Chapitre 12

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Aïna

19h23 - Bloomfield.

— Je vais vous prendre un éclair au café et un mille-feuille, s'il vous plaît.

Les grandes vitrines de pâtisseries m'appellent. Pour le plus grand bonheur de mes yeux et de mon estomac. J'observe, analyse précieusement quelle viennoiserie je vais bien pouvoir m'engouffrer.

La vendeuse me regarde patiemment hésiter entre un donut et une tarte à la fraise. En revanche, les clients derrière moi ne sont apparemment pas dotés d'une patience.

— Ces jeunes ont du temps à perdre, marmonne une voix dans mon dos.

Je me retourne doucement, tombe nez à nez avec un homme âgé de petite taille. Ses cheveux semblent avoir pris la poudre d'escampette. Des rides s'étendent sur son front, lui donnant un air grincheux.

— Vous voulez peut-être m'aider à choisir ?

Histoire que nous perdions du temps à deux.

— Prenez donc une tarte à la fraise, me répond-t-il hâtivement.

Je pivote face à la vendeuse qui est toujours munie de son sourire professionnel. Ses mains s'agitent sur le comptoir trahissant sa patience.

— Très bien, rajoutez-moi une baguette pas trop cuite et une deuxième religieuse au café, demandais-je sous la réflexion grincheuse du vieil homme.

Les pâtisseries au café ont une place sacrée dans mon cœur. Sortir de ma zone de confort ne fait pas partie de mes recommandations pour le moment.

La vendeuse me tend mon carton contenant les sucreries. Je la remercie silencieusement. En m'approchant de la sortie j'offre mon sourire à toute l'assemblée de la boulangerie et m'exclame :

— Excellente journée à toutes et à tous.

Seul un long silence me répond.

La vache, le froid a dû geler leurs bonnes manières.

Je passe les portes quand un vent glacial me gifle violemment, je resserre les pans de mon manteau. Mes cheveux dansent comme un bal effrénée au-dessus de ma tête. Je me précipite tête baissée dans la rue quand mon corps en percute un autre.

Je n'ai même pas le temps de relever la tête que je m'excuse de ma maladresse.

— Non mais ça va pas la tête ? Regardez où vous marchez !

Une vieille dame me hurle dessus en lançant ses bras en l'air dans tous les sens.

— Je suis sincèrement désolée.

La boîte de carton est un petit abimé, je prie pour que les viennoiseries soient intactes.

— Non mais vous êtes complètement folle !

Je m'en vais tête baissée, la laissant crier dans mon dos.

Au chaud dans l'habitacle de ma petite voiture, je pousse le chauffage au maximum, frottant mes mains rapidement entre elles pour redonner un peu de chaleur.

Mon estomac pousse un ralement sonore. La religieuse au café dans le petit carton jaune semble m'appeler. Une de plus ou une de moins, ma mère n'en saura rien.

J'ai décidé de lui rendre visite pour le dîner. Ces dernières semaines j'ai raté nos rendez-vous quotidiens, trop occupée à gérer les débris de mon couple. Je me sens mal de l'avoir laissée seule dans sa petite maison à Bloomfield, éloignée de moi. Je sais que je suis l'une des seules personnes qui vient encore vérifier si ma mère va bien. À vrai dire la seule. Elle pourrait tout aussi bien mourir seule dans son petit salon. Personne ne s'en rendrait compte. Mis à part moi, sa seule fille. Quelque part, j'en ai aussi la responsabilité, et ça m'effraie terriblement.

La trajectoire de nos étoilesWhere stories live. Discover now