Chapitre 3 : Connor

57 4 22
                                    

Le campus est presque désert à cette heure-ci et le soleil commence à peine à se lever. C'est dimanche aujourd'hui et il n'est que sept heures. Écouteurs aux oreilles, j'essaye en vain de me vider la tête en me concentrant sur la musique. Ça ne marche pas. Je décide de faire un deuxième tour. Je n'ai pas assez couru ce matin, je le sens. Il me faut davantage pour chasser le désastre qu'à été la fin de soirée d'hier de mon esprit. Anna m'a surpris avec une autre fille alors que cette dernière était en soutif devant moi. Évidemment, elle a pensé qu'elle nous avait interrompus en pleine action. Même si elle m'a cru quand je lui ai affirmé qu'il ne s'était rien passé entre cette fille et moi, la discussion a vite dévié sur notre relation et Anna s'est mise à pleurer. Je déteste être la cause de ses larmes. Tout ce que je veux, c'est la rendre heureuse.

      — Je sais que je n'ai pas le droit de te dire ça parce qu'on n'est plus ensemble, mais même s'il n'y a rien eu entre cette fille et toi, Connor, ça me fait mal de m'imaginer qu'un jour tu referas ta vie sans moi...

Je l'ai prise dans mes bras. En la serrant contre moi, les mots de la fille de la salle de bain me sont revenus en tête. Ceux où elle me disait que si j'avais encore des sentiments pour mon ex, je ne devais pas attendre pour me remettre avec. Et c'est ce qui est le cas : j'ai toujours des sentiments pour Anna. Alors j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai dit :

— On n'est pas obligé de faire notre vie loin de l'autre, Anna. On n'est pas obligé de rester séparés.

Elle a levé son regard vers moi, les yeux rouges et les joues encore humide de larmes.

— Tu sais que c'est bien plus compliqué que ça, m'a t-elle répondu.

J'ai essayé de la réconforter du mieux que je pouvais, lui caressant doucement les cheveux. Puis, je l'ai raccompagné chez elle. Le chemin jusqu'à son appartement était silencieux. Nous avons marché, main dans la main, sans parler. Une fois devant sa porte, elle m'a embrassé sur la joue pour me remercier et ce simple geste a suffit à faire battre mon cœur plus fort. J'ai eu envie de lui dire qu'on s'en foutait de ce que ses proches pensent, que ce n'est pas si grave si parfois on a du mal à se comprendre, qu'il n'y a que nous qui comptent réellement. Mais finalement, je me suis retenu de lui dévoiler mes pensées. Parce que je savais que, à part la rendre encore plus triste, mes paroles ne serviraient pas à grand chose.

Je suis rentré chez moi, me suis vautré sur mon lit sans même prendre le temps de me déshabiller, et ai fixé le plafond. Le silence était pesant, bien loin du silence calme de ma balade avec Anna. L'année dernière, j'avais un coloc qui faisait du bruit tout le temps. Ça peut en agacer plus d'un, mais perso, j'aimais bien ça. Ça donnait de la vie et de l'ambiance à notre appart. Cette année, je vis seul. Au départ, ce n'était pas ce qui était prévu. Avec Anna, on était censés prendre cet appart ensemble pour cette année. Nous l'avons pris dès mai, tous les deux enthousiastes à l'idée de vivre ici. On imaginait déjà les soirées télé sur le canapé, les petits-déjeuners le dimanche matin. Mais les plans ont changé et je me suis retrouvé seul dans cet endroit qui aurait dû être le nôtre. Entre temps, j'ai cherché et trouvé un nouveau colocataire mais le mec qui devait emménager a fini par annuler sa venue il y a quelques jours seulement. Alors maintenant, je me retrouve seul dans cet appart qui me rappelle mon ex.

Je continu ma course en direction de l'université. Même s'ils sont peu, je croise déjà un peu plus de gens qu'autour des résidences. Mon esprit divague sur la fille que j'ai laissé dans la salle de bain. Je m'en veux d'être parti si rapidement alors qu'elle se trouvait dans un si mauvais état. J'espère qu'elle est rentrée chez elle sans problèmes et qu'elle a trouvé quelqu'un pour prendre soin d'elle. Je me concentre sur mes foulées pour essayer de chasser cette soirée de mes pensées une bonne fois pour toute. Le sport. Il faut que je pense au sport. Courir a toujours été mon exutoire, mon moyen de m'évader. Les cours vont bientôt recommencer, et avec eux, les entraînements de football. J'espère être réélu en tant que capitaine de l'équipe cette année. Mon dossier scolaire en a pris un coup l'an dernier. J'ai raté ma première année et ai dû la refaire, ce qui ne joue pas en ma faveur. Mon coach a été clair sur ce sujet avant les vacances : désormais, je me dois d'être à fond dans les études. J'ai promis de faire des efforts, même si je galère à être sérieux en cours la majorité du temps.

Perdu dans mes pensées, mes yeux se posent sur la silhouette d'une fille qui marche au loin. Je la reconnais direct grâce à sa chevelure châtain. La fille de la salle de bain. Elle marche d'un pas assuré vers les bâtiments scientifique. Je cours dans sa direction et ralentis une fois à sa hauteur, trottinant pour me caler au même rythme qu'elle. Cette fille est immense. Heureusement que je suis un géant, car elle est tellement grande que, avec sa taille, elle me filerait sûrement des complexes si j'étais plus petit. Elle ne tourne pas la tête vers moi, se contentant de me jeter un regard rapide du coin de l'œil.

      — Salut. Tu te souviens de moi ?
      — Euh... Salut ?
      — Le gars sur qui tu as vomi hier.

Elle me regarde enfin dans les yeux et hoche la tête.

      — Je me souviens, acquiesce-t-elle. Et en parlant de ça, je suis désolée, je ne fais jamais ça d'habitude.
      — Vomir sur des gens ?
      — Boire.

Je ne peux m'empêcher de lâcher un rire en repensant à notre rencontre. Elle, de son côté, garde une expression neutre. Elle ne rougit pas, ne souris pas, ne fuit pas mon regard. Elle ne semble pas gênée, ni amusée. Elle continue simplement de marcher, sans faire signe de m'attendre.

      — C'est moi qui dois m'excuser, dis-je finalement. Je n'aurais pas dû te laisser dans cet état.
      — C'est pas grave.

Je remarque des cernes légères sous ses yeux, conséquence de la nuit précédente.

      — Tu t'es remise de ta gueule de bois ?
      — Oui, ça va.

Ses réponses sont brèves. Même si elle n'a pas l'air mal à l'aise, j'ai l'impression de la faire chier. Elle est super fuyante. Loin de la fille qui me demandait de la baiser dans la salle de bain, Miss Vomito est devenue la reine des glaces. Le contraste entre son attitude d'aujourd'hui et celle d'hier soir est frappant. Ce n'est plus la même personne que la veille. Je n'imagine même pas à quel point elle a du beaucoup boire pour se retrouver comme ça. Elle m'apprend qu'elle a lavé mon t-shirt et qu'elle me le rendra la prochaine fois qu'elle me verra.

      — D'ailleurs, est-ce que tu peux éviter de parler de ce qui s'est passé, s'il te plaît ? Me demande t-elle. Mon comportement était vraiment gênant, je ne sais pas ce qui m'a pris.
      — Perso, ça ne m'a pas dérangé ton comportement d'hier, rigolé-je.

Je la cherche un peu, espérant au moins obtenir un sourire mais ça ne fonctionne pas. Voyant qu'elle ne répond pas, je comprends qu'elle attend une autre réponse de ma part et lui assure, plus sérieusement :

— Promis, je ne le dirai à personne.

Elle me répond un simple « merci » et se met à avancer plus vite. Le message est clair : elle veut que je la laisse tranquille. Mon envie de rester et de continuer à l'embêter est grande car, malgré mes efforts depuis une heure à tenter de me vider l'esprit, je réalise que c'est seulement depuis que je lui parle que je ne pense plus à tout ça. Je reçois un message et attrape mon téléphone qui se trouve dans ma poche. C'est Matt qui me demande si je suis réveillé pour venir prendre le petit dèj' avec Ant, Jonah et lui. Je lève le regard vers la fille qui s'apprête à monter les marches de l'entrée du bâtiment scientifique. Laissant tomber pour cette fois, je réponds à Matt : « Pour qui tu me prends ? Bien sûr que je suis déjà réveillé, tu ne connais plus ton meilleur pote ou quoi ? Je prends ma douche et je vous rejoins. » La fille tire la porte du bâtiment pour y entrer et je lui lance :

— Au revoir, Miss Vomito.

Sans attendre sa réaction, je m'en vais, rentrant chez moi pour me préparer pour rejoindre mes potes.

Amy [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant