Crime et châtiment

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Capax Infiniti. C'était la solution proposée pour régler le problème de Peter. C'était un ordre occulte, vieux de près de deux cents ans, ancrée à l'histoire de cette ville. Isaac, le barman, en était le gourou suprême. Ils se transmettaient entre eux des savoirs occultes plus vieux que le monde, qu'avait apprise leur fondatrice, celle qu'on appelle aujourd'hui Marie la Déchue. Intronisé au sein du culte, il fallut une semaine à peine pour que Peter se sente "comme chez lui". Ils étaient devenus une nouvelle famille pour lui, et le soutenaient dans son but : obtenir justice. Et, aux côtés du charismatique Isaac, Peter sentait que tout était possible.

Le principe était simple : formuler un vœu. Un rituel sacré devait être exécuté, et celui qui avait été choisi devait formuler son souhait, qui devait prendre forme et être exaucé. Cependant, il devait acquérir un certain degré de connaissance. Il lui fut confier deux livres : un qui relatait l'histoire de Marie la Déchue, et la naissance de Capax Infiniti; l'autre qui instruisait aux connaissances requises pour parvenir à formuler un souhait. C'est ainsi que, pendant deux mois, n'ayant plus aucun contact avec l'extérieur du groupuscule, Peter s'entraîna afin de parvenir à son but. Seul la formulation de son souhait lui était chère, et les membres du groupe l'encourageaient. Pour la première fois depuis trop bien longtemps, Peter se sentait vivre à nouveau.

Et, une nuit, enfin, ce fut le moment. Le 28 Novembre 1963 était le jour de la consécration pour Peter. Réunis dans une bâtisse abandonnée, les membres de Capax Infiniti regardaient leur membre choisi exaucer son souhait. Tout le monde lui rappelait que c'était une immense chance, et qu'elle devait être saisie. Le moment venu, les membres l'entouraient, et il traça sur le sol le symbole emblématique de la secte. Il récita une prière, dans une langue étrangère qu'il ne comprenait même pas. Mais il avait retenu cette phrase, pendant deux mois, sachant qu'elle serait là le moyen de son salut. Peu lui importait ce qu'elle signifiait réellement. Vendre son âme ? Sacrifier sa vie ? Il avait déjà trop souffert pour que ces mots lui fassent peur. Le prix de son souhait, il le paierait volontiers, quoiqu'il fût.

Après plusieurs instants de rituel, le moment fatidique arriva. Le symbole gravé au sol s'illumina, et ce fût le moment pour lui de formuler son souhait. Je veux obtenir justice, dit-il dans son cœur. Je veux communiquer ma douleur à tous ces allemands, qui vivent comme si de rien n'était, sans les remords causés par leur maudit peuple ! Je souhaite qu'il subisse la damnation éternelle ! Je veux qu'ils soient éradiqués ! La terre et la poussière se soulevaient, et se mélangeaient au-dessus du cercle tracé. Puis le tout prit lentement forme. Une forme humaine, d'abord faite de terre, puis prenant des couleurs, des vêtements, un visage. Peter vit le visage de Jan, déformé par la colère qui habitait le cœur du vieil homme. En voyant son fils ainsi, sa détermination ne fit que redoubler d'intensité, et, intérieurement, il cria : Va, venge-toi ! Écrase ces démons qui nous ont fait souffrir pendant tant d'années !

Ce fût une expérience d'un nouveau genre pour Peter. A un moment, il sentit comme si sa conscience quitta son corps et investit celui de son "fils". Le temps semblait s'arrêter d'un coup. Jan, criant de colère, se dirigea machinalement hors de la bâtisse, puis droit en ville. Une seconde, c'était le temps qu'il lui fallut pour traverser toute la ville et tuer, un par un, tous les allemands qui vivaient en ville. Un par un, il envoya son bras traverser leurs poitrines, retirant leurs cœurs avec toute la rage du monde. Maisons, parcs, boîtes de nuit, restaurants... il les retrouvait tous. Il croisa même William Göth, qu'il tua sans pitié. Mais, alors qu'il se sentait pleinement satisfait, la suite de l'expérience vira au drame : il vit son fils tuer à leur tour toutes les femmes, innocemment surprise. Jeunes filles, femmes mures, âgées, aucune ne faisaient exception. Puis, ce fut la décadence : il prit maintenant en chasse les enfants, quels qu'ils furent. Peter était terrifié. Ce n'est qu'à cet instant qu'il compris l'ampleur de son souhait. Arrête maintenant ! cria-t-il. Ça suffit ! Je t'en prie, arrête ! Mais c'était vain. Il sentait, comme si c'était le sien, le bras de son fils traverser les poitrines de ces enfants, sans pitié. Il en tua tellement qu'il n'en comptait plus. Il prit même une jeune fille, d'âge semblable à sa Emilia, qu'il exécuta sans hésiter. Enfants de tout âge, nouveaux-nés, tous avaient été tués. Et, maintenant qu'il ne restait plus aucun allemand dans cette ville, le temps repris son cours, et Peter revint à lui, complètement déboussolé.

Détectives de l'étrangeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant