Graine de vent - Partie 1

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Une brise légère agitait la Forêt alors que le soleil entamait sa descente. Se faufilant entre chaque branche, le vent faisait danser les feuilles, remuait les ramures et sifflait autour des majestueux troncs centenaires. Son souffle doux mêlé aux bruissements des feuilles sonnait comme un chant et la Forêt entière ondoyait en un camaïeu de verts au rythme du vent.

Eano leva le menton pour mieux sentir la brise sur son visage. Ses cheveux noirs voletaient autour de sa tête dans un mouvement perpétuel. Elle était vêtue d'une longue et étrange robe de velours noir qui tombait jusqu'au sol cachant ses pieds, et dont les manches étaient dépourvues de trous si bien que la jeune femme était couverte jusqu'au bout des doigts, comme si elle portait des gants. Les yeux fermés, elle écoutait la Forêt chanter avec le vent.

Elle voulait s'imprégner de toutes les senteurs, tous les sons qui s'y trouvaient comme si elle devait ne faire qu'un avec son environnement. Elle l'aimait plus que tout. Elle y était née, y avait toujours vécu et trouvé ce dont elle avait besoin. Sa dette était immense, c'est pourquoi en cet instant, Eano cherchait tant à sentir la présence de la Forêt : elle s'apprêtait à lui rendre tous les bienfaits qu'elle en avait reçu. Le soir même.

Un grognement retentit soudain derrière elle. Eano tourna la tête et vit s'approcher lentement ce qui semblait être un grand félin au pelage luisant du même noir que sa robe et ses cheveux. Il émanait de lui une aura surnaturelle devant laquelle s'écartait la végétation. L'animal était plus grand qu'elle et montrait ses crocs.

Eano sourit et inclina la tête en signe de salutation.

- Bonsoir Grand-père !

Le félin la toisa de ses grands yeux blancs dépourvus de pupilles.

- Eano, à quoi est-ce que tu ressembles ? grogna-t-il.

- C'est ma forme humaine ! Qu'est-ce que tu en penses ? demanda la métamorphe en tournant sur elle-même.

- Ces transformations sont dangereuses ! Si tu en abuses tu pourrais bien un jour rester bloquée avec cette apparence si laide.

- Je l'aime bien moi, avoua Eano à demi-voix.

- Fais comme tu veux ! Mais ne viens pas pleurer si un jour tu n'arrives plus à retrouver ta véritable forme, bougonna le vieux félin en faisant demi-tour.

Eano le suivit en sautillant, tentant tant bien que mal de marcher à sa hauteur.

- Dis, Grand-père, penses-tu que ce soir je pourrai faire ma cérémonie avec cette apparence ?

- Oh mais tu es libre de prendre la forme que tu veux, répondit le Grand-père sur un ton sarcastique, si tu préfères te changer en singe, tu le pourras aussi. Ça me paraît même être une très bonne idée si tu veux que toute la Forêt se moque de toi.

- Mais si nous sommes nés avec cette capacité de transformation c'est bien pour qu'on l'utilise, non ? se vexa la jeune femme.

A cet instant, un petit cri retentit. Eano leva la tête et vit un groupe d'oiseaux blancs passer à toute vitesse au-dessus de leurs têtes.

- La Nuit des Nuages est bien pour ce soir, fit remarquer son aïeul. Les habitants de la Forêt sentent les perturbations dans l'atmosphère. Eano, tout va bien ?

Sa petite-fille avait soudain l'air anxieuse. Elle s'était arrêtée et frottait nerveusement ses doigts les uns contre les autres. Elle se tourna vers son grand-père.

- Dis... comment s'était passée ta cérémonie ?

- Oh tu sais il n'y a pas grand-chose à raconter.

Échantillons (recueil de nouvelles)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant