Chapitre 1

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Un dernier rapide coup de baguette, et les ultimes dossiers et papiers se rangèrent soigneusement sur la table, directement dans une boîte dont la taille se réduisit obligeamment à celle d'une boîte d'allumette.

« Voilà, » conclut Hermione Granger, la ramassant pour la poser dans le panier déjà plein que tenait l'elfe de maison. « C'était le dernier, Dobby. Passe devant, et reprends la cheminée jusqu'à Poudlard. Je te suis dans quelques minutes. »

Dobby écarquilla craintivement les yeux, et ses oreilles se crispèrent. « Oh, non ! Dobby ne doit pas laisser Miss toute seule. »

Une voix résonna quelque part dans le bâtiment, les faisant sursauter tous les deux. « Ça suffit ! Tout le monde sort d'ici maintenant ! » Les craquements des Transplanages de plusieurs sorciers s'ensuivirent immédiatement.

Hermione adressa un sourire rassurant à l'elfe nerveux. « Tu vois, Dobby ? Fol-Œil renvoie tout le monde. Je te suis, de toute façon. »

L'elfe de maison couina faiblement en signe de protestation, mais entra dans la cheminée, et y jeta une poignée de poudre de Cheminette. « Poudlard ! » Des flammes vertes jaillirent, et Dobby disparut, la fixant de ses yeux effrayés jusqu'à la dernière seconde.

Hermione tendait la main vers la poudre de Cheminette quand elle interrompit son geste et se retourna pour laisser ses yeux courir sur la cuisine une dernière fois. Pendant un instant, elle put voir Molly Weasley qui leur passait des assiettes de hachis parmentier, entendre le cliquètement des couverts qui accompagnait les voix des jumeaux, Ron et Harry qui débattaient bruyamment des derniers résultats de Quidditch, sous le sourire indulgent d'un Remus Lupin aux traits fatigués. Et elle, elle aurait été assise là... juste là, à côté de Ginny, à regarder tout le monde, un peu crispée par tout ce bruit. Cet endroit, comme Poudlard, était devenu un foyer pour elle. Un endroit où elle s'était sentie véritablement à l'aise. Et maintenant... plus rien. Toutes les traces de l'Ordre du Phénix avaient été nettoyées, effacées, car l'homme qui avait assassiné Albus Dumbledore, son professeur de Potions, un membre respecté de ce même Ordre, arriverait sans doute dans peu de temps avec ses comparses Mangemorts pour fouiller l'endroit. La sécurité du Square Grimmaud avait été définitivement compromise.

Avec un lourd soupir, Hermione se retourna vers la cheminée – et le conduit se referma juste devant elle. Tout son entraînement de l'A.D. prit le dessus, et elle avait sa baguette à la main, prête à décocher un sort, avant même de commencer à se retourner.

Trop tard. Un Expelliarmus l'envoya valser contre le mur, d'où elle vit sans pouvoir rien y faire sa baguette voler dans les airs pour atterrir dans les mains de Severus Snape.

Hermione se figea complètement, ses mains, son dos pressés contre le mur. Elle avait du mal à respirer tant elle paniquait. Est-ce qu'il lui infligerait un Doloris avant de la tuer... ou est-ce qu'il se contenterai de la livrer aux autres pour qu'ils s'en chargent ? L'homme qui avait tué le Directeur si froidement n'aurait certainement pas de scrupules à tuer une élève Sang-de-Bourbe.

« Miss Granger. »

Nous y voilà. Oh mon Dieu, nous y voilà.

Il leva sa baguette et en donna un mouvement négligent. De la vaisselle s'envola du placard, et la bouilloire, sur le fourneau, se mit à siffler. Levant un sourcil, il la regarda d'un air sardonique. « Je voudrais une tasse de thé. »

Elle savait qu'elle avait la bouche grande ouverte. Elle se demandait si elle était devenue folle... ou si c'était lui. Du thé ?

« Fermez la bouche – vous ressemblez à une idiote. Ce n'est pas une potion de niveau ASPIC, Miss Granger, simplement une tasse de thé. » Il avait adopté un ton sarcastique, les bras croisés, la grimace dédaigneuse au visage. Quelque part, ça semblait terriblement familier. « Vous saurez la préparer ? »

« Oui, Monsieur. » Après six ans à suivre ses cours, la réponse sortit, automatiquement. Elle avança vers le plan de travail, rassembla les choses dont elle avait besoin sur un plateau, et transporta le tout jusqu'à la table. Snape s'assit, sans jamais la quitter de la baguette. Il lui désigna une chaise en face de lui. « Vous vous joindrez à moi. »

La peur, la panique des quelques minutes qui venaient de s'écouler semblèrent disparaître dans une vague irrésistible de sensibilité Gryffondor, et elle se tourna vers lui. « Quoi ? Vous pensez que je vais tout simplement m'asseoir et prendre le thé avec vous ? ...un traître ? ...un ...un meurtrier ? »

« Ça suffit, » lui cracha-t-il, et Hermione se souvint mais un peu tard qu'elle n'était pas tout à fait en position de dire ce qu'elle avait sur le cœur. « Ce n'était pas une requête. Asseyez-vous ! »

Elle obéit. Il la fusillait du regard. La panique lui rongeant à nouveau les entrailles, elle s'appliqua à verser une tasse de thé, qu'elle lui fit passer, la tasse cliquetant contre sa sous-tasse, souhaitant de toutes ses forces que ses mains ne tremblent pas de façon si évidente.

Il prit la tasse et but une gorgée, ne la quittant pas un seul instant ni des yeux ni de la baguette. « Donc, Potter a raconté sa petite histoire. »

Histoire ? Est-ce qu'il ne faisait ne serait-ce que suggérer que Harry n'avait pas dit la vérité, qu'il existait une autre version de ce qui s'était passé sur la tour ? Surprise par cette idée, elle le regarda droit dans les yeux. « Est-ce que vous niez avoir tué le Professeur Dumbledore ? »

Sa réponse fut calme, résignée. « Je ne nie rien du tout. »

Elle but une gorgée de thé, l'avala, convulsivement. L'homme assis en face d'elle la regardait, impassible, sans un mot, le visage dépourvu de toute expression. Ça faisait tellement penser à la façon dont il s'était comporté lors des réunions de l'Ordre. Et il l'avait tué. Ses yeux... ses yeux étaient si vides. Est-ce qu'il éprouvait le moindre chagrin pour l'homme qui lui avait offert son amitié il y avait toutes ces années ? Sans qu'elle ne s'y attende, elle fut traversée par une vague de tristesse à l'égard de Snape.

« Professeur ? » Il la regarda d'un air interrogateur. « Vous avez servi deux maîtres pendant si longtemps. Est-ce qu'il est plus facile de n'en servir qu'un ? »

A la surprise d'Hermione, il rit – un son bas, rauque. « Vous faites erreur, Miss Granger. Je sers toujours deux maîtres – maintenant plus que jamais. »

Il se leva soudain, et elle fit de même, effrayée. « Venez avec moi. »

Au lieu de la guider hors de la pièce comme elle s'y serait attendue, il avança simplement jusqu'à la cheminée, et d'un mouvement de sa baguette, rouvrit le conduit.

Hermione réfléchissait à toute vitesse. Il ne niait pas avoir tué, mais... Il servait toujours deux maîtres... toujours ?

« Prenez la poudre de Cheminette, Miss Granger. Il est temps que vous vous en alliez. »

Obéissante, elle en saisit une poignée, mais s'arrêta soudain au moment d'entrer dans la cheminée. Il fronça les sourcils, l'air mauvais. « Qu'est-ce qu'il y a ? »

« Professeur, vous êtes venu seul... pour vous assurer que nous soyons tous partis avant de livrer cette maison aux autres... n'est-ce pas ? » Elle ne pouvait empêcher l'espoir de percer dans sa voix.

« Vous feriez mieux de partir avant que je ne perde patience, Miss Granger. » Son ton était froid.

Hermione entra dans la cheminée. Snape lui rendit sa baguette, et elle se rendit compte qu'elle le dévisageait à nouveau, bouche bée. « Disparaissez ! » aboya-t-il.

Elle lança la poudre et cria « Poudlard ! », puis, alors que les flammes s'élevaient autour d'elle et qu'elle commençait à tourner sur elle-même, elle entendit comme loin derrière, « Dix points pour Gryffondor. »

Thé et Complicité (Sevmione : Severus Snape x Hermione Granger)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant