La Désirée du successeur

10 ◇ Sombre désir à Riccione

Saskia ajuste sa ceinture de sécurité tandis que le jet privé s'élève dans le ciel, laissant derrière lui les lumières scintillantes de Durham. Elle jette un coup d'œil rapide à Rohan, assis en face d'elle, déjà absorbé par son ordinateur portable. Il tape sur le clavier avec une dextérité qui la fascine presque. Ce garçon - non, cet homme, se corrige-t-elle mentalement - semble porter le poids du monde sur ses épaules, et pourtant, il ne montre jamais aucun signe de faiblesse.

Saskia lisse machinalement sa jupe crayon en soupirant. Elle n'est pas certaine d'avoir bien fait d'accepter ce poste. Être assistante interprète pour un jeune héritier d'une famille aussi influente qu'exigeante... Mon Dieu, a-t-elle prit la bonne décision ? Rohan n'est pas seulement son patron, il est aussi un perfectionniste qui, malgré son âge, a déjà un sens aigu des affaires. Parfois, la jeune femme se demande s'il sait seulement ce que c'est que d'avoir vingt ans.

- Vous soupirez encore, miss Kleyn, lui fait remarquer Rohan, les yeux toujours rivés sur l'écran, un sourire imperceptible aux lèvres.

Saskia sursaute légèrement, prise sur le fait.

- Désolée. Je réfléchissais, c'est tout.

Rohan relève enfin la tête, ses yeux d'un bleu profond fixant les siens. Il a ce regard qui semble toujours lire au-delà des mots.

- Vous réfléchissez beaucoup, vous ne trouvez pas ? Détendez vous un peu.

Saskia arque un sourcil.

- Vous êtes mal placé pour me donner un tel conseil.

Rohan sourit franchement cette fois, d'une manière désarmante.

- D'accord, point pour vous. Mais vous devriez vraiment essayer. Vous allez avoir besoin d'énergie en Italie. Ma cousine n'est pas... comment dire... reposante.

Saskia se détend légèrement et esquisse un sourire amusé. Le jet amorce une légère turbulence, et elle s'appuie contre le siège, les yeux commençant à s'alourdir. Peut-être qu'elle pourrait effectivement se détendre, ne serait-ce qu'un moment. Tandis que ses paupières se ferment doucement, elle entend Rohan murmurer quelque chose, mais son esprit n'est pas assez éveillée pour saisir les mots.

Rohan, lui, reste un instant immobile, observant Saskia s'endormir. Il se surprend à sourire doucement avant de reporter son attention sur son travail, même si ses pensées, elles, ne peuvent s'empêcher de revenir à la belle londonnienne.

Le jet privé est secoué par une énième turbulence, suffisamment puissante pour réveiller la jeune femme. Ce n'est qu'en ouvrant les yeux que Saskia réalise qu'elle s'était endormie. Ses paupières encore lourdes s'entrouvrent sur un Rohan plongé dans son travail. Il donne la réplique au téléphone avec une assurance presque mécanique, tout en vérifiant des données sur son ordinateur portable. Entre ses doigts, une feuille de papier couverte de chiffres, de phrases et de diagrammes semble détenir des secrets que seuls des magnats des affaires comme lui peuvent déchiffrer.

- Une dernière chose, Kate, peux-tu jeter un coup d'œil au budget de bienfaisance destiné à l'orphelinat de Liverpool ? J'ai une copie sous les yeux, mais les chiffres ne correspondent pas à ceux de l'année dernière.

- Je m'en occupe dans les plus brefs délais, monsieur.

- Merci, Kate.

Rohan met fin à l'appel, dépose son téléphone et accepte une tasse de café tendue par le steward, qui repart tout de suite. Il soupire en massant sa nuque fatiguée pour apercevoir du coin de l'œil, une Saskia qui, encore groggy, bâille en tentant de se redresser sur son siège.

- Bien dormi, Miss Kleyn ? demande-t-il sans détourner le regard de son écran. Vous vous réveillez juste à temps. Nous approchons de Riccione.

La jeune femme rougit, confuse. Elle bredouille des excuses et, pour se donner une contenance, plonge la main dans son sac à main à la recherche d'un miroir. Son visage encore légèrement endormi affiche une mine embarrassée lorsqu'elle remarque que son rouge à lèvres s'est étalé. Voulant corriger cette petite catastrophe, elle défait précipitamment sa ceinture, bien décidée à rejoindre les toilettes du jet.