Chapitre 1

51 7 3
                                    

Ariane.

Aujourd'hui j'ai vingt ans. Aujourd'hui, je serai marquée à jamais afin que tout le monde sache à quelle classe sociale j'appartiens. Ce rituel, obligatoire depuis maintenant plus d'une décennie dans notre pays, marque un tournant dans la vie de chaque individu entrant dans l'âge adulte. Obligatoire, ce rituel est effectué à chaque vingtième anniversaire. Tout manquement à cette obligation est punissable par la loi. A quel point ? Je ne le sais pas vraiment. Dans notre famille, chaque personne attend ce jour avec impatience, afin de pouvoir exposer aux yeux de tous son appartenance sociale. Moi, je trouve tout cela totalement absurde.

- Ariane ! Ariane ! Où-es-tu bon sang ?

- J'arrive papa, deux minutes !

J'entends mon père monter les escaliers avec fureur. À vrai dire, je suis enfermée dans ma chambre depuis plus d'une heure. Je n'ai pas envie d'assister à cette cérémonie et encore moins d'en être la vedette. Il est 20h15, je devrais déjà être dans la salle de cérémonie depuis plus d'un quart d'heure. Mon père tambourine à la porte si fort, que j'ai l'impression que les gonds de la porte vont sauter. Je m'empresse de lui ouvrir, je n'ai même pas encore reculé derrière la porte que mon père débarque dans ma chambre.

- Je peux savoir ce que tu fais Ariane ? Tout le monde est en bas ! Arrête de me faire honte, pour une fois.

Voilà, une énième remontrance de mon père, qui s'indigne chaque jour un peu plus de ne pas avoir une deuxième fille parfaite. Ma sœur, Rebecca est ce que l'on pourrait qualifier de "fille modèle". Je suis l'extrême opposé d'elle, ce qui pour ainsi dire, désarçonne complètement mes parents, et surtout mon père. Il voudrait que je suive les traces de ma sœur, de 5 ans mon aînée, mais je suis sans nul doute, son extrême opposé.

- Désolée papa. J'arrive tout de suite.

- Passe devant moi, et fais-moi le plaisir de sourire, s'il te plaît. Fais au moins semblant.

Je lève les yeux au ciel discrètement, afin de ne pas l'irriter encore plus, et passe devant lui. J'aime mon père, mais je ne supporte plus les grands airs qu'il se donne. Mon père est le dirigeant de la plus grande entreprise pharmaceutique du pays, c'est donc un homme puissant. Il figure parmi les hommes les plus riches du pays. Je n'ai donc jamais manqué de rien, j'ai été élevé dans le luxe, la démesure, et à vingt ans, j'ai quasiment fait le tour du globe, car à chaque vacances mon père nous emmène dans un nouvel endroit. Une vie de rêve pour beaucoup, mais moi, je ne me sens pas à ma place. Tout est codifié, tout est règlementé. Je dois faire attention à chacune de mes paroles, chacun de mes gestes. Je n'ai pas le droit de m'adresser aux personnes ne faisant pas partie de notre classe sociale. En d'autres termes, je ne peux m'entourer de personne d'autre que des personnes arborant fièrement la marque de notre classe. Je suis prisonnière de mon statut et il en est de même pour toutes les personnes de notre rang.

Quand je descends les escaliers, j'aperçois une foule de monde dans la salle de réception. Toute ma famille est là, ainsi qu'une grande partie des plus grosses fortunes du pays, tous amis de mon père. Je ne peux m'empêcher de me retrouver émerveillée face au décor qui se dresse sous mes yeux. Une immense arche de fleurs a été dressée au milieu de la salle, d'où se dégage une douce et sensuelle odeur de jasmin, mélangée à la délicate odeur sucrée de la violette. En dessous de celle-ci, se trouve le fauteuil sur lequel je serai assise dans quelques heures. Revêtu d'un cuir noir lisse et légèrement brillant, il capte la lumière de manière délicate. Ce fauteuil, celui dans lequel je serai assise quand la marque sera gravée dans ma peau, semble murmurer une promesse éternelle. La promesse d'un avenir tout tracé. Face à cette arche, sont disposés des chaises en hêtre massif, délicatement ornées de feuilles d'or et parées d'une étoffe en soie. Au plafond, les lustres en cristal reflètent la lumière avec éclat. La beauté de cette salle m'émerveillera toujours, malgré ce que je pense de la situation. Quand la foule m'aperçoit, tout le monde clame mon nom et je me retrouve à saluer chaque personne qui se présente à moi.

L'Encre des InterditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant