Jour 10

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Ayden

Ma montagne est une femme. C'est ce que je me dis à chaque fois que j'entends mes pairs parler d'amour. Ma montagne est belle, avec des formes magnifiques. Elle m'attend sagement à la maison, prend soin de mon foyer et me manque à chaque fois que je suis loin d'elle. Elle s'habille des plus jolies robes en fonction des saisons, faisant pétiller mes yeux à chaque fois que je me lève pour la contempler.

Le problème étant que ma montagne abrite aujourd'hui une femme et que cette femme est une montagne. Abrupte, inaccessible et froide. Cette montagne est chiante autant qu'elle est imprévisible et tandis que je rejoins la première, je croise les doigts pour ne pas trouver la seconde crevée quelque part dans la neige.

Élise est une montagne de problèmes.

Mes putains de problèmes.

Cette vérité me fout en rogne. J'ai rien demandé. Je voulais pas avoir sa charge sur mes épaules, et encore moins sa présence chez moi. J'en suis rendu là, devant la porte de mon refuge, hésitant à l'ouvrir en craignant de retrouver le cadavre de cette connasse.

Je tends l'oreille, mon sac solidement pressé contre moi comme si je pouvais m'inquiéter du sort de cette ancienne espionne de mes couilles. C'est pourtant vrai. Je m'inquiète. Parce que j'ai fait une promesse et qu'elle doit vivre pendant encore presque une année.

J'ouvre la porte avec force. Elle claque contre le bois et me revient en pleine tête, à peine amortie par mon sac. Je jure, jette mes affaires au sol et entame l'inspection de mon chalet.

Au moins, ça ne sent pas le gaz – ni la mort.

L'entrée est vide tout comme le séjour. Les plaids sont pliés sur le canapé, la vaisselle sèche à gauche de l'évier aux côtés des torchons sagement rangés. Une bougie a été fraîchement soufflée sur la table basse et les rideaux sont tirés.

Il est un peu plus de vingt-deux heures. Le dernier message d'Elise date de plus d'une heure, elle me disait qu'elle serait déjà endormie quand je rentrerais.

Il y a différentes façons de s'endormir. Celle où l'on ne se réveille pas n'est pas la bonne, mais c'est le choix que fait Elise. J'en subirai pas les conséquences.

Je fais volte-face et grimpe les deux marches qui mènent à l'ancien dortoir, puis cours presque jusqu'à la chambre que je lui ai gentiment prêtée.

Arrivé devant sa porte, je ne fais pas de manière. Je ne toque pas, ne m'annonce pas, et j'ouvre.

Allongée dans son lit et bien vivante, Elise me fixe avec des yeux apeurés. Elle lâche sa liseuse, rabat la couette sur ses épaules et pousse un cri de surprise qui en dit long sur son instinct de survie. Tout le monde sait que le simple fait de s'emmitoufler dans une couette est la meilleure solution pour se protéger des monstres qui se cachent sous le lit. Pour ce qui est d'Elise, le monstre a depuis bien longtemps pris possession de son âme.

— T'es complètement taré, s'égosille-t-elle comme si c'était moi, l'intru.

Un coup d'œil dans sa chambre me rassure quant à ses intentions pour la soirée – aucun nœud coulant ne pend au plafond.

— T'as pas répondu à mon dernier message.

Je justifie ma névrose comme je peux avant d'apercevoir son téléphone face contre sol, au pied du lit en train de charger. Tout compte fait, je n'avais aucune raison de m'inquiéter. Je deviens aussi fou qu'elle, un cran au-dessus.

— Sérieusement ? 

— Quoi ? je l'agresse, piqué dans mon égo.

— T'es ce genre de mec ? Maniaque compulsif ?

366 joursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant