Chapitre 1 - Marcy

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- Non mais c'est pas possible !

Le front appuyé contre le volant, je tourne la clé une énième fois dans le contact. La voiture toussote, crache un peu, mais refuse obstinément de démarrer. Je retire la clé d'un mouvement rageur et m'affale contre le siège. Réfléchir, vite, avant que le rendez-vous avec Mademoiselle Je-veux-un-mariage-de-princesse ne se transforme en rendez-vous manqué.

Josh est déjà parti au bureau. Je ne peux donc pas lui demander de venir à la rescousse. Je suis à bout de nerfs, tripotant nerveusement la clé comme une balle anti-stress. De ma main libre, je m'empare du portable méticuleusement rangé dans mon sac. Après avoir laissé la clé tomber sur mes genoux, je pianote sur l'écran pour trouver le numéro de mon fiancé. Trois appels plus tard, tous envoyés directement à la messagerie, je me rends à l'évidence que je suis seule face à mes ennuis. Je dois donc choisir : appeler un Uber ou braver les transports en commun ? L'idée de monter dans un bus ou un métro m'est insupportable. Ils sont bien trop souvent bondés et les passagers semblent toujours prendre un malin plaisir à toucher tout ce qui les entourent. Les Uber ne se bousculent pas dans mon quartier un peu excentré. Les courses y sont probablement moins nombreuses qu'au centre-ville. Un rapide coup d'œil à l'application me confirme que le seul chauffeur disponible ne le sera que dans une demi-heure, ce qui est bien trop tard pour arriver à temps au rendez-vous.

Je m'évertue à me rappeler les conseils du Dr. Lockards, qui m'ont parfois sauvé la mise à la fac. Prendre la situation comme elle vient. Je ne suis pas responsable de ce qui m'arrive, mais de ma manière d'y réagir.

Je ferme les yeux quelques secondes, imaginant les différentes options qui s'offrent à moi en essayant de ne pas céder à la panique qui me submerge. Soudain, un éclair de génie me traverse et me pousse à rapidement cliquer sur l'icône de l'application de covoiturage que Josh m'avait installée, l'année dernière. Je repère immédiatement une voiture disponible à un kilomètre de chez moi, qui part dans dix minutes. La chance est avec moi ! Si je me dépêche, ça peut le faire. Ça doit le faire ! Je suis tellement stressée que je réserve le trajet en deux clics avant de bondir hors de ma voiture, à peine le temps de la verrouiller, et je me mets à courir en direction du lieu de rendez-vous.

Quand j'y arrive, je suis en nage. Mon sac pèse une tonne et je lutte pour reprendre mon souffle. La Prius noire indiquée par l'application est garée le long du trottoir et semble attendre ses passagers. Lorsque j'arrive à sa hauteur, je fais un petit signe au chauffeur en lui présentant l'écran de mon portable pour lui indiquer que je suis la passagère qu'il attend.

- Bonjour mademoiselle, commence-t-il après avoir ouvert sa portière. Je me charge de votre sac ?

Instinctivement, je le resserre contre moi, comme s'il allait tenter de voler mon déjeuner. Il m'adresse un regard interloqué, tandis que j'essaie de reprendre contenance.

- Je vais juste monter, l'informé-je alors qu'il s'approche en même temps que moi de l'arrière de la voiture.

Une fois installée sur la banquette, le sac toujours serré contre moi, je ne peux m'empêcher de faire une inspection rapide de l'habitacle. Pas de canettes ou bouteilles usagées. Tout semble en ordre. Je lui attribuerai une étoile de plus, rien que pour ça !

- Il ne devrait pas tarder, mettez-vous à l'aise, annonce le chauffeur aux cheveux blonds en reprenant place derrière le volant.

Je lui adresse un maigre sourire dans le rétroviseur et vérifie l'heure sur mon portable. Nous devrions démarrer dans deux minutes. Le trajet jusqu'à Oxford Street devrait prendre une vingtaine de minutes, ce qui me laissera tout juste assez de temps pour arriver à mon rendez-vous. Ça devrait le faire. Ça doit le faire, merde.

Après un nouveau coup d'œil sur l'écran, je constate qu'il ne reste plus qu'une minute à l'autre passager pour nous rejoindre. J'espère qu'il prendra place à l'avant pour me laisser tout l'espace dont j'ai besoin à cet instant. Notre chauffeur, lui, semble plus intéressé par les stupides interventions de l'animateur radio que part les minutes qui s'égrainent rapidement. Le regard fixé sur sa nuque, j'aperçois de temps à autre ses épaules se lever au rythme de ses ricanements. Je regarde l'heure à nouveau. Nous devrions déjà être partis, et il n'est toujours pas là.

- Vous pensez que nous arriverons avant neuf heures en ville ? demandé-je, inquiète.
- Ne vous inquiétez pas, mademoiselle.

Je ravale mon agacement en fermant les yeux pour tenter d'ignorer les minutes qui défilent, mais une de mes jambes s'agite frénétiquement, comme si elle essayait d'échapper à l'angoisse. Comment peut-on réserver un covoiturage et se retrouver dans une situation où l'on ne peut pas partir à l'heure ?

Toujours en essayant de me convaincre que ça pourrait le faire, je finis par me mettre en quête du second passager. Mes yeux se baladent à travers les vitres, à gauche, puis à droite, devant, puis derrière, mais la rue est déserte.

- Il y a un délai après lequel on part sans l'autre passager ?
- Quinze minutes, mais il n'est jamais à l'heure. J'ai l'habitude.

Il me lance un regard rassurant via le rétroviseur, mais sa remarque ne me décroche pas un sourire. Il se racle finalement la gorge, puis fait un geste vers le pare-brise.

- Ne vous inquiétez pas, le voilà.

Je suis son indication du regard, m'attendant à voir débarquer un homme pressé et en sueur, mais la vision que l'autre passager m'offre met ma patience à rude épreuve. Le gars au cheveux foncés avance doucement sur le trottoir, un étui de guitare à l'épaule. Il lambine, comme s'il faisait une balade dominicale. Je serre nerveusement la lanière de mon sac en l'observant avancer lentement - très lentement - vers la Prius. Le blond ne sort pas pour l'accueillir, et je suis à deux doigts de bondir hors du véhicule pour pousser le second passager à l'intérieur.

Lorsqu'il ouvre finalement la portière arrière, prêt à jeter sa guitare sur la banquette, il se fige en me voyant. Il est clair qu'il ne s'attendait pas à découvrir une petite brune aux joues rougies à cet endroit. Je me racle la gorge, comme s'il n'avait pas déjà remarqué ma présence, et détourne le regard vers la vitre opposée. Je m'attends à ce qu'il referme la porte, mais l'étui vient me heurter la hanche. Je jette un coup d'oeil à la housse à ma gauche, puis à son propriétaire qui m'adresse un sourire provocateur avant de pousser l'objet encombrant plus loin sur la banquette, m'écrasant entre celui-ci et la portière à ma droite. Il nous rejoint dans l'habitacle en s'installant à l'avant et son odeur masculine envahit la voiture. En trois secondes, ce mec est partout autour de moi. Il s'affale sur le siège et pose une de ses bottes sur le tableau de bord. Il n'a vraiment aucune manière !

- Ceinture ! lance notre chauffeur, avec sérieux.

Je me débats pour boucler la mienne, non sans mal à cause de l'étui encombrant. Le brun, lui, marmonne quelque chose en espagnol, puis obtempère pendant que le chauffeur s'introduit dans la circulation. Douze minutes après l'heure prévue.

Trouble GameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant