Prologue

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♪ Keane - Somewhere Only We know ♫

Leurs cris résonnent dans toute la maison. Comme à chacune de leurs disputes, je me cache dans mon armoire. Une porte claque, mes mains se crispent un peu plus sur mon chat en peluche. Mes larmes continuent de couler. Quand ils se disputent, j'imagine qu'en me cachant dans mon armoire, j'y trouverai le monde de Narnia pour fuir cette maison. En dehors de mes vêtements, il n'y a aucun monde parallèle. À force, j'ai pris l'habitude de m'y cacher.

La porte de ma chambre s'ouvre doucement. Une voix faible m'interpelle :

— Ashley ?

Je soupire tristement, je l'avais presque oublié. Avec tous ces cris, je me suis dit qu'il avait dû s'échapper de cette maison de fou. J'essuie mes joues humides avec le manche de mon pull et ouvre la porte de l'armoire.

Caleb se tient au pas de la porte, il s'approche quand il m'aperçoit dans l'armoire. Ainsi cachée, il doit penser que je suis une fille bizarre. Lundi à l'école, il aura hâte de raconter à quel point je suis une fille étrange qui se cache dans une armoire et qui a une famille chaotique.

On se connaît à peine.

Notre professeur nous a donné une fiche de lecture. J'ai choisi le Petit Prince, car c'est un de mes livres préférés et c'est aussi celui de Caleb. Nous avons décidé de travailler chez moi. J'aurais aimé venir chez lui, mais ses parents sont absents. Il me semble qu'ils sont médecins.

Nous travaillions dessus lorsque mes parents ont commencé à se disputer. Aussitôt, je l'ai laissé seul au rez-de-chaussée et je me suis sauvé dans ma chambre.

Mes yeux se portent sur ce petit garçon aux boucles brunes et à la peau métisse qui me dévisage d'une manière ahurie. Alors que je m'attends à ce qu'il trouve une excuse pour rentrer chez lui, il s'approche de l'armoire et me demande :

— Je peux aussi rejoindre le monde de Narnia aussi ?

J'observe ses jambes particulièrement grandes pour son âge et secoue la tête en riant.

— On ne risque pas de tenir à deux là-dedans, vu la taille de tes jambes.

Des cris résonnent de nouveau, me faisant reculer dans l'armoire. Caleb s'approche de plus en plus. Des larmes coulent sur mes joues, je n'arrive pas à les retenir. Il attrape ma main et nos petits doigts s'entrelacent. Son geste me fait du bien.

Nous nous connaissons peu, mais je sais que Caleb est très apprécié à l'école. Je comprends pourquoi, il est très gentil avec tout le monde. Ce n'est pas le premier de la classe, mais je sais qu'il est doué pour la musique. Je me souviens qu'il avait impressionné tout le monde lorsqu'il avait joué de la trompette. Personne n'a ri, tout le monde l'a écouté silencieusement.

Un petit sourire dévoile ses dents en avant.

— Ashley, j'ai une super idée.

Après plusieurs kilomètres, nous atteignons enfin la plage. Nous venons de fuguer. Normalement, je n'ai pas le droit de sortir du jardin de la maison. Quand Caleb m'a proposé de se promener sur la plage, cela m'a paru être une bonne idée. Je préfère être n'importe où qu'à la maison avec mes parents. Puis, ils sont tellement occupés à se disputer qu'ils ne risquent pas de remarquer mon absence.

La mer est agitée et il fait froid, mais l'endroit est agréable et la présence de Caleb me réconforte. Je suis ravie qu'il ne se soit pas rentré chez lui.

Nous allons vers un pont bloqué par un ruban rouge et blanc. Atour de nous, l'eau continue de s'agiter et s'écrase contre les rochers. L'endroit me paraît dangereux, mais Caleb ouvre le passage. Il a l'air de connaître cet endroit et ne semble pas effrayé. Moi, j'ai peur et je reste en retrait. Voyant que je ne lui suis pas, Caleb me sourit et me tend la main. Son sourire me rassure alors, je le suis sans me poser plus de questions.

Le ponton craque sous nos pieds, il parait vieux et fragile. Apeurée, je sers la main de Caleb un peu plus fort. Après être arrivé au bord, nous nous installons et balançons nos pieds au-dessus de l'eau mouvementée. Moins apeurée, je ne lâche pas la main de Caleb pour autant.

Pendant plusieurs minutes, on observe l'horizon sans prononcer un mot. Du coin de l'œil, j'observe mon camarade de classe. Ses boucles sont humides à cause des gouttelettes projetées par le vent. Caleb a toujours le sourire, je suis sûre que ses parents ne se disputent pas. À l'école, il a beaucoup d'amis et personne ne se moque de lui. Il en a de la chance.

 Lui, tout le monde l'aime.

Soudain, j'ai encore envie de pleurer. Caleb s'en aperçoit et tente de me changer les idées.

— J'adore cet endroit, mais un jour, je souhaiterais quitter cette île.

Je renifle bruyamment.

— Oui, moi aussi. Tu voudrais aller où ?

— En Angleterre ! À Londres en particulier.

Son regard est brillant. Pendant quelques minutes, il m'explique toutes les raisons pour lesquelles il veut y aller.

— Mais si tu pars, tu n'aurais pas peur que l'on t'oublie ? 

— Non, justement, j'ai une super idée.

La dernière fois qu'il a dit cela, nous nous sommes retrouvés à fuguer de ma maison de fou et à observer la marée haute, assis sur un ponton en bois sur le point de s'écrouler.

Je suis impatiente de découvrir son idée.

Caleb sort un compas de son sac et commence à graver une phrase sur le bois. Au bout de quelques instants, il s'arrête et fronce les sourcils. Je me penche vers lui et souris en voyant ce qu'il a commencé à écrire.

"Caleb et Ashe"

— Tu as fait une faute à mon prénom.

Je hausse les épaules.

— Mais j'aime bien Ashe comme surnom.

On rit tous les deux et ils continuent à graver. À la fin, on peut y lire : "Caleb et Ashe étaient ici."

— De cette façon, tout le monde se souviendra de notre présence sur cette île.

Il me sourit de plus belle, laissant apparaître son sourire imparfait. C'est décidé, j'aime aussi Caleb.

— Les autres disent que tu es bizarre, car tu restes toujours seule dans ton coin à prendre en photo des escargots. Je trouve ça mignon et je ne te trouve pas bizarre.

Je hausse les épaules, j'adore les escargots, c'est mignon. Je ne comprends pas pourquoi on se moque de moi à l'école.

— Mais comme le dit le conte du Petit Prince," L'important est invisible pour les yeux..."

Il prend un moment pour réfléchir à la fin de sa phrase.

— "On ne regarde bien qu'avec le cœur."

Je retiens un petit sourire.

— Je pense que ce n'est pas la bonne phrase...

Caleb réfléchit encore un instant et finit par rire.

— Oups.

Nous rions et nous isolons dans notre bulle. Au bout d'un moment, les rayons du soleil disparaissent.
Paniqués, nous comprenons qu'il est tard et que nous devons rentrer chez nous.

Nous arrivons en courant devant la maison, en même temps fatigués et anxieux, en espérant que mes parents n'aient pas remarqué que nous étions absents. Mais, la mine affolée de ma mère, les allers et venus de mon père qui est au téléphone et le regard sévère que nous porte la mère de Caleb en nous voyant nous indiquent que nous allons être punis.

Caleb prend ma main et la serre avec force, cette fois-ci.



Coucou à tous.tes, me voilà avec une nouvelle histoire qui commence par un prologue. Hâte de découvrir nos deux protagonistes Ashley et Caleb ?

N'hésitez pas à commenter et à donner votre avis. Je suis ouverte à la critique, mais le tout dans la bienveillance, bien sûr !

♫ Good Vibes Only ♪

Amour et PolaroidOù les histoires vivent. Découvrez maintenant