CHAPITRE 3

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20h11, 23 novembre 2019, Maysville

Le policier en face de Noah Mills, parle mais le brun se contente d'hocher la tête.

Est-il défoncé ? Peut-être. Il ne sait pas vraiment. D'ailleurs, pourquoi est-il ici ? Il ne le sait pas non plus.

Il s'est réveillé ici il y a plus de deux heures, en salle de garde à vue.

Il essaie de reprendre ses esprits lorsqu'il entend le policier dire :

- Votre voiture sera emmené en fourrière dans peu de temps et votre permis vous a été retiré.

Les yeux de Noah s'ouvrent en O, ainsi que sa bouche.

- Mais quoi ? Pourquoi ?

Le policier soupire et lui dit, agacé :

- Ça fait une quinzaine de minutes que j'essaie de vous l'expliquer.

Il marque une pause, se gratte le front et reprend :

- Vous avez roulé, tard dans la nuit, au volant d'une voiture, alcoolisé.

Noah s'affale sur le fauteuil, un regard désespéré. Il porte une main à son visage et pousse un râle.

Il soupire et joint ses mains devant lui, en baissant sa tête. 

- S'il vous plaît, monsieur. Sans ça, je suis dans la merde. Comment je rentre chez moi ?

- Si vous voulez, on peut vous ramener mais le reste, ce n'est pas notre problème. 

Le jeune homme grimace et sent alors quelque chose vibrer dans sa poche. Il le sort délicatement et jette un coup d'oeil. 

Un numéro qu'il n'a pas enregistré mais qu'il reconnaît toujours.

"J'ai refait le stock".

Il le range et répond alors au policier :

- Non, merci, ça ira finalement. Je vais rentrer à pied. Il faut que je fasse quelques courses. 

Le policier n'y voit aucun problème et le laisse se lever pour partir, après avoir récupérer ses affaires. 

Noah Mills marche vers la sortie d'un pas nonchalant lorsque ses yeux se posent sur une affiche, près d'un tableau à l'entrée. 

Son coeur se serre alors qu'il s'approche. Peut-être même un peu trop. Car il aperçoit le visage souriant des jumeaux Price. 

Non, il n'aurait jamais dû voir cette photo, et cet avis de recherche. Alors il tourne le dos et sort en vitesse du commissariat. 

Raison de plus, dirait-il. 

Il se dirige vers l'endroit qu'il considère comme son échappatoire. Il sort son portable sur le chemin et répond au numéro : 

"J'arrive."

Il prend une cigarette de son paquet, la met entre ses dents et l'allume. Ceci est sa première manière d'extérioriser. 

Quand il a atteint enfin sa destination, Noah toque à la porte. Il ne doit attendre que quelques seconds pour que quelqu'un ouvre la porte d'entrée. 

De la fumée sort en masse et l'homme qui lui a ouvert, lui passe un sachet blanc. Noah cherche quelques dollars dans ses poches. 

Il rit et lui demande :

- Un petit prix d'ami ?

Son interlocuteur rit à son tour d'un rire jaune et lance d'un ton froid :

- Tu rêves, Mills ! 

Il lui attrape soudainement le col de son pull et crache à quelques centimètres du visage de Noah : 

- 2500 dollars ou rien ! 

Le brun lui sourit, lève les mains en signe d'innocence et lui lance : 

- Calme-toi, je te l'emmène demain. Promis. 

L'autre homme le lâche mais ne lui donne tout de même pas le sachet. 

- Demain, sinon je le vendrai à quelqu'un d'autre.

Puis il disparaît en fermant la porte. 

Noah reste là, les bras ballants devant la porte. A contre coeur il s'éloigne et décide de rentrer chez lui, le coeur serré.

La drogue, c'est la seconde manière d'extérioriser, de tout oublier jusqu'à demain. 

C'est dur, car ce soir il sera obligé de l'affronter. 

Ces proches le savent. Mais personne ne l'aide. 

Leurs mots résonnent en boucle dans sa tête : "cancre", "un bon à rien", "délinquant" ou encore "comme sa mère". Mais le plus dur, c'est de les entendre dire qu'ils avaient une mauvaise influence et que c'est mieux comme ça.

Il y a aussi les personnes au lycée, qui le dénigrent. De l'avis des autres sur lui, il s'en fiche. Mais que d'autres souillent leur mémoire, soient heureux de leur mort. Surtout de SA mort. Il ne peut pas l'accepter. 

Ils étaient tout pour lui comme le phare éclairé dans la nuit tempétueuse. Il les aimait comme des frères.

Beaucoup de personnes le jugent mais savent-ils ce que ça fait ? Connaissent-ils ce sentiment d'impuissance, de chagrin, de douleur intense dans leur organe cardiaque ? 

Leur rencontre, leur enfance, les derniers instants passés ensemble et Ashton ne cessent d'hanter Noah quand il peut penser. Alors il préfère que la brume entoure son esprit, qu'il s'amuse, qu'il rigole. 

Parce que lorsqu'il est question d'être conscient, c'est trop dur. 

Sans s'en rendre compte, Noah marche vers l'endroit qu'il regrette le plus. Le pont du parc, tout près de chez lui. 

Il ne sait pas si c'est par désespoir ou une chose du genre mais il est bien là. 

Plus il s'approche, plus il se revoit lui, enfant, assis au bord de ce pont, et qui tombe sans faire exprès dans la rivière. Comme emporté par le courant. Il pensait que c'était la fin mais ce n'était que le début de la plus belle chose dans sa vie. 

Il remonte à la surface et la première chose qu'il voit sont deux silhouettes, de deux garçons : un blond et un brun. 

A cet instant précis, il savait qu'ils s'étaient trouvés, comme destinés à se rencontrer et à vivre ensemble. Alors pourquoi est-il tout seul aujourd'hui ?

Non, ne pense pas à ça, Noah, pense-t-il. 

Figé devant l'entrée du pont, incapable de retourner là-bas. Trop hanté, il est sur le point de faire demi-tour lorsqu'il entend un "MONSIEUR" à seulement quelques mètres de lui.    

Les ombres de Maysville T.1 : la nuit des disparusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant