Chapitre 3 - Holly, J-J

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J-J, Chicago, 4 h 33

Je ne sais depuis combien de temps il me retient prisonnière dans ses bras. La portière est toujours ouverte, mais les sirènes de la police sont déjà loin et le silence est pesant. Un vide sonore qui me ronge et épuise mes réserves d'espoir. Je suis seule avec mon agresseur et, devant, il n'y a que l'inconnu qui semble m'ouvrir les bras. Mon cerveau s'embrouille : s'il veut quitter la ville, pourquoi ne me vole-t-il pas simplement mon véhicule ? Et pourquoi moi ? Je ne comprends pas comment il est entré dans ma camionnette sans que je m'en aperçoive. Depuis quand est-il caché ici ? Mon esprit tourne en rond, cherchant une réponse à ces questions alors que la terreur me paralyse. La pression contre ma joue s'allège, attirant mon attention. Je l'entends hésiter, avant de prononcer d'une voix étouffée par le tissu de sa cagoule :

— Je vais te relâcher... S'il te plaît, ne fais pas de geste brusque, j'ai vraiment pas envie de te tirer dessus. OK ?

La bouche toujours bâillonnée, je me contente de hocher frénétiquement la tête. Je veux juste qu'il me relâche. Je ne prendrai pas le risque de penser qu'il bluffe, mais quelque chose dans son ton me dit qu'il se réserve le droit de tirer qu'en dernier recours. Il m'ordonne de meretourner d'une voix plus douce. Je m'exécute, croise de nouveau son regard. À l'extérieur, le ciel a pris des tons plus bleutés tandis que le jour se lève. Sans me lâcher des yeux, à genoux, il glisse prudemment vers la portière. À cet instant, je sais que je devrais simplement me taire, ne pas provoquer sa colère et faire ce qu'il me dit. Mais un élan d'instinct de survie mal venu me fait pousser un hurlement. Mon « Au secours » résonne dans la rue avant que la portière ne claque violemment. Dans le noir, je me jette sur lui avec rage en hurlant et en le frappant de mes poings, ignorant totalement sa menace et son arme.

Je l'entends grogner, m'attraper fermement par le bras pour me repousser, mais je m'acharne sur lui. Ma force semble s'être décuplée. Mes poings frappent sa poitrine, son visage, tout ce qu'ils peuvent atteindre. Mes créations s'écrasent sur le plancher, les feuilles volent autour de nous dans un chaos aveugle. Mes cris et mes coups résonnent dans l'espace confiné de la camionnette, où l'odeur de la terre mouillée et des fleurs écrasées se mélange à celle de la peur et de la sueur.

— Arrête ! s'écrie-t-il, sa voix teintée de panique. Arrête ou je vais devoir te faire mal !

Mais ses paroles ne font qu'alimenter ma rage. Je suis lancée, complètement insensible aux conséquences de mes actes. Alors que je m'apprête une nouvelle fois à lui arracher sa cagoule, il me projette contre la paroi de la camionnette, son souffle court et rauque. Seule la lumière filtrant entre les deux sièges nous éclaire, mais il n'est qu'une ombre, beaucoup trop grande pour cet espace exigu. Beaucoup trop proche de moi. Le visage caché par la cagoule, je ne peux distinguer ses émotions, mais je sens sa détermination vaciller.

Ce sentiment est vite écarté lorsque je le vois esquisser un geste brusque. Malgré la pénombre, je n'ai pas de mal à distinguer le canon qu'il pointe vers moi. Un craquement assourdissant retentit alors qu'une balle traverse l'air. Mon cri de terreur s'harmonise avec le fracas du pot de fleurs qui éclate juste à côté de moi. Les morceaux de terre cuite volent en tous sens, mêlés à la terre et aux fleurs déchiquetées. La détonation fait trembler l'espace, m'assourdit. Acculée dans le coin à l'arrière du siège passager, j'ai le cœur au bord des lèvres. L'odeur de poudre, acide et métallique, me paralyse et me glace le sang.

Sa respiration est forte. Il s'approche de moi, je n'ose pas bouger ni émettre un son. Je suis persuadée que la prochaine balle sera pour moi. Il s'arrête, plonge son regard dans le mien. Ses doigts se resserrent sur la poignée de son arme qu'il met devant mes yeux. De son autre main, il saisit la culasse et la tire brusquement en arrière. Un cliquetis se fait entendre suivi d'un tintement lorsque la douille vide tombe sur la surface dure du plancher.

Dénuée de toute douceur ou d'avertissement, sa voix est cette fois froide et sans appel, confirmant ma crainte.

— La prochaine, c'est dans ton genou qu'elle se logera.

Comme pour illustrer son propos, un clic distinctif résonne lorsqu'une nouvelle cartouche est chambrée. J'avale ma salive et le fixe en silence. Il lève la main et vient attraper le sommet de sa cagoule pour tirer dessus. Son visage se révèle peu à peu. Les lignes contractées de sa mâchoire, sa barbe naissante, ses lèvres pincées. Mon cœur s'accélère. Il prend lui-même la décision de me révéler son visage, et ça ne peut rien présager de bon. Qu'il fasse une telle chose signifie qu'il ne compte pas me relâcher de sitôt.

En tout cas, pas vivante.

La redescente de l'adrénaline est sans pitié. Tout s'affaiblit en moi. Mes mains tremblent et je m'écroulerais si je n'étais pas déjà à genoux. Je le regarde, impuissante, retirer son masque. Ses yeux perçants me toisent avec calme et contrastent avec sa voix qui claque comme un fouet dans le silence matinal :

— Et maintenant, Holly, tu vas gentiment aller t'asseoir derrière le volant. 

Busted LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant