Love Choice (EN PAUSE)

19 | Réflection.

MAUD
Une heure plus tard, 1er novembre 2023. Los Angeles, État de Californie, États-Unis.

Les épées peuvent blesser et tuer, mais les mots vous poignardent et s'enfoncent dans la plaie, s'incrustent dans votre corps pour devenir des cadavres qu'on trimballera avec vous plus tard, tout en essayant de creuser et d'arracher leur squelette qui se cramponne à votre chair.

Le temps file à une vitesse vertigineuse, si bien que je ne réalise même pas que je me retrouve déjà devant chez moi. Mes pieds semblent avoir pesé lourdement sur l'accélérateur, à tel point que je ne serais pas étonnée de recevoir une contravention. Ils sont encore plus lourds en gravissant les marches de mon immeuble, une fois constaté que l'ascenseur est hors service.

Malgré cette fatigue palpable, ma tête est vide. Complètement vide. Toutes les pensées tumultueuses qui, habituellement, assaillent mon esprit, semblent s'être évanouies. Mon cerveau est un vaste trou noir, une immensité abyssale qui a perdu toute capacité à penser, à raisonner. Ma vie entière me semble n'être qu'un mensonge, et je suis trop fatiguée, trop épuisée pour en comprendre les raisons ou les origines. Il ne me reste que cette sensation accablante de trahison et cette amertume qui me ronge.

L'image que j'avais de mes parents s'effrite, se fissure à chaque instant. Eux, que je croyais connaître, ne sont qu'un tissu de mensonges tissé autour d'eux-mêmes. Et cette fausse image, cette illusion que je m'étais forgée, me laisse un goût amer, si prononcé que je sens presque l'acidité sur ma langue. Cette amertume est tellement encrée dans mon palais que l'envie de vomir me saisit violemment. Elle est si puissante que même respirer devient une épreuve. Je m'arrête, vacillante, et je m'assois maladroitement sur une des marches de l'escalier, les jambes tremblantes.

Mon souffle est saccadé, presque inexistant, et je me sens sur le point d'étouffer. À contre-cœur, mon esprit s'égare vers une image insoutenable : mes parents, leurs mains pleines de sang. La simple idée me coupe le souffle. Je suffoque. L'air qui parvient à pénétrer mes poumons brûle, rendant chaque inspiration plus douloureuse que la précédente. C'est à peine si je remarque les larmes qui inondent soudain mes joues, ruisselant sans retenue. Elles me montent aux yeux si rapidement que je distingue à peine les détecteurs de présence qui s'éteignent, plongeant la cage d'escalier dans l'obscurité, à l'exception de la pâle lumière de la lune qui filtre à travers une fenêtre ridiculement petite.

Il est clair désormais que je ne participerai jamais aux activités criminelles que mes parents ont normalisées, celles qu'ils ont érigées en règles d'or à travers leur organisation. Je reste leur fille, certes, mais je ne suis pas comme eux. Je ne partage pas leur morale. Je n'aurai jamais ce besoin de tuer, ce besoin de nourrir les âmes affamées par la drogue qu'ils distribuent. Du moins, c'est ce que je veux croire. Pourtant, je doute. Tout en moi doute.

Mon père et ma mère ont été tués. Leur vie, ôtée par un autre. Volontairement. Cette simple vérité change tout. Elle bouleverse ma perception, ébranle mes certitudes. Alors, j'hésite. J'ose hésiter, le cœur déchiré par cette hésitation. Puis, la rage, sourde, monte en moi, remplissant le vide émotionnel qui m'accable. Cette rage est si envahissante que mes larmes de peur et de désespoir se transforment soudain en larmes de colère. Une colère si intense que la saveur amère sur ma langue s'efface, ne laissant place qu'à une adrénaline brutale qui envahit chaque fibre de mon corps.

Je me redresse avec une énergie nouvelle, fouillant frénétiquement dans mon sac à main pour en sortir mon téléphone portable. Mes doigts tremblants peinent à le déverrouiller, mais finalement, je le colle à mon oreille. Trois tonalités retentissent avant qu'il ne décroche.

— Aaron ? dis-je d'une voix tremblante, si faible qu'elle semble étrangère à ma propre excitation.

Le silence s'installe de l'autre côté, mais je sais qu'il est là, qu'il m'écoute.