Amy [en pause]

Chapitre 11 : Connor

Après mon entraînement, je me dirige vers la bibliothèque pour retrouver Amy à l'heure à laquelle on s'est donné rendez-vous. Lorsque j'arrive, elle est déjà installée dans un coin tranquille, son ordi et son classeur posés sur la table devant elle. Elle est concentrée dans la lecture d'une feuille et ne me remarque que lorsque je m'assois en face d'elle. Sans perdre de temps, elle me tend un de ses cahiers en m'expliquant que c'est le cours de statistique depuis le début de l'année. Je l'ouvre, feuillette vite fait et suis étonné par la quantité de notes qu'elle a déjà prises. Il y a au moins une vingtaine de pages remplies de formules, de graphiques et de schémas. Je ne pensais pas qu'on avait déjà autant bosser.

Amy a préparé une liste des points qu'on doit aborder aujourd'hui, chaque sujet classé par ordre de priorité. Elle me passe un autre paquet de feuilles en m'expliquant qu'elle les a créé exprès pour noter les définitions et les bases des stats avant de passer au plus compliqué. Elle me demande de lire ces fiches avant de commencer. Je remarque qu'elle a détaillé de nombreux aspects du cours. Chaque définition et explication sont parfaitement rédigées, et elle a même pris soin d'ajouter des exemples concrets. C'est tellement propre et organisé. Je lis et je comprends tout. C'est clairement une première pour moi.

— Tu fais des fiches comme ça pour chaque matière ?
— Non. Je les ai faites pour que tu comprennes mieux et que ce soit plus facile pour la suite, m'avoue-t-elle, un peu gênée.

WoW, alors Amy a préparé des fiches exprès pour moi durant son temps libre ? Je m'attendais simplement à ce qu'elle m'aide à réviser vite fait deux ou trois trucs vus en cours. Je ne pensais pas qu'elle allait s'impliquer pour essayer de réellement me faire comprendre la matière.

— T'as fais ça quand ? Demandé-je, curieux.
— Hier soir, quand j'ai eu un peu de temps.

Ça me touche vraiment qu'elle ait pris la peine de faire ça. Alors que je la remercie, Amy balaie l'affaire d'un geste, comme si ce n'était rien de fou. Elle ne se rend pas compte d'à quel point ça me fait plaisir. D'ailleurs, depuis que je suis arrivé, elle n'a même pas esquissé un seul sourire, alors que moi, je ne fais que ça.

Nous abordons ce qu'on a fait lors des premiers cours. Amy commence par reprendre les bases des statistiques et très vite, je me rends compte que ses explications me paraissent bien plus claires que celles que j'ai pu avoir en cours. Elle m'explique les choses avec patience, sans jamais me faire sentir que je suis à la traîne. À chaque problème, elle s'assure que j'ai bien compris en me posant des questions. Parfois, je me surprends à l'observer attentivement, captivé par la façon dont elle est concentrée, et parfaitement à l'aise dans son rôle de "prof". On dirait qu'elle a fait ça toute sa vie.

Durant l'heure, mon portable vibre pas mal de fois, dû aux nombreuses notifs que je reçois. Et oui, c'est difficile d'être une star. Alors que mon tel sonne à cause d'un énième message, Amy me jette un regard qui en dit long sur ce qu'elle pense :

      — Tu peux désactiver tes notifications, s'il te plaît ? Me demande-t-elle, légèrement agacée. Il faut que tu restes concentré.

Je m'excuse et mets les notifs en sourdine. Je n'ai jamais pris l'habitude de couper mon téléphone pendant que je révise, mais Amy a raison : c'est clair que ça m'aide pas à me concentrer. J'en profite pour jeter un coup d'œil rapide à ce que j'ai reçu, et je l'entends soupirer.

      — Je regarde juste et je le range, promis.

Ce sont des messages des gars. Rien d'urgent. Je range mon portable dans mon sac. Je leur répondrai plus tard. Nous reprenons là où nous en étions. Amy fait de son mieux pour que je comprenne tout et, quand je n'ai pas bien saisi un passage, elle n'hésite pas à me l'expliquer plusieurs fois, sans jamais avoir l'air soûlée. Malgré tout, elle est assez froide depuis qu'on a commencé et n'aborde seulement le sujet des statistiques. Moi qui me suis dis que ces cours particuliers allaient me permettre d'en apprendre plus sur elle, c'est raté. Certes, je peux voir encore une fois à quel point elle est sérieuse et intelligente, mais elle instaure cette distance que je n'arrive pas à casser. J'essaie parfois de faire des blagues pour détendre l'atmosphère, mais elle ne rigole pas vraiment, me demandant de me re-concentrer à chaque fois. Je finis par laisser tomber. J'ai compris le message. Ici, nous sommes là pour les cours, pas pour faire ami-ami.

Alors que nous passons à une nouvelle partie du cours, le téléphone d'Amy sonne à son tour. Saisissant l'occasion de la taquiner, je fais semblant de soupirer avec un faux air exaspéré :

— Enfin, le téléphone, Miss Vomito !

Je m'attends à ce qu'elle réplique que je suis culotté mais ce n'est pas le cas. Restant sérieuse, elle ne relève pas ma plaisanterie et m'annonce juste :

— Il est 18h30. J'ai réglé une alarme pour marquer la fin du cours.

Déjà ? Le temps est passé super vite. Je n'ai pas vu le cours passé et pourtant c'était des stats. Amy a réussi un exploit. Elle reprend ses fiches et son cahier, les rangeant dans son sac avant de faire de même avec son ordinateur.

— On continuera le reste la prochaine fois, me dit-elle.
— Pourquoi t'es si pressé de partir ? T'as quelque chose de prévu après ? Lui demandé-je.
— Je dois rentrer chez moi pour réviser les cours de cette semaine.

Comment elle fait pour être autant à fond tout le temps ? Elle révise tellement que ça m'impressionne.

— T'as carrément mis une sonnerie pour ça ?
— Oui, c'est important pour moi de faire les choses en temps et en heure.
— C'est dommage, je pensais qu'après le cours on aurait pu sortir ensemble pour manger un truc dehors. Tu ne veux pas ? T'as tout le week-end pour réviser.
— Ce n'est pas dans mes plans. Je préfère m'en tenir à mon planning.

Alors qu'elle me dit au revoir et se dirige vers la sortie, je me dépêche de ranger mes affaires. Je la rattrape juste avant qu'elle ne quitte le bâtiment :

— Attends, Amy, tu pourrais me passer tes réseaux ou ton numéro ? Ce sera plus facile pour qu'on s'organise pour les prochains cours.

Elle accepte et me donne son numéro de téléphone ainsi que son Instagram. Puis avant de partir, elle me dit :

— Même si t'as du mal avec les cours, t'es loin d'être idiot, Connor. Je suis convaincue que tu peux réussir si tu te concentres vraiment.

Elle est clairement en train de me dire qu'elle croit en moi et ça fait du bien d'entendre ça de la bouche d'une élève d'aussi brillante qu'Amy.

— Merci, Amy. J'espère que t'as raison et que je vais devenir un pro des statistiques.
— J'en doute pas, me répond-t-elle avant de partir, en souriant pour, probablement, la première fois de l'heure et demie passée ensemble.