CHAPITRE 3 - Le voleur de chaussures

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La plage est déjà noire de monde quand Emery et moi arrivons au point de rendez-vous envoyé par Sullivan.

– Je ne suis vraiment pas sûre que ça soit une bonne idée.

Je m'agrippe un peu plus fort au bras d'Emery en essayant de rester calme et de faire abstraction du nombre de personnes qui augmente un peu plus à chaque seconde.
Intérieurement, je sais que ce n'est qu'un petit concert en bord de plage et qu'il n'y a pas de quoi en faire tout un plat.
Mais malgré moi, je ne peux m'empêcher de penser à tout ce qui pourrait déraper le temps de cette soirée. Je veux dire, quand je suis dans les parages, la probabilité que les choses ne se déroulent pas comme prévu est multipliée par dix.

– Sans vouloir te vexer, Willa, ta version d'une bonne idée consiste à rester chez toi avec un livre et un plaid. Moi, je vois une merveilleuse soirée en perspective, et il est hors de question que tu passes à côté.

Elle semble tellement sûre d'elle et dans son élément qu'il est difficile de ne pas la croire alors qu'elle m'entraîne dans la foule à la recherche du photographe de la soirée.

– Et arrête de tirer sur ta robe, tu vas finir par la déchirer !

Je lui lance un sourire désolée tout en essayant de ne pas rentrer dans les gens qui m'entourent, criant et buvant dans des gobelets en plastique.
Pour ma défense, je ne me suis jamais préparée pour des événements tels que des concerts. Le maquillage et les tenues extravagantes, ce n'est pas du tout mon truc.
Emery s'est donc mise en tête de le faire pour moi.
Les ondulations dans mes cheveux, la fine robe rose pailletée et le gloss sur mes lèvres : tout ça, c'est l'œuvre sur laquelle elle a travaillé près de deux heures dès que nous avons mis un pied chez moi.
Lorsque j'ai vu mon reflet dans la glace, je me suis trouvée... différente. Je ne dis pas que ce style ne me plaît pas ; à vrai dire, il me va même plutôt bien. Mais je me sens simplement mal à l'aise dans ces vêtements qui me rendent trop visible aux yeux des autres.
Mon seul réconfort se trouve dans les tennis qu'Emery m'a laissé porter à contre-coeur.

– On ne peut pas simplement regarder un film à la maison ? insisté-je. Je sais comment finit ce genre de soirée quand j'y suis, et c'est rarement beau à voir.
– Je me demande bien comment tu le sais étant donné que tu n'assistes jamais à ce genre de soirée,
lance-t-elle en s'arrêtant brusquement dans la foule pour me faire face. Est-ce qu'écouter de la bonne musique entre amis et rentrer tranquillement après avoir bu un verre ou deux te semble si horrible que ça ?
– Non, mais -
– Il n'y a pas de mais, alors,
me coupe-t-elle avec un sourire satisfait. Je serai à tes côtés toute la soirée, qu'est-ce qui peut bien t'arriver ? Hormis t'amuser et passer un peu de temps avec le garçon qui t'a invitée, j'entends.

Elle marque un point.
J'ai toujours souhaité passer plus de temps avec Sullivan, et maintenant que l'occasion s'y prête, je ne pense qu'à rentrer.
Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?
Peut-être qu'elle a raison. Peut-être que j'exagère trop et qu'au final, je vais finir par apprécier ce concert. Tout ce que j'ai à faire, c'est me fondre dans le décor, trouver un endroit où m'asseoir et ne pas en bouger.
Je pourrais même en profiter pour essayer de me rapprocher de Sullivan...

– Si jamais il se passe quelque chose, je te tiendrai pour responsable et jetterai à l'eau toute ta peinture, la menacé-je.
– Oui, oui, si tu veux, répond-elle avec un geste de la main. Maintenant, je ne veux plus t'entendre prononcer le mot "maison" ou "rentrer" avant la fin de la soirée, compris ?
– Est-ce que j'ai vraiment le choix ? marmonné-je en me remettant en route, résignée.

Je ne sais même pas comment Emery arrive à se repérer dans ce labyrinthe de corps en mouvement. La musique est déjà assourdissante, des odeurs allant des parfums fruités à la sueur me font grimacer, et comme si ce n'était pas suffisant, je manque de tomber à chaque pas que je fais dans le sable.
Heureusement pour moi, Sullivan semble avoir senti ma détresse et venir à ma rescousse lorsque j'entends sa voix grave crier :

Tidal WaveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant