Genshin Impact - La baronne de Fleur.

Prologue

     Tout commence par une conclusion, celle d'une tragédie ayant eu lieu une éternité avant que son acteur principal ne vienne à trouver le courage de prendre la plume pour narrer. Le temps n'a nulle emprise sur cet individu à la face dont il est préférable de ne pas décrire les traits, tant ceux-ci sont déformés par des expériences si nombreuses, si différentes mais toutes extrêmement importantes et impossible à énumérer en cet instant. Prenant donc grand soin de dissimuler sa figure tourmentée par le temps et les épreuves, la personne réalise un enchaînement de mouvements semblable à des pas jusqu'à un bureau en bois, pas vraiment qualifiable de vermoulu, mais pas richement décoré non plus - un simple meuble de qualité moyenne, sur lequel fut presque jeté un ouvrage plutôt massif, et entouré de quantités de boulettes de papier blanc sur lequel quelques bribes éparses sont approximativement distinguables. Avant que la plume ne vienne tremper dans l'encre, toutefois, les doigts de l'illustre inconnu effleurent la figure du Corbeau : ce simple geste renforce la conviction de l'être, qui se redresse alors, faisant grincer sa chaise dans le même temps : il est venu l'heure de rappeler, et tout commencera...

****

     Le bruit des bottes résonne, en écho aux gesticulations pathétiques d'êtres aux figures peinant à rappeler celles de véritables humains. Sous le cuir raffiné sonne, effrayante, le dur sol gelé et les ossements de celles et ceux se trouvant sur sa route. Derrière le masque du corbeau, il est impossible de percevoir les émotions qui traversent les prunelles du monstre sous le lit - et sans nul doute est-ce pour le mieux.

   " Ramenez-moi quelques spécimens encore vivants, malgré l'état de gel de leurs membres très avancé. Minimum une dizaine. "

C'est une voix autoritaire, mais pas nécessairement dépourvue d'humanité - quand bien même la malice transparaisse très clairement dans son timbre -, qui prend la parole. Un Chasseur Fatui s'empare rapidement du manteau caractéristique d'un Exécuteur de Sa Majesté, avant de se retirer et de s'incliner - il verra demain avoir lieu, la meilleure des récompenses pour qui connaît la psyché du Docteur, et tout particulièrement ce segment-ci.

  Quand, finalement, ce dernier se trouve être seul dans ses quartiers, un soupir à peine audible échappe au clone. Ses vêtements tombent peu à peu, laissant une peau à nu comme finalité - marquée de fines stries bleu céruléens, ses doigts longs et fins caressent avec indifférence les traces parsemant son épaule gauche, remontant le long de son trapèze pour en arriver finalement à la base de son cou, qu'elle atteignit non sans dégoût, car marqué par-

   " Gamma, ton rapport quant à l'action anti-Fatui menée à la frontière Sud-Ouest est, comme toujours, irréprochable et couvre totalement, jusqu'au plus infime détail, les événements ayant eu lieu. "

Les flatteries ne sont jamais solitaires, et la main gantée de noir et de bleu céruléen ne tarde en ce sens pas à s'emparer de la figure du segment interpellé avec douceur - le miel qui sert à enrober tout le venin des actions du Docteur. Le corps de Gamma cesse alors de bouger - même son torse cesse de se lever et s'abaisser au rythme de sa respiration, et seul le bruit extrêmement diffus de son cœur battant permet de confirmer qu'il est encore en vie.

   " C'est pour ça que tu es mon favori. "

   Ses yeux s'ouvrent sur une table froide, son corps engourdit par la lumière jaunâtre d'un laboratoire exigu. Clignant des paupières à quatre reprises, le clone compte en silence les nouvelles stries qui vont tatouer son corps artificiel - le premier à avoir jamais été créé avec succès - avant de glisser des doigts pleins de fourmis sur ses lèvres - elles sont encore chaudes. Un rictus, tiraillé entre contentement et contrariété, naît de manière spontanée des suites du simple geste, avant de ne pas tarder à disparaître tandis que le segment se rhabille sans prononcer le moindre mot. Sortant de la boîte noire, le masque du Corbeau croise celui du Serviteur. Le premier s'interrompt, et la seconde cligne des yeux trois fois. Puis le clone s'en repart, leur échange silencieux terminé pour cette fois - jamais un seul mot n'a été échangé entre eux, comme s'ils parlent un langage compris d'eux seuls. Le regard du Spéculateur glisse sur les deux individus, rapace prédateur attendant la déchéance du Corbeau volatil - mais ce dernier, encore et toujours, n'offre pas ce que l'oiseau de mauvais augure attend, continuant sa silencieuse marche infernale jusqu'à sa prochaine destination.

   Indifférent, le voilà donc qui contemple l'office de son aîné, celle d'individus de tous âges, de toutes origines et de tous genres qui se contorsionnent dans des positions plus ou moins humainement possibles, hurlant à la mort des supplications que le miroir sans teint bloque complètement - faisant d'eux des muets s'accrochant à l'espoir futile que leurs râles soient entendus. Gamma fait un pas en arrière quand l'un d'entre eux se jette sur la vitre, ce qui a pour effet de faire arquer le sourcil d'un assistant à proximité : jamais n'a-t-il fait démonstration de pareille réaction, mais le mieux reste encore de se tenir à carreau. Le segment est sous l'absolu contrôle du Docteur, aussi a-t-il hérité de sa- Le visage du malheureux outrecuidant se voit saisit avec virulence par le clone, qui commence à presser avec lenteur ses doigts longs et fins, gantés de noir et de bleu céruléen, écrasant peu à peu le crâne de l'individu. Nul ne s'interrompit dans ses tâches, ne craignant que trop de subir le même funeste destin.

   " Comment se déroulent les résultats du 627 ? "

La voix de Prime se fait entendre, sulfureuse et nullement coléreuse. S'approchant de Gamma, le Deuxième fait glisser sa main droite le long du bras retenant le futur macchabé, avant de s'accrocher à son poignet pour forcer le segment à lâcher prise - chose qu'il fait sans émettre la moindre protestation, laissant un corps à moitié mort choir sur le sol dur dans un petit bruit sourd et pathétique. Il s'en dirige alors vers son bureau, rangé avec application et sur lequel se trouve l'objet de la présence de son différent lui, qu'il tend ainsi à ce dernier sans mot dire. Le Docteur s'en empare, fait volte-face puis s'en va prendre congé. Les cris passent au travers de la pièce pourtant supposée insonorisée, faisant écho à ceux de Gamma dans cette autre pièce en contrebas...

 ****

     Les jours, puis les mois, puis les années et enfin les décennies - pour ne pas dire les siècles - passent, identiquement cruels et froids, à la manière de ce laboratoire tenu par le chien de garde du Docteur. Gamma a de plus en plus froid, alors que le gel de Snezhnaya s'engouffre dans son corps et fait se craqueler la chose supposée lui servir de cœur. Aussi étrange que celui puisse paraître, le Deuxième lui-même s'en inquiète - et ses segments de son existence avec lui. Les stries se firent plus importantes, devenant presque des crevasses dont le fond ne saurait être perceptible, transformant presque l'être humanoïde en une masse informe toute de bleu faite. Alors il recoud, avec un peu de son art mystique dont seul Prime a le secret. Mais le corps du sujet idéal commence à s'effondrer, en écho à la chute lente de son esprit. Il laisse alors les autres segments de lui-même entamer les caractéristiques étapes qui marquent le début de la fin, car quand un outil devient irréparable il est nécessaire de le jeter - il fit tout pour conserver le plus efficace d'entre eux, mais même lui ne saurait arriver à lutter éternellement contre l'usure du temps.

   " Ce segment n'est pas parfait, murmure le Neuvième au Deuxième. Il n'est pas immortel, ne représente pas une copie conforme de toi à tous les égards et se détériore malgré tes prévenances. L'heure est venue de trouver d'autres cobayes, et je crois que Pierro en a un tout particulièrement intéressant à te proposer - Inazuma, la nation de l'Éternité, semble avoir laissé un bien très précieux dont tu pourrais faire usage. "

Le Corbeau s'en va donc, à la recherche du cadavre à enterrer. Mais que faire quand celui-ci n'est plus là pour l'être ?

   " Où est-il, gronde-t-il en direction du segment le plus proche. Quand donc Gamma a-t-il été amené ? "