Je tiens du bout de mes doigts mon chapeau orné d'un magnifique ruban bleu aux rayures blanches pour qui ne s'envole avec ce vent au parfum salé et humide.
Mes cheveux roux se soulèvent légèrement à chacune des bourrasques petites à petites puissantes. Mon pied nu s'enfonce dans le sable tiède pour m'approcher de cette grande étendue d'eau qui a pour nom l'océan.
Mon regard devient vaguement vellicho mélangé avec un brin de tristesse : c'était égaré dans mes songes que j'observais ce paysage comme figé dans le temps pendant quelques secondes pour me remémorer une certaine histoire engloutie dans les vagues.
Je n'entendais pas les légers bruissements de pas se rapprochant près de moi. Je ne me retournai pas vers cette présence en sachant déjà l'identité de celle-ci.
— Adrien, que fais-tu là ? Demanda-t-elle d'une voix teintée de méfiance envers cet homme qui avait toujours détenu son cœur entre ses mains pour qu'à la fin, il finisse par être broyé par lui-même pour réduire son amour en miettes.
— Tu es toujours aussi nyctophilie. Je savais que tu serais ici, tu aimes cet endroit pour t'isoler du monde qui t'entoure. Pourquoi as-tu fait tes bagages à la cohabitation ? Demanda-t-il en me fixant de son regard d'un vert intense.
Cela m'a toujours mise mal à l'aise parce qu'il me donne à chaque fois l'impression qu'il peut lire mon âme comme un livre ouvert.
Je ne disait rien, submergé par ma contemplation du paysage, qui lentement s'assombrissait pour accueillir la nuit avec une douce frise d'air frais.
Je me baissais pour m'asseoir en tailleur sans perdre de vue le phare placé sur la plus haute falaise.
C'était là-bas qu'elle avait rencontré Adrien pour la première fois pour le consoler, car son animal de compagnie prénommé Grippy avait été castré et le pauvre avait bien eu peur de le perdre ce petit chat de gouttière aussi mal élevé que lui-même.
Cela remontait à longtemps, pourtant il n'avait jamais pardonné à ses parents cet acte d'une telle cruauté. Heureusement, Grippy n'avait pas été trop traumatisé par ce petit moment marquant.
Un léger sourire flotte sur ses lèvres, car c'était à ce moment précis que lui et elle étaient devenus meilleurs amis, comme si cela était écrit depuis bien longtemps dans leur destinée. Hélas, rien ne l'avait mise en garde qu'un beau jour, ses sentiments allaient évoluer.
Comme une chenille pour devenir un magnifique papillon pour ce jeune homme brun aux regards de braise qui allait la faire tomber follement amoureuse, au risque de se brûler les ailes.
Si seulement j'avais pu prédire cela, peut-être qu'aujourd'hui son cœur serait encore entier. J'étais une jeune femme de nature timide, toujours en retrait avec les autres. Sauf lui, parce qu'il se complétait comme des morceaux de puzzle en un seul regard, il comprenait, mais ça, c'était avant l'arrivée de Lilas.
Celle-ci avait bouleversé sa vie d'une manière qu'elle ne s'attendait absolument pas. D'un claquement de doigt, Adrien avait été happé par les filets de cette sublime étudiante à la beauté pure d'une sirène envoûtante. Je n'avait eu aucune chance de remporter ce duel en espérant d'être choisie par celui que j'aimais en secret.
— J'ai pris un billet d'avion pour demain soir, murmura-t-elle en mordillant sa lèvre inférieure nerveusement par crainte de la réaction d'Adrien.
Celui-ci l'observait avec un air hébété collé à son visage bronze aussi beau qu'un demi-dieu. Sa bouche était entrouverte pendant une seconde avant d'éclater d'un rire contagieux jusqu'à même qu'il se pliât en deux.