Gabriel avait quitté le plateau en coup de vent, traversant les couloirs du studio à grandes enjambées, son visage fermé, son regard noir. Il arracha sa cravate d'un geste brusque, libérant également les premiers boutons de sa chemise, il étouffait. Chaque pas résonnait comme un avertissement pour quiconque aurait eu l'audace de l'approcher.
Il atteignit enfin sa loge et en claqua violemment la porte derrière lui. Le bruit résonna dans le couloir, attirant l'attention de Valéry, restée non loin. Celle-ci avait esquissé un pas vers la porte, mais le regard incendiaire de Gabriel l'avait stoppée net. Pas un mot. L'ordre était clair : qu'on lui foute la paix.
Adossé à la porte, Gabriel ferma les yeux et tenta de respirer. Impossible. L'air était trop lourd, ou peut-être était-ce sa poitrine qui comprimait tout. Il entendait encore les voix du débat, ces échanges âpres et vides, cette foutue poignée de main qu'il n'aurait jamais dû tendre. Chaque détail ressurgissait, plus irritant encore que le précédent.
C'était quoi ce bordel ?
Après quelques instants, son souffle devint légèrement plus régulier. Il ouvrit les yeux et se précipita en direction du lavabo.
Après quelques instants, son souffle devint moins chaotique, presque normal. D'un geste vif, Gabriel se dirigea vers le lavabo. Ses mains tremblaient encore lorsqu'il ouvrit le robinet à fond, l'eau éclaboussant le métal et le carrelage. Il s'aspergea le visage, encore et encore, l'eau froide claquant sur sa peau, dégoulinant sur sa chemise blanche, éclaboussant le sol. Les mains agrippées au rebord du lavabo, il serra les dents.
Calme-toi. Tu es Premier ministre. Tu as gagné. Tu as... Mais non, ce n'était pas une victoire. Pas une victoire totale, comme il aurait aimé.
Il redressa enfin la tête, croisant son reflet dans le miroir. Une goutte d'eau glissa de son menton, tombant lourdement dans le lavabo. Ses propres traits lui renvoyaient quelque chose qu'il ne voulait pas voir : l'écho d'un homme en pleine redescente. Troublé.
Les effets du gin commençaient à se dissiper, laissant derrière eux un espace vide où l'intensité brute du débat se déversait comme une marée montante. Tout lui revenait en pleine face, plus vif, plus cruel. Les mots de Bardella, ses regards, ses sourires narquois, tout.
Il passa une main tremblante dans ses cheveux, ébouriffant ses boucles déjà humides, puis se détourna brusquement du miroir.
Son regard tomba alors sur une bouteille de champagne posée sur la petite table d'appoint près du canapé. Un rituel. Une coupe après chaque victoire, un truc qu'il partageait avec Valéry depuis leurs années de militants étudiants. À l'époque, il s'agissait plutôt de bières bon marché, bues sur le coin d'une table en riant de leurs triomphes naïfs. Le standing avait augmenté, mais le principe restait le même.
Sans réfléchir, il se dirigea vers la bouteille. Ses doigts agiles enlevèrent rapidement l'aluminium et déroulèrent l'acier entortillé. Le bouchon sauta avec un « pop » net. Gabriel chercha des yeux une coupe, mais n'en trouva aucune. Il haussa les épaules, l'exaspération cédant à un besoin plus urgent.
Il porta directement la bouteille à ses lèvres et avala une première gorgée. La fraîcheur pétillante explosa sur sa langue, dissipant brièvement le feu qui lui rongeait la poitrine.
Ça lui fit un bien fou. Vous savez, cette sensation de retour à la légèreté, la remontée après la descente, un peu trop violente. Un instant où le monde semble se détendre autour de vous, une brève illusion de calme avant que la réalité ne vienne vous rattraper. Il prit une deuxième gorgée, puis une troisième, les effluves d'alcool enivrants doucement sa conscience.
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À leur propre jeu
ФанфикDeux hommes politiques se trouvent pris dans un tourbillon de scandales et de manigances politiques. Parviendront-ils à résister à leurs propres jeux de pouvoir ?