Imaginary Friend [Sope - ...]

7 : Livraison

— Je suis désolé, Monsieur, mais je ne peux pas monter vos colis à l'étage. Vous devez descendre les réceptionner et signer le reçu.

Yoongi expira lentement, les mains moites.

Il se trouvait face à l'interphone dans l'entrée de son appartement et tentait de faire comprendre de manière subtile au livreur qu'il ne pouvait pas sortir. Il détestait devoir se justifier auprès d'étrangers, être mis à nu et offert en pâture au jugement, même silencieux.

Et celui-là n'allait pas lui faciliter les choses.

— Monsieur, ce n'est pas que je ne veux pas descendre. Je ne peux pas.

— Vous êtes PMR ?

— Quoi ?

— Vous avez un fauteuil roulant ? Ou des béquilles ? Parce que si ce n'est pas le cas, je ne peux pas vous monter vos colis, ce n'est pas indiqué dans les consignes d'expédition et j'ai un planning de livraison à assurer.

— Non, je... je ne suis pas en chaise roulante mais je ne PEUX pas sortir.

— Dans ce cas, je vais devoir repartir avec ces colis, il me faut une signature mais puisque vous ne voulez pas descendre je ne peux pas laisser les caisses ici.

Cela faisait dix minutes que cela durait. Yoongi lui avait indiqué le numéro de l'appartement de sa voisine auquel il pouvait sonner pour qu'elle descende signer ce putain de bordereau mais elle n'était pas là et il ne connaissait pas assez les autres pour oser les déranger en plein après-midi de semaine...

Il posa son front contre le mur à côté de l'interphone et réprima un sanglot. Il allait devoir sortir... mais il ne pouvait s'y résoudre, tout son corps se hérissant à la simple idée de poser les pieds sur le paillasson de son appartement. Il sentait déjà la sueur couler le long de sa colonne vertébrale, son pouls s'accélérer anormalement et les larmes lui monter aux yeux. Il savait comment cela allait se dérouler, quels étaient les symptômes suivants. Sa bouche deviendrait sèche et sa gorge se contracterait, l'empêchant de respirer correctement. Puis viendrait la douleur dans sa poitrine, parfois si intense qu'il aurait voulu s'arracher les côtes pour l'en extirper et l'écraser sous ses pieds.

— N... non, c'est bon... je... je vais descendre, murmura-t-il assez fort pour que sa voix soit captée par le micro de l'appareil à côté de sa tête.

— Je n'ai pas de temps à perdre Monsieur Min, si vous pouviez vous dépêcher maintenant... asséna le livreur avant d'être interrompu par une voix que Yoongi connaissait.

— Excusez-moi... vous parlez à Monsieur Min ? Min Yoongi ?

— Ouais, vous le connaissez ?

— Oui, c'est un ami et je lui livre ses courses, expliqua Jungkook. Si vous voulez, le signe le bon de livraison et je monte les colis moi-même, intervint-il.

Le plus jeune avait compris la situation du premier coup d'oeil et en entendant prononcé le nom de son ami et client le plus régulier.

Yoongi releva la tête, une lueur d'espoir vacillant au creux de ses pupilles. Jungkook revêtait à ce moment précis la cape du super héro, du chevalier qui le sauvait de ses pires angoisses. Ce n'était pas facile tous les jours de souffrir d'un TAS doublé d'une agoraphobie... le monde ne comprenait pas, les gens qui sortent de chez eux tous les matins ne comprenaient pas. Et Yoongi ne pouvait compter que sur la bonne volonté de ses amis, enfermé qu'il était entre les quatres murs de son appartement.

Non.

Enfermé dans sa tête, entre les quatre murs de son appartement, comme on se plaisait souvent à lui préciser. Comme s'il n'était pas déjà au courant, comme s'il n'avait pas conscience de son mal-être et des limites que ce dernier lui imposait dans son quotidien.