Chapitre 1 : Monster

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Alek

Ne laisse jamais un serpent
te mordre deux fois.

Encore une journée monotone qui commence, une de plus à traquer cette chimère que je ne trouverai probablement jamais. Je ne cesse de le répéter à Aaron, mais mes paroles semblent se perdre dans le vide. Obsédé par ses légendes sur l'Élue, il refuse d'entendre raison, m'obligeant à poursuivre cette fichue infiltration sans fin. Je suis coincé ici tant que je ne l'aurai pas trouvée. Franchement, ça commence à vraiment peser sur mes nerfs de traîner avec ces humains, si fragiles, si prévisibles. Et ce qui m'exaspère encore plus, ce sont les Élémentaires. Ces idiots se croient invincibles grâce à leurs dons, regardant tout le monde de haut, comme s'ils étaient des êtres supérieurs.

Mais ils apprennent vite, croyez-moi. Il suffit qu'ils essaient de jouer avec moi pour comprendre pourquoi on me surnomme "le monstre". Ils tombent de leur piédestal si vite que ça en devient presque comique.

Ma journée commence à huit heures, comme d'habitude. Mais, bien entendu, avant de rejoindre mon poste à la police, je fais mon rituel quotidien : un passage par l'organisation pour faire mon rapport à Aaron. Il aime que je sois précis, que je lui détaille chaque mouvement, chaque parole échangée, même si cela n'aboutit à rien de concret. Cette routine est devenue machinale, presque vide de sens pour moi.

En arrivant à mon bureau, mon regard est immédiatement attiré par une scène inhabituelle. Une jeune femme est assise près du bureau d'une de mes collègues. Elle a l'air bouleversée, complètement horrifiée. Ses mains tremblent encore, ses yeux sont écarquillés de peur, comme si elle venait de vivre le pire des cauchemars. D'où je suis, je peux voir sa chevelure mi-longue, d'un vert pastel, ondulée et entièrement décoiffée. Son t-shirt est en lambeaux, tellement déchiré qu'elle doit croiser ses bras pour éviter d'exposer davantage de peau.

Je me dirige vers mon bureau, mais quelque chose attire mon attention. Une marque sur son épaule, partiellement visible sous le tissu déchiré. Mon regard s'y accroche, et mon esprit commence à tourner. Ce symbole... il me dit quelque chose. C'est un signe que je connais, que j'ai déjà vu auparavant, mais où exactement ? Je sens mon intérêt s'éveiller, une étincelle de curiosité qui rompt la monotonie de ma journée.

Alors que je m'apprête à m'approcher pour en savoir plus, ma collègue revient vers la jeune femme. En me voyant observer l'inconnue, elle se place face à moi, cherchant à me détourner.

- Ce n'est rien d'intéressant pour toi... juste une simple agression, murmure-t-elle discrètement.

Mais je ne lui laisse même pas le temps de finir sa phrase. Ignorant son avertissement, je tire une chaise vers moi, la retourne, et m'y assois à califourchon, mes bras croisés sur le dossier, mes yeux fixés sur la jeune femme. Je prends le dossier pour avoir les informations sur la jeune femme en face de moi, mais rien est noté, je le jette sur le bureau en soupirant.

Je ne dis rien au début, me contentant de la scruter en silence, la mettant mal à l'aise sous mon regard perçant. Elle évite de me regarder, son malaise est palpable, elle se tortille sur sa chaise, gigotant sa jambe droite frénétiquement. Ses bras se serrent davantage autour de sa poitrine, tentant de maintenir ce qui reste de son t-shirt. Finalement, je brise le silence d'une voix froide, presque détachée.

- Quel est ton nom et prénom ?

Ma question la prend de court. Je vois son regard flancher, elle cherche une échappatoire, ses yeux balayent la pièce comme si elle cherchait désespérément une issue. La peur la ronge, je peux la sentir. Finalement, elle murmure, à peine audible, fixant obstinément ses pieds.

- J-Julia... Julia Wilston...

Son ton est tremblant, elle n'ose toujours pas me regarder. Je l'observe un instant, enregistrant chaque détail de son comportement, puis je me penche légèrement en avant, un sourire narquois étirant mes lèvres.

- Vous savez, mademoiselle Wilston... ce n'est pas bien de mentir à un policier.

La panique s'empare instantanément d'elle. Je peux entendre son cœur s'emballer, ses battements rapides résonnant presque dans l'air. Elle se lève précipitamment de sa chaise, son visage trahissant sa terreur, puis s'adresse à ma collègue avec une précipitation maladroite.

- Je... je ne porte pas plainte... Je dois y aller... désolée du dérangement...

Et sans un regard en arrière, elle se précipite vers la sortie, ses pas résonnant dans le silence qui suit. Ma collègue soupire, manifestement indifférente à cette fuite précipitée, ne faisant même pas mine de la retenir. Moi, en revanche, je reste immobile un instant, les yeux fixés sur la porte par laquelle l'inconnue vient de disparaître.

Je me lève lentement, prenant une profonde inspiration. Si cette fille est vraiment celle que je pense... je ne peux pas la laisser m'échapper. Pas maintenant. Pas après tout ce temps. Je m'avance calmement vers la sortie, prêt à poursuivre cette nouvelle piste. Parce que, finalement, il se pourrait bien que cette journée ne soit pas aussi ennuyeuse que je l'avais pensé.

Make me a MonsterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant