés en un chignon soigné, enfile un tablier avant de distribuer des parts de gâteau à chacun, achevant sa tâche par ma part. Elle repose devant moi, intacte dans mon assiette, car je n'ai pas d'appétit et une boule serre mon ventre.

Je me penche à l'oreille de Cody, tentant d'échapper aux regards de mes parents pour lui proposer mon assiette.

— Tu sais à qui t'adresser, rit-il en échangeant son assiette vide contre la mienne.

Un sourire feint éclaire mon visage avant que je replonge dans mes pensées. Le bruit d'une aiguille résonne au fond de moi, celle qui dicte mon humeur. Les chiffres affluent entrainant ma respiration avec, j'enfonce mes ongles dans la paume de mes mains pour me calmer, mais rien n'y fait.

Tu as beaucoup mangé, Lyra.

L'aiguille avance toujours, mais ne recule jamais.

Elle échappe à mon contrôle, semblable à mes pensées qui murmurent à mon oreille et me rappellent qui je suis vraiment : celle que tous détestent et méprisent.

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