Ariane.
Il est huit heures quand mon réveil sonne le lendemain. Il est coutume de prendre le petit déjeuné en famille le samedi matin. Même si cela ne m'enchante pas, je me lève, passe devant le miroir, et je ne peux m'empêcher de tendre le bras face au miroir. J'ai l'impression que je ne m'y ferais jamais. Je n'arrive pas à comprendre comment cette coutume grotesque, conditionnant le reste de notre vie, a pu voir le jour. Je reste bloquée face au miroir pendant cinq bonnes minutes, quand j'entends frapper à la porte.
- Entrez !
La porte s'ouvre sur Caden.
- Bien dormi ? me demande-t-il avec méfiance.
Mon frère sait que je ne suis pas matinale, encore moins le samedi matin. Je baille tout en lui répondant :
- Pas assez ! Allez, descendons avant que les parents ne viennent nous chercher, ou encore pire... que Rebecca ne vienne nous chercher !
Nous rigolons tous les deux et nous rejoignons la table, parfaitement dressée par ma mère. Un panier déborde de viennoiseries dorées : croissants croustillants, pains au chocolat fondants et chaussons aux pommes sucrés. Des tranches de baguettes encore tièdes attendent d'être tartinées de beurre et de confiture. Le parfum du café se mêle à l'arôme sucré du chocolat chaud, tandis que des verres de jus d'orange fraîchement pressé clôturent ce festin matinal. Je n'aime pas ces moments imposés en famille, mais il faut dire que j'en ai l'eau à la bouche.
- Bonjour Ariane, comment te sens-tu ce matin ? me demande ma mère.
- Je suis fatiguée. La soirée a été éprouvante hier et comme chacun sait autour de cette table, je ne suis pas ravie d'avoir ceci sur mon bras, dis-je en montrant la marque.
- Ariane, tu sais que...
- Inutile d'en parler, maman. De toute façon, ça n'y changera rien.
J'observe Rebecca du coin de l'œil, qui affiche un air totalement exaspéré. Mon père est au téléphone, certainement avec un client, comme à son habitude et Caden est trop occupé à s'empiffrer de croissants pour rebondir sur la discussion. Je me sers un verre de jus d'orange et le petit déjeuné se déroule comme à son habitude, rythmé par les appels de mon père, les « mange encore un peu » de ma mère, les pitreries de Caden et les regards assassins de Rebecca.
Il est midi quand je sors de la maison. Nous sommes le 22 octobre et il commence à faire de plus en plus froid. Les feuilles ont commencé à tomber et je prends la direction du café-librairie dans lequel j'aime me retrouver tous les samedi après-midi, en compagnie de Théa, mon amie d'enfance. Nous avons grandi dans le même monde toutes les deux, monde que nous détestons autant l'une que l'autre.
J'entre dans la librairie, le tintement cristallin du carillon retenti quand je vois Théa se retourner vers moi.
- Ari ! s'écrit Théa en me faisant de grands signes
- Théa ! dis-je en la prenant dans mes bras
- Comment vas-tu ? Alors, raconte-moi la soirée d'hier !
- Tu sais comment ça se passe... dis-je avec lassitude.
Théa a reçu la marque l'année dernière déjà. Je la vois diriger son regard vers mon bras et me regarder tristement.
- Ma sœur a été exécrable comme à son habitude, j'ai dû afficher un large sourire toute la soirée alors que ma seule envie était de prendre mes jambes à mon cou, et puis... la suite tu la connais, dis-je en lui tendant mon avant-bras.
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L'Encre des Interdits
RomantizmDans un futur proche où les tatouages sont non seulement des symboles personnels mais également de puissants marqueurs sociaux. Ariane, une jeune femme issue d'une famille riche et puissante, rencontre Ezio, un artiste tatoueur, militant contre le...