Thérapie supplémentaire

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(Ella)
Manhattan,15 heures.
E n vérité... je pense que vous avez raison. Mon corps... je ressentais comme un instinct de survie. Dès que ça commençait, je fermais les
yeux et je ne pensais plus à rien. J'en étais incapable, racon-tai-je, en réponse à ses questions. Au fil des mois, j'ai appris à compter les secondes, pour me rassurer, pour me dire qu'il allait bientôt finir... et partir.
J'étais assise sur le canapé en cuir bleu que je retrouvais deux ou trois fois par semaine chez mon thérapeute. Ça faisait maintenant près de sept mois que je venais chez Paul. Il m'avait été , recommandé par mon médecin, Cole. Ce dernier venait souvent me rendre visite pour vérifier mon état de santé. Il m'avait conseillé de prendre rendez-vous chez son ami en raison de mes terreurs nocturnes, chose que je n'avais faite qu'après mes cinq mois de résidence à New York, et contrainte par Kiara.
Elle se faisait du souci pour moi, même de loin.
— Et pendant toutes ces années je survivais, mon corps ne m'appartenait plus. Je n'étais plus à moi, j'étais à lui, expliquai-je à mon thérapeute, assis à côté sur sa chaise en / velours. J'étais à eux. J'étais comme une poupée, un robot à qui on dictait quoi faire. Je... J'étais vide.

Et aujourd'hui la discussion portait sur mes traumatismes et leur lien avec mes crises d'angoisse, qui étaient beaucoup plus violentes à mon réveil.
Depuis un an, tout était différent. Je n'avais plus aucun contrôle sur quoi que ce soit. Notamment mon esprit.
— Quand j'ai changé de vie, après John, je crois que... j'étais encore dans un cercle vicieux, mais sans vraiment l'être..
- Qu'est-ce que tu veux dire ? me demanda doucement Paul.
Je soupirai.
Il me demandait toujours des détails afin d'explorer mes angoisses, bien que je ne sois pas du genre à parler.
Je préférais de loin écouter. Mais ces séances m'aidaient à accepter mes blessures, à faire face à mes troubles de stress post-traumatique. seule.
— Je crois que... je me persuadais que je guérissais, que grâce à ce nouveau souffle qu'on m'accordait je pouvais reprendre une vie plus ou moins « normale »... loin de John.
Je me mis à rire jaune. Je me moquais de ma naïveté.
Comme il le faisait si souvent.
— Mon erreur est d'avoir placé le reste de mon cœur dans les mains d'un autre et d'avoir choisi un homme encore plus détruit que moi... en pensant qu'il m'aiderait.
Tout était sa faute.
— Parce que tu te sentais en sécurité avec lui ? m'interrogea mon thérapeute.
— Oui, soufflai-je en fermant les yeux. Je savais que mes traumatismes étaient nombreux à cause de John, simplement je ne les connaissais pas encore tous. Ils n'avaient pas eu l'occasion de faire entièrement surface.
Je me redressai face au quinquagénaire qui notait mes réponses.

— Maintenant que je suis seule, j'en ai vu tontes les facettes.
— Parce que tu ne te sens plus en sécurité ? me deman-da-t-il.
Je hochai la tête. Je n'avais encore jamais vécu seule, livrée à moi-mème dans une ville que je ne connaissais pas.
À devoir me fondre dans la masse en espérant que personne ne me remarque. Que personne ne vienne détruire la carapace que je m'étais créée depuis mon arrivée.
— Je ne me suis jamais sentie en sécurité en dehors de chez lui, répondis-je en haussant les épaules.
— Était-ce ce que tu ressentais ou seulement une idée que tu te faisais ?
Je le fixai, sans réellement connaître la réponse. Malgré tout, pour moi, c'était réel.
— C'est ce que je ressentais, confirmai-je. Je faisais des cauchemars chez lui également... mais pas de crises d'angoisse aussi violentes lorsque je revenais à moi.
— Est-ce que tu penses que c'est de ce manque de sécurité que découle ton besoin de vérifier systématiquement les portes et les fenêtres ?
J'acquiesçai, sûre de moi. Dans cette immense ville de plusieurs millions d'habitants, j'avais développé une « agoraphobie », et pour cause : être dans une ville bondée, seule, sans se sentir en sécurité n'était pas vraiment la meilleure partie de ma nouvelle vie.
J'avais été habituée à rester dans une maison, avec quelqu'un. Avec lui.
Ce sentiment de sécurité avait disparu en même temps que ces yeux gris que je n'avais plus revus. Ici, je vérifiais au moins six fois que la porte de chez moi était bien ver-rouillée, que les fenêtres étaient bien fermées et les rideaux bien tirés. Ça me rendait malade.

Captive 2 Sarah Rivens édition BMROù les histoires vivent. Découvrez maintenant