Un petit morceau de papier (Chap. 18)

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J'arrivais devant Geumga Plaza et commençait à monter les escaliers qui me permettaient d'accéder au bâtiment. J'étais terriblement pressée, excitée de raconter tout ce qu'il venait de se passer à Mi-ri, que je manquai une marche et glissai. Les traits de mon visage basculèrent de l'excitation à la frayeur. Je plissai mes yeux et plaçai mes bras devant mon visage pour essayer d'éviter au maximum le choc. J'attendais quelques secondes, les yeux fermés, mais rien ne se produisit. Surprise, j'ouvris mes yeux petits à petits pour voir avec horreur qu'un homme m'avait retenu avec seulement... son avant bras.

- Vous feriez mieux de faire plus attention, vous auriez pu vous faire très mal.

Je souris visiblement embarrassée. L'homme qui venait de m'empêcher de tomber n'était pas un inconnu, mais Vincenzo, l'avocat italien qui était arrivé ici un peu avant moi et qui avait volé le cœur d'artichaut de ma meilleure amie. Je me mis à m'incliner plusieurs fois devant lui et partit en courant. Une fois que j'atteins la porte d'entrée, j'entendis quelqu'un crier à plusieurs reprises "mademoiselle". Je me retournai pour me rendre compte que c'était moi que Vincenzo essayait d'interpeller. Il s'approcha de moi, ouvrit ma main et déposa dans celle-ci mon badge de travail.

- Je crois que vous avez fait tomber ceci.

- Merci, bafouillai-je tout en m'inclinant une nouvelle fois avant de me retourner et de partir en courant.

Une fois que j'étais sûre qu'il ne pouvait plus me voir, je m'infligeai des petites claques. J'avais tellement honte de ce qu'il venait de se passer. Et pour couronner le tout, Vincenzo Cassano savait maintenant que je travaillais à Wusang et allait sûrement penser que j'étais du mauvais côté. Et s'il savait que Mi-ri et moi étions proches, il penserait sûrement qu'elle aussi soutient en fait Babel. J'avais peur qu'à cause d'une simple idiotie, je supprime déjà le peu de chances que Mi-ri aurait pu avoir avec l'homme qu'elle aimait.

- Mlle Park, vous allez bien?

Je relevais la tête. M. Hong était placé devant moi et me souriait. Je tentais d'arborer un sourire des plus convaincants, lui répondit gentiment puis partit en direction de l'appartement de mon amie.

Un peu plus d'une heure plus tard, je me retrouvais assise sur un fauteuil devant ma meilleure amie, ou plutôt ma confidente. J'avais utilisé cette heure pour lui expliquer en détails les derniers événements. Toujours tenir au courant l'autre de ce qu'il se passait dans sa vie était quelque chose que nous faisions régulièrement, que ce soit chez l'une de nous deux ou par téléphone. Je pouvais maintenant dire sans même hésiter que Mi-ri était la personne qui me connaissait le plus, et peut-être même plus que moi.

Elle était debout devant moi, les mains dans ses cheveux. Ses expressions faciales ne faisaient que changer, en passant par toutes les émotions. Elle avait même l'air plus investie que moi dans ma propre vie. Elle soupira, fit une nouvelle fois le tour de son salon tout en réfléchissant. Elle se retourna pour me regarder.

- Attends je crois que je n'ai pas bien compris. Tu peux recommencer s'il te plaît ?

Un petit rictus m'échappa et je me remis alors à narrer tout ce qu'il m'était arrivé en essayant d'oublier le moins de détails pour que l'histoire soit la plus claire possible.

- Je n'arrive pas à croire ce que tu dis. J'espère que ce n'est pas une blague sinon tu peux t'assurer que tu n'en resteras pas intacte.

A ces mots elle se jeta sur moi et se mit à me chatouiller, sachant pertinemment que c'était mon point faible. Je ne résistai pas longtemps et finit par capituler, ayant mal au ventre tant j'avais ri.

Le lendemain, je me réveillai sur le canapé de Mi-ri, une couverture déposée sur moi. Son sac à main encore sur la table à manger, je me doutais alors qu'elle n'était pas encore réveillée. Je me dirigeai vers la salle de bain et me rinçai le visage. Grâce aux quelques produits contenus dans mon sac à main, je pu rapidement me maquiller et retournai m'assoir sur le canapé. Je composai le numéro de Han-seo, que je connaissais par cœur puis appuya sur le bouton "appeler". Après maintes fois où je n'avais pas réussi à appuyer dessus, cette fois j'avais décidé de passer un cap. Si je voulais que les choses avancent, je ne devais plus hésiter. Je devais sortir de ma bulle et faire face à la réalité.

" Le numéro que vous avez essayer de contacter n'est plus attribué. Veuillez en composer un autre."

Je soupirai, frustrée, et jetai mon téléphone sur les coussins qui me faisaient face. Je me levai et me retrouvai face à Mi-ri qui venait visiblement de se réveiller.

- Mi-ri, j'ai besoin de toi rapidement. Est-ce que je peux t'emprunter quelques vêtements ? Je ne peux tout de même pas venir au travail deux jours de suite dans les mêmes vêtements.

- Oui bien sûr, surtout si tu croises Han-seo !

Elle me fit un clin d'œil et pointa l'armoire de sa chambre.

- Sers toi. Mais promets moi de les ramener une fois que tu les auras utilisé. Je tiens quand même à mes vêtements.

Je me jetai sur elle pour la serrer dans mes bras puis courait vers l'endroit qu'elle m'avait indiqué. Je ressortis cinq minutes plus tard revêtue d'un ensemble composé d'un pantalon large et un blazer ainsi qu'un débardeur blanc.

J'enfilai mes baskets blanches et ouvrit la porte.

- Merci Mi-ri je te revaudrai ça !

Et la porte se claqua. Je courus à l'arrêt de métro pour ne pas rater mon train. Une fois arrivée à Wusang, je m'assis à mon bureau au secrétariat. Chose assez surprenante, j'étais arrivée avant Ji-a. Durant toute la matinée, je scrutai toutes les personnes qui entraient et sortaient, espérant trouver Han-seo. L'après-midi, quand je revins de ma pause déjeuner, j'étais un peu moins enthousiaste que le matin.

Un peu plus tard, je prétendis vouloir aller aux toilettes puis me rendis dans l'aile destinée aux bureaux les plus importants, espérant le trouver par ici. Je l'aperçu alors entouré du directeur de Wusang et de son garde du corps. Il était en train d'arriver dans ma direction. Je remarquai qu'il tenait dans sa main une petite pile de livres. C'était exactement ce qu'il me fallait pour que mon plan arrive à exécution. J'inspirais un grand coup puis me dirigeai vers eux, prétendant passer un appel très important et fit mine de ne pas les remarquer. Je bousculai Han-seo qui fit tomber ses livres. Il m'observa alors, l'air de se demander ce que j'étais en train de faire. Je m'excusai et ramassai les livres puis me relevai, m'excusai et m'inclinai encore une fois puis continuai mon chemin.

Une fois chez lui, Han-seo posa ses livres sur la table et crut voir du papier dépasser de l'un d'eux. Craignant qu'un des livres ne soit abimé, il l'ouvrit pour découvrir un petit morceau de papier plié. Sur l'un des côtés était écrit "SY". Il le prit dans sa main et le retourna pour apercevoir un numéro de téléphone qu'il reconnut directement. Il vérifia autour de lui que personne n'avait rien remarqué puis le fourra dans sa poche et fondit en larmes.

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