jet n°1

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Un appartement aux murs blancs. Un trois pièces volumineux. Chambre, cuisine-salle-à-manger-salon, salle de bain. La grande pièce. Ou comme le dirai Pansy : La Grande Pièce. Avec ce ton pompeux et moqueur, la langue qui claque contre le palet et la bouche qui s'ouvre en grand. Ce n'est pas très distingué dis comme cela, mais le verre de champagne dans la flûte à côté fait effet. Elle se dit grande dame, milady. Ça fait marrer Blaise à chaque fois. Il faut la voir cependant lors des réunions officielles du Ministère dans son fourreau noir, le crayon sous les yeux et le rouge sur les lèvres. La Grande Dame.

La grande pièce donc. Une cuisine noire, assez sombre mais un séjour très blanc, très lumineux. C'est l'effet baies vitrées ça. De grandes fenêtres qui donnent sur un beau balcon, quelques plantes, une table, deux chaises. Trois quand Blaise et Pansy décident de s'y installer l'été. Un salon très blanc donc, mais de jolis meubles marron, non pas crème mais plutôt chocolat. Un intérieur confortable, loin des artifices des salles de bal du Ministère et loin de l'ambiance austère du Manoir. Pas de lustre pendant, mais des petites lampes plutôt. Pas de grande bibliothèque sur plusieurs étages, une étagère seulement et des dizaines de bouquins laissés sur la table de chevet, table à manger, table de jardin, table du salon. Il aime lire. Beaucoup. Sur tout. Théo travaille dans une librairie, il lui donne parfois des ouvrages. Des invendus souvent. Comment pouvait-on avoir des invendus avec des produits qui ne se périment pas, cela restait un mystère pour lui. Il n'allait pas s'en plaindre cependant. Il avait une passion pour l'ancien, le racorni, le récupéré. Pas sur tout. Surtout pas sur les costumes. Mais les vieux bouquins, ça il aimait bien. Ne demandez pas quelle passion on pouvait avoir sur des pages jaunies et des coins abîmés, c'était quelque chose qui dépassait Pansy, elle et son appartement minimaliste, blanc, soigné, moderne, rangé. Blaise aurait bien compris cet intérêt pour le défraichi, mais il se trouve qu'il n'était pas grand lecteur. Sauf pour la page sport de La Gazette et ses plaidoyers. Il était avocat. Son livre le plus précieux se trouvait être le Code Civil. Tu n'imagines même pas combien il m'a couté Draco ! Ton édition spéciale à dix Gallions à côté de ça ne vaut pas plus qu'une Bièraubeurre au Chaudron Baveur. Ne rigole pas Pansy sinon je t'assomme avec. Et ça va faire mal.

Une salle de bain carrelée, dans des tons vert-bouteille et crème. Un peu spacieuse, avec baignoire et douche, un joli lavabo et d'élégantes plantes. Et la chambre. Simple. Il fallait ouvrir les placards pour comprendre où résidait l'argent. Un dressing qui comptait un nombre de costumes plus chers les uns que les autres. Un petit péché-mignon. Pansy avait rigolé quand il lui avait dit qu'il achetait un trois-pièce. Avec l'argent que tu as ? s'était-elle moquée. Un trois-pièces seulement ? Elle avait moins ri quand elle avait appris qu'il se situait dans le centre de Londres, dans un de ses immeubles anciens mais tellement chers, un petit parc à côté, vue sur ces arbres et leurs parterres de fleurs. Trois pièces mais un espace monstrueux pour une seule personne. Et tu vas écrire où ? avait-elle néanmoins noté. Dans ta salle de bain ? Il avait haussé les épaules. Il n'était pas un grand admirateur des bureaux. Trop administratifs. Il aimait griffonner dans sa cuisine, taper à l'ordinateur au soleil même si les reflets gênaient sa vision. Il aimait bien les blocs-notes et les journaux, les bouts de papier qui traînaient, les serviettes du restaurant et les papiers officiels à rendre. Il tentait néanmoins de se contenir depuis le jour où il avait écrit au dos d'un chèque. Gringotts n'avait pas apprécié et il avait dû encore une fois sortir le nom Malfoy. Le fameux nom des Malfoy...

Un imbécile avait titré au sortir de la guerre Mais que vont devenir les Malfoy ? S'en suivait un article de deux pages sur le procès, les condamnations, l'état de leur fortune, l'intervention d'Harry saleté de Potter et leur avenir dans le monde mondain. Il avait déchiré le journal en deux et s'était promis que la déchéance promise n'arriverait jamais. Ses parents étaient partis en France à ce temps, il ne les avait pas suivi. Il avait fait de brillantes études, de brillants contrats et de brillants contacts. Car il est très utile ma foi de connaître le Ministre de la Magie, les directeurs de quelques départements du Ministère, certains bons avocats -Blaise pour ne pas le nommer-, des descendants de fortunes aisées -terme policé pour signifier exorbitantes- et tout le beau monde que constituait les mondains. Il avait grimpé l'ascenseur social en quelques années seulement et désormais l'imbécile de La Gazette écrivait Le jeune mondain, un écrivain philanthrope.

Que vois-tu quand tu m'observes ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant