Destruction

43 7 3
                                    

Une voiture explose en bas...

Malgré la hauteur, j'ai cru ressentir le souffle du feu et les vibrations.

À quelques mètres de nous, les artères de la ville sont plongées dans le chaos.

Les gens déferlent en nombre, telle une marée noire. Il y a ceux qui courent, des armes de fortune à la main, pour tenter de se défendre ou de nuire à autrui. Il y a ceux qui bondissent sur les bancs ou les carcasses encore fumantes de véhicules abandonnés en travers de la chaussée. Ou d'autres encore qui cassent les vitrines des magasins de quartier, pillant les rayons comme s'il s'agissait de trésors revendables à coût de fortunes.

Et voilà l'élément central qui manquait à ce décor d'apocalypse... Un troupeau grouillant s'approche inexorablement de toute cette cohue. À leur lenteur, il ne peut s'agir que de personnes qui sont déjà parties rejoindre le rang des infectés.

– Allez... Il faut qu'on sécurise notre étage et qu'on continue notre progression...

Noah témoigne que notre contemplation n'a que trop duré. Il jette un coup d'œil rapide à la pièce en désordre pour finalement retourner patrouiller le long du corridor.

– J'espère qu'elle n'a pas une jumelle qui se cache dans le coin !

Une ultime fois, il contemple l'atrocité qui était presque parvenue à avoir raison de lui. Pourtant, mon camarade est un expert en combat rapproché. Je n'ai réussi à le mettre au tapis qu'un infime nombre de fois, lorsque c'était mes jours de chance ou qu'il était mal luné.

Pour ma part, je n'émets qu'une sorte de hoquet étouffé en passant à côté de cette chose désormais inerte. Rien que le fait d'en imaginer d'éventuelles répliques me file des frissons dans le dos. Au nombre de balles qu'il m'a fallu pour la descendre, nos réserves s'épuiseraient sans même être venues à bout d'une toute petite armée de ce « modèle » carburant visiblement aux amphétamines...

– C'est bon pour moi !

J'ai pris les pièces de droite et Noah celles à gauche. On peut dire que l'inspection s'est vue rondement menée. Mis à part notre première rencontre, cet étage ne regorge plus que de pagaille et de vide. Ceux qui travaillaient ici ont, pour les plus en veine, réussi à s'enfuir avant que la situation ne bascule totalement. Les coutumiers de malchance se sont, quant à eux, transformés et sont partis « cavaler » ailleurs, dans l'espoir de se dégotter un corps tout frais à contaminer.

– Idem, ici !

Le signal en retour est donné. Je sors, de l'une des poches de mon gilet, une balise minuscule. À peine la taille d'une petite bille que beaucoup d'enfants conservaient jalousement au couvert de leurs trousses, près de leurs stylos plume. Elle se plaque immédiatement contre l'une des murs. Un quadrillage vert se matérialise sur l'ensemble des cloisons du couloir, y compris le plafond.

En franchissant le palier pour investir cet étage, les renforts sauront tout de suite à quoi s'en tenir. Un gain de temps et une manière, comme une autre, d'éviter le gaspillage d'énergie inutile.

Notre commandement ont appelé cette manœuvre « la stratégie de l'entonnoir ». Un premier binôme nous a devancé à l'intérieur du building avec pour mission de se rendre au milieu de cette tour. Les niveaux inférieurs sont, encore, une aventure trop risquée. Par définition, toute personne normalement constituée tentera de fuir par le bas. Et où se dirigent les loups quand ils traquent les moutons ?

Leur instinct de chasseurs les poussent à les suivre...

Chaque duo doit « nettoyer » l'étage qui lui a été attribué avant de descendre à son tour. Si la lumière verte hisse le pavillon de ses couleurs, ça veut dire « circulez, il n'y a plus rien à voir ». Dans le cas contraire, c'est que le danger rode encore et chaque agent se doit de rester concentrés et d'ouvrir son esprit à toute éventualité.

Dans l'expectative du « tout va pour le mieux », le gros des troupes devrait atteindre au compte-gouttes le rez-de-chaussée. Envoyer en masse l'artillerie lourde, sans même être certains de l'état réel de la situation, serait revenu à sacrifier inutilement des forces qui auraient pu être conservées en touche.

– Équipe Vega, seconde escouade, au rapport ! Tout est OK ici. On descend...

Noah a fait parler sa radio, puis se dirige en trottinant vers la cage d'escalier. En passant à côté des ascenseurs, je m'aperçois que si l'un reste immobile, le second a entamé sa descente vers le hall d'entrée. L'identité de ses occupants est gardée secrète par cette lourde cage d'acier, nous laissant cependant la certitude qu'il s'agit de survivants. Les infectés ne sont pas assez cortiqués pour être en mesure de contrôler la moindre machine ou même de manipuler un simple objet contondant. Ils sont juste bons à grommeler une bouillie de syllabes incompréhensibles et à attraper maladroitement tout être « vivant » qui aurait le malheur de passer à leur portée.

Espérons que ces inconnus parviendront à conserver leur santé intègre et qu'une brebis galeuse ne se cache pas parmi eux...

Après avoir parcouru quelques étages, la tension semble enfin redescendre. Le fameux signal quadrillait chacun des couloirs, annonçant que la zone en question était « sous contrôle ».

Arrivés au palier du cinquième, prêts à réagir à chaque embranchement voulu par le scénario, les choses se précipitent sans qu'aucun de nous n'ait senti le vent tourner...

Une vibration sourde, presque sépulcrale, comme venue d'une dimension parallèle qui n'aurait pas la possibilité de nous atteindre.

Une succession de sons imperceptibles, lointains, curieux mélange de craquements et de clameurs étranglées.

La lumière a faibli, vacillé même une fois, me laissant avec mon camarade embrasser à nouveau l'atmosphère sournoise de l'obscurité.

Puis, elle est revenue, une seconde, dans un élan de générosité avant de tous nous plonger au fond d'un gouffre baigné par le désordre et la destruction.

J'ai cru apercevoir cette lueur dans ses yeux, avant que le destin ne voit nos routes se séparer. Il n'avait pas peur. Non... Il s'était déjà résolu. Le règne du chaos venait de débuter et c'est au cœur de cette nouvelle ère que Noah trouverait la véritable place que sa destinée lui avait accordé...

OrionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant