Au Fil du Temps [ BARDELLA X ATTAL ]

Ch17 : Reconstitution

I Bet On Losing Dogs
Mitski

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Le lendemain, le matin s’était installé doucement sur la ville, comme un voile apaisant après la tempête d'émotions de la veille. Jordan était encore allongé dans son lit, regardant le plafond sans vraiment le voir. Son esprit était ailleurs, traversé par des éclats de souvenirs qui remontaient à la surface, troublant son calme apparent. Chaque fragment ramené à la surface était une petite douleur, mais aussi une libération, une porte qui s’ouvrait vers quelque chose de plus grand, de plus profond.

Gabriel, déjà réveillé depuis un moment, était assis à une petite table dans le salon. Il pensait à Jordan avec une tendresse inquiète, incapable de deviner ce qui se passait dans sa tête, mais ressentant le poids de cette journée sur ses propres épaules. Le café qu'il tenait entre ses mains avait refroidi depuis longtemps, mais il n’avait pas bougé. Son attention entière était sur Jordan.

Jordan finit par se redresser lentement, ses gestes empreints de la lourdeur du réveil. Il se dirigea dans le salon laissa son regard errer sur la pièce avant de tomber sur Gabriel, et quelque chose en lui se noua. Il savait qu'il devait affronter ces souvenirs, mais une part de lui avait peur de ce qu'il pourrait découvrir.

- Salut, murmura-t-il, la voix encore enrouée de sommeil et d’émotions refoulées.

- Salut, bien dormi ? répondit doucement Gabriel, un sourire à peine perceptible aux lèvres.

Jordan haussa les épaules en signe d’incertitude. Comment pouvait-il bien dormir quand son esprit était un tourbillon incessant d’images, de sons, de sentiments qui revenaient en lui comme des vagues dans un océan de Souvenirs noyés ?

- Je… je me souviens de plus en plus de choses, avoua-t-il après un moment de silence. C’est flou encore, mais… c’est là. Ça remonte.

Gabriel ne dit rien, se contentant d’acquiescer lentement, laissant Jordan prendre le temps qu’il lui fallait pour mettre ses pensées en ordre. Il savait que ce n’était pas facile, que chaque souvenir qui revenait ramenait avec lui une douleur profonde. Mais il savait aussi que c’était nécessaire, que Jordan devait traverser cette épreuve pour se retrouver lui-même.

Jordan s'approcha enfin, traversant la pièce pour s'asseoir en face de Gabriel. Il prit une profonde inspiration, cherchant à organiser ses pensées. Chaque mot qu'il allait prononcer semblait lourd de sens.

- Je me souviens de nous, dit-il doucement. De comment tout a commencé, ici… dans cette ville, dans cette école. Je me souviens de notre amitié qui est devenue… tellement plus. De ces moments où on riait ensemble, où on se cachait pour être ensemble, loin de tout et de tout le monde.

Il s’arrêta un instant, les yeux rivés sur la table, luttant contre les larmes qui menaçaient de tomber.

- Mais je me souviens aussi… du reste, ajouta-t-il, sa voix se brisant légèrement. Des insultes… de la peur constante de se faire prendre, du regard des autres. Je me souviens de la douleur, Gabriel… de cette douleur qui nous a brisés.

Gabriel, assis face à lui, prit les mains de Jordan dans les siennes. Il sentit un frisson glacé courir le long de son échine. Ces mots, il les avait entendus dans sa propre tête tellement de fois. Il revivait encore chaque jour ces moments sombres, ces instants où ils avaient tout perdu. Mais entendre Jordan en parler à voix haute, revivre ces souvenirs à ses côtés, c'était une autre forme de douleur.

- Jordan, souffla-t-il, sa voix pleine de tendresse et de tristesse. Tu n’es pas seul, tu ne l’as jamais été. J’étais là avec toi, je l’ai vécu aussi… Et même quand tu n’étais plus là, tu étais toujours avec moi, dans mon cœur, dans mes pensées.