Cette histoire racontait leur apparition la plus connue. Mais, chacun de ces jeunes gens ont une histoire bien à eux et, parfois, elle est des plus tragiques. Penchons-nous maintenant du côté de Bonnō, le jeune homme élu par la luxure. Voici à présent l'histoire de son enfance :
« J'ai mal... j'ai mal... j'ai mal... »
Le jeune homme répétait cette phrase depuis tant d'années que désormais, elle tournait en rond dans son esprit. Ce pauvre adolescent avait désormais 20 ans et il était toujours traité comme un animal. Comme lors de ses premières années dans cette maison. La gifle retentit encore une fois, sèche et rapide. Depuis 15 ans qu'il était au service de cette famille de riches, une famille sans respect envers les autres. Une famille qui le traitait comme un chien.
« Relève toi ! Tout de suite ! Est-ce que tu m'entends, sale fils de... »
Bonnō n'entendit pas la suite de la phrase. La douleur était insupportable. Ce jeune homme n'était qu'une créature misérable, fils d'une prostituée et du maître d'une famille importante qui a été recueilli par ce dernier comme domestique après la mort de sa mère. Il se faisait frapper sans relâche par sa belle-mère et ses demi-frères et demi-sœurs, si bien qu'il voyait flou d'un œil. Mais, personne n'avait remarqué, bien évidemment. Qui se soucierait d'un enfant illégitime ?
- Ça suffit ! Il va finir par y rester si tu continues ! Alors, calme-toi, petit frère !
-Mais ! Il a osé me demander la permission d'aller se reposer ! Alors qu'il ne fait quasiment rien !
C'est faux pensait le jeune homme. Je fais beaucoup plus de travail que vous ne l'imaginez. Les domestiques s'attribuent le mérite de mon travail, voilà tout...
- Petit frère, je sais ce que tu ressens mais tu dois en rester là pour aujourd'hui. Il ne tient presque plus debout ! Et franchement, je doute que les domestiques acceptent de le transporter jusqu'à sa chambre... alors, reste-en là.
-Très bien...
Bonnō se releva en tremblant et il se hâta de sortir de la pièce. Il courut de toutes ses forces jusqu'à sa « chambre » (qui était en fait le grenier) et il ferma la porte à double tour avant de s'écrouler sur le lit étroit.
Quand cette vie va-t-elle enfin cesser ?
Ça faisait longtemps qu'il ne se posait plus la question. Il avait renoncé à mener une vie heureuse depuis bon nombre d'années, maintenant. En plus de sa vie malheureuse, Bonnō avait aussi une apparence assez singulière : des cheveux violets clairs et des yeux mauves, ainsi qu'un visage assez féminin.
Si cette famille ne me considère plus comme « utile », je risque de finir entre les mains d'un pervers richard. Tout ça à cause de mon apparence... c'est assez triste quand on y pense.
Bonnō jeta un coup d'œil dans la rue en contrebas. Il vit encore une fois cette jeune fille aux longs cheveux écarlates. Tous les jours, à 20 heures, elle sortait de ce café en trombe, comme si elle était en retard.
J'aimerais bien aller la voir un jour. Peut-être a-t-elle un frère ou une sœur ? Peut-être a-t-elle une mère et un père ? Elle doit avoir 19 ans, tout au plus. Elle va sûrement encore au lycée. Moi aussi, j'aurais aimé y aller.
Le jeune homme voyait la pluie tomber doucement sur les carreaux. Le bruit des gouttes était régulier sur le toit et la terre se trempait au fur-et-à-mesure. Il soupira doucement.
Comme si j'avais l'occasion d'aller la voir ! Je suis ridicule... j'ai beau savoir lire, écrire et compter, je ne saurais pas me débrouiller dehors. Je n'ai pas fait d'études, je ne suis pas allé au lycée alors, je ne pourrais jamais trouver de petit boulot ou quoi que ce soit !
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