Amour #1

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Ma journée aurait pu être banale. Elle aurait pu être comme toutes les autres. Elle aurait pu être horrible aussi. Mais aujourd'hui elle a décidé d'être intéressante. Intéressante parce que je l'ai vu, lui. Dans cette journée banale et morose que j'arbore en tant que serveuse dans ce bon vieux McDonald's, il venait de faire irruption tel un rai de lumière au fond d'une cave. Au début, je n'y ai pas cru. Et pourtant, c'était bien lui: David, l'homme de mes rêves, l'homme que je convoite depuis maintenant trois ans. Son allure de surfeur californien m'émerveille chaque jour un peu plus. Il faut dire qu'avec sa soyeuse chevelure châtain-doré coiffée en bataille et ses grands yeux verts, il en faisait tomber plus d'une. J'aime son sourire, révélant deux profondes fossettes ancrées dans ses joues aux mâchoires carrées. Sa belle carrure se révèle derrière ce t-shirt trop petit et trop serré pour son torse musclé tandis que celui-ci est surmonté d'un blouson dont j'aimerais en palper le cuir - et pas que ça.

Il s'avance dans ma direction d'un pas hésitant. Peut-être ne m'a-t-il pas reconnue ? Chaque pas qu'il engage est un à-coup de plus de la part mon palpitant déjà bien chamboulé. Je dois peut-être venir prendre sa commande par moi-même ? Les clients aiment ça quand les serveurs viennent d'eux-mêmes, non ? Et puis, il me reconnaîtra et verra l'assurance et le professionnalisme dont je fais preuve. Voilà des arguments qui ne font que m'inciter à le faire. Je m'avance donc d'un pas alerte dans sa direction et lui décoche mon plus beau sourire, espérant au fond de moi qu'aucun bout de salade n'ait élu domicile dans ma bouche. Je n'ai pas mangé de salade ce midi, prends ça dans ta face, bout de salade de mes deux ! Oui, j'insulte des salades dans ma tête parfois - j'ai eu une mauvaise expérience avec ça par le passé, longue histoire, bref... Il me retourne mon sourire, ce qui a le don de me faire rougir. On dirait qu'il ne m'a pas reconnue, mais comme ce n'est pas le moment de songer à quoi que ce soit, je prends mon air sérieux - mais pas trop quand même - puis lui demande professionnellement: "Tu désires ?"

M'attendant à ce qu'il me déballe le menu, c'est ahurie que j'ai pu l'entendre dire: "Ce que je désire ? Toi, rien que toi." Je n'ai pas vraiment su quoi répondre sur le moment tant il venait de me surprendre. Je baisse alors les yeux comme une enfant et mets ma main devant ma bouche pour y cacher mon sourire satisfait. Mon rêve est réellement en train de se réaliser, ce n'est pas croyable. Je sens sa main prendre celle qui couvre la moitié de mon visage, puis de l'autre, il me lève le menton pour que je le regarde dans les yeux. "A quoi tu t'attendais ? Je te veux et je t'ai toujours voulue Charlotte, déclare-t-il d'une voix qui se veut chaleureuse.
- C'est... c'est vrai ? bafouillé-je raidie et intimidée par ce soudain aveu.
- Je te veux, tout de suite.
- Tu... tu me veux ? répété-je maladroitement.
- Oui."

Il s'approche de moi dangereusement et me fait perdre tout contrôle de moi-même. Si j'avais su ce matin qu'une telle situation se produirait dans la journée, je n'aurais pas attendu une seconde de plus pour m'épiler et assortir mes sous-vêtements. Alors que mes yeux ne quittent plus les siens, je me rends compte que ses lèvres ne sont qu'à quelques centimètres des miennes. Il me tire vers lui et passe ses mains au creux de mes reins. Ainsi mon corps se retrouve littéralement collé au sien. Je suis perturbée par cette proximité, mais il en profite pour me souffler à l'oreille: "Je te désire comme personne." Évidemment, je suis tellement déstabilisée que je me contente de répéter bêtement sa phrase comme une litanie: "Tu me désires ? Tu me désires ? Tu me désires ?" Je le vois hocher la tête et m'embrasser aussitôt. Je suis alors dans un état comme pas possible. Moi qui embrasse David ? Jamais je ne l'aurais imaginé. Je ferme les yeux et me laisse emporter par ce baiser unique.

Un "pardon ?" émane soudainement de sa voix avec une incrédulité plus qu'apparente. Je secoue la tête et le vois face à moi, se tenant non plus collé à moi mais au moins à un mètre. Il cligne rapidement des yeux et affiche une mine incompréhensive quoique légèrement amusée. Je viens de comprendre... Tout cela n'était qu'un rêve, ou plutôt un fantasme. A cet instant, j'ai juste envie de partir et me cacher dans un gouffre pour y pleurer pendant environ cent ans mais je ne peux pas. Je ne sais même pas ce que j'ai pu dire mais j'ai bien vu que je venais de soulever des interrogations en lui. S'il savait... Croyant qu'il ne m'a pas entendu, je décide de répéter machinalement ma question: "Tu me désires ?"

Mais qu'est-ce que... merde. Je viens de faire la pire bourde du siècle. Je me suis grillée devant lui. Même s'il se met à ricaner, je me sens trop mal. Trop mal pour faire face à cette situation gênante. Il faut vite que je trouve une parade, une solution, enfin un truc pour me sortir de là quoi. Pars d'ici Charlotte, pars. Tout de suite. La voix dans ma tête a eu raison de moi: je suis partie en courant.

Il était une fois... VDM.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant